La Cité industrielle de Tony Garnier, une utopie partiellement réalisée
Au cours de son séjour à l’Académie de France à Rome, Tony Garnier (1869-1948) se consacre à son projet d’une “Cité industrielle”, sorte de ville idéale de 35 000 habitants. Environ 160 planches présentent le projet d’une ville moyenne sur un site ressemblant à la région lyonnaise.
Tony Garnier se montre particulièrement sensible à la condition sociale de ses contemporains et ambitionne de concevoir une cité née des besoins des ouvriers qui travaillent pour l’industrie. Sa ville comprend des équipements sanitaires, des écoles, des rues larges, mais il n’y a ni caserne, ni tribunal, ni prison, ni église. Il privilégie l’espace, la lumière et la verdure.
La cité industrielle de Tony Garnier est fortement liée aux utopies du 19e siècle comme le phalanstère de Charles Fourier, qui inspire aussi le Familistère de Guise. L’architecte parvient à construire à Lyon, morceaux par morceaux, certains grands équipements de son projet : l’hôpital Grange-Blanche (baptisé depuis Édouard-Herriot), le stade de Gerland, la cité des États-Unis, et bien sûr les abattoirs de la Mouche, devenus la halle Tony Garnier.
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Le centre de la Cité industrielle de Tony Garnier et les services publics
La zone résidentielle de la Cité industrielle de Tony Garnier se déploie autour d’un centre qui réunit tous les services administratifs, les équipements scolaires, culturels et sportifs. Les établissements sanitaires (hôpital, hospices) sont isolés par rapport au reste de la ville.
Comme pour les abattoirs de la Mouche quelques années plus tard, toutes les circulations de la Cité industrielle sont soigneusement pensées de façon à garantir à ses habitants l’air, le soleil et l’espace. "Pour tous les établissements publics, la construction est presque entièrement en ciment armé et verre armé", précise l'architecte.
Plan d'ensemble du projet de Cité industrielle de Tony Garnier (première étude)
La “Cité industrielle” de Tony Garnier est révolutionnaire en de nombreux points. L'architecte y applique l’organisation en zonage ; il sépare les secteurs en fonction de leur activité. Le quartier résidentiel est situé en hauteur, tandis que toutes les activités industrielles sont placées dans la plaine.
Tony Garnier trace le plan d'une ville de 6 km de long sur 600 m de large avec un tramway comme épine dorsale. Les édifices sont disposés en damier.
Tony Garnier choisit intentionnellement une cité de taille moyenne (35 000 habitants) qu'il imagine se trouver dans la région de Lyon, sa ville d'origine.
Dans le texte qui accompagne ses planches, il écrit : "Notre cité est une imagination sans réalité : disons cependant que les villes des Rive-de-Gier, Saint-Étienne, Saint-Chamond, Chasse, Givors, ont des besoins analogues à ceux de la ville imaginée par nous. La région du sud-est de la France est celle dans laquelle nous situons le lieu de cette étude, et ce sont les matériaux en usage dans cette région qui seront employés par nous comme moyens de construction." (Une cité industrielle. Étude pour la construction des villes, 1917)
Le centre de la Cité industrielle de Tony Garnier et les services publics
La zone résidentielle de la Cité industrielle de Tony Garnier se déploie autour d’un centre qui réunit tous les services administratifs, les équipements scolaires, culturels et sportifs. Les établissements sanitaires (hôpital, hospices) sont isolés par rapport au reste de la ville.
Comme pour les abattoirs de la Mouche quelques années plus tard, toutes les circulations de la Cité industrielle sont soigneusement pensées de façon à garantir à ses habitants l’air, le soleil et l’espace. "Pour tous les établissements publics, la construction est presque entièrement en ciment armé et verre armé", précise l'architecte.
Projet de Cité industrielle : plan du quartier de la gare
La gare est centrale, de manière à se trouver à égale distance des différentes parties de la ville. Elle se trouve dans le seul quartier de la ville où l'on trouve des constructions en hauteur (hôtels, grands magasins). Au centre également, une grande tour à horloges est visible de toute la ville.
Tony Garnier précise : "La voie ferrée de grande communication est supposée complètement droite, de manière à permettre l’usage des trains à grande vitesse." (Une cité industrielle. Étude pour la construction des villes, 1917)
La tour des horloges et les salles de réunion au centre-ville
Le centre-ville conçu par Tony Garnier réunit tous les services administratifs, les équipements scolaires, culturels et sportifs, ainsi qu'un vaste "promenoir".
Dans cette ville conçue pour les ouvriers de l'industrie en plein développement, l'architecte prévoit aussi une Bourse du travail et des salles de réunion pour les syndicats.
© BnF
Le barrage des eaux de la Cité industrielle de Tony Garnier
La fourniture en énergie de la ville est assurée par un barrage et une usine hydroélectrique, et la ville est desservie par le chemin de fer dont la gare se situe à un point équidistant des différents secteurs.
Cité industrielle de Tony Garnier : la terrasse sur la vallée
Tony Garnier applique l’organisation en zonage qui sépare les secteurs de sa Cité industrielle en fonction de leur activité. Ainsi, le quartier résidentiel est situé en hauteur, tandis que toutes les activités industrielles sont placées dans la plaine et séparées des habitations par une ceinture verte.
Les services sanitaires
Tony Garnier conçoit sa Cité industrielle par zones clairement délimitées. Le quartier résidentiel est situé en hauteur, tandis que toutes les activités industrielles sont placées dans la plaine. Dans un autre îlot est placé le quartier "sanitaire" (hôpitaux, hospice, maternité, hydrothérapie).
Projet de Cité industrielle : vue perspective de quartier d'habitation
Les bâtiments officiels comme les logements (maisons individuelles, petits immeubles collectifs) sont d’un dessin très simple. Les toits plats permettent l’aménagement de terrasses. Ce projet visionnaire, d’une ampleur urbaine inédite, ne manquera pas de marquer plusieurs générations d’architectes.
L'emploi privilégié de l'acier et du béton est aussi motivé par des raisons économiques.
Projet de Cité industrielle : plan de quartier d'habitation
Les quartiers d'habitation conçus par Tony Garnier suivent un modèle simple et répétitif : les habitations, comptant peu d'étages, sont isolées, jumelées ou collectives. Elles se succèdent le long de rues plantées d'arbres. Certaines rues sont réservées aux piétons. Tout est conçu pour faciliter la circulation des habitants, mais aussi de la lumière et de l'air, considérés comme vecteurs de bien-être et à de bonne santé.
Voici les règles de base que se donne l'architecte pour la conception des habitations :
"1° - Pour l’habitation, les chambres à lit doivent avoir au moins une fenêtre au sud, assez grande pour donner de la lumière dans toute la pièce et laisser entrer largement les rayons du soleil ;
2°- Les cours et courettes, c’est-à-dire les espaces clos de murs servant pour éclairer ou pour aérer, sont prohibés. – Tout espace, si petit soit-il, doit être éclairé et ventilé par l’extérieur ;
3° - À l’intérieur des habitations, les murs, les sols, etc., sont de matière lisse, avec leurs angles de rencontre arrondis." (Une cité industrielle. Étude pour la construction des villes, 1917)
Projet de Cité industrielle : vue perspective de quartier d'habitation
Les quartiers d'habitation conçus par Tony Garnier suivent un modèle simple et répétitif : les habitations, comptant peu d'étages, sont isolées, jumelées ou collectives. Elles se succèdent le long de rues plantées d'arbres. Certaines rues sont réservées aux piétons. Tout est conçu pour faciliter la circulation des habitants, mais aussi de la lumière et de l'air, considérés comme vecteurs de bien-être et à de bonne santé.
Voici les règles de base que se donne l'architecte pour la conception des habitations :
"1° - Pour l’habitation, les chambres à lit doivent avoir au moins une fenêtre au sud, assez grande pour donner de la lumière dans toute la pièce et laisser entrer largement les rayons du soleil ;
2°- Les cours et courettes, c’est-à-dire les espaces clos de murs servant pour éclairer ou pour aérer, sont prohibés. – Tout espace, si petit soit-il, doit être éclairé et ventilé par l’extérieur ;
3° - À l’intérieur des habitations, les murs, les sols, etc., sont de matière lisse, avec leurs angles de rencontre arrondis." (Une cité industrielle. Étude pour la construction des villes, 1917)
Quartier d'habitation de la Cité industrielle de Tony Garnier
Le béton armé, employé brut, est le matériau de construction privilégié par Tony Garnier pour sa Cité industrielle :
- Son coût relativement faible permet de construire pour le plus grand nombre.
- La technologie du béton donne la possibilité de construire des bâtiments aux lignes sobres qui correspond au projet de Tony Garnier : "L’emploi de tels matériaux permet, mieux que jamais, d’obtenir de grandes horizontales et de grandes verticales, propres à donner aux constructions cet air de calme et d’équilibre qui les harmonise avec les lignes de la nature." (Une cité industrielle. Étude pour la construction des villes, 1917)
© BnF
Quartier d'habitation de la Cité industrielle de Tony Garnier : une circulation facilitée
Tony Garnier imagine une cité aux habitations de faible hauteur, entourées d'espaces verts ouverts à tous.
"Qu’il s’agisse d’une habitation ou de toute autre construction, elle (l'habitation) peut comprendre un ou plusieurs lots ; mais la surface construite devra toujours être inférieure à la moitié de la surface totale, le reste du lot formant jardin public et étant utilisable aux piétons : nous voulons dire que chaque construction doit laisser sur la partie non construite de son lot un passage libre, allant de la rue à la construction située en arrière. Cette disposition permet la traversée de la ville en n’importe quel sens ; indépendamment des rues qu’on n’a plus besoin de suivre ; et le sol de la ville, pris d’ensemble, est comme un grand parc, sans aucun mur de clôture pour limiter des terrains." (Une cité industrielle. Étude pour la construction des villes, 1917)
Quartier d’habitation de la Cité industrielle de Tony Garnier : rue principale
Tony Garnier imagine une cité aux habitations de faible hauteur, entourées d'espaces verts ouverts à tous. Les clôtures autour des maisons sont prohibées : les circulations en tous sens doivent être facilitées. Certaines rues plantées d'arbres sont réservées aux piétons pour qui sont même ménagés des passages sous certains édifices. Seules les rues les plus larges accueillent des véhicules.
Vue des usines et chantiers navals de la Cité industrielle de Tony Garnier
Dans la Cité industrielle de Tony Garnier, toutes les activités industrielles sont placées dans la plaine. La fourniture en énergie est assurée par un barrage et une usine hydroélectrique et la ville est desservie par le chemin de fer dont la gare se situe à un point équidistant des différents secteurs.
L’usine principale est une usine métallurgique qui fabrique surtout "des tubes et des fers ronds, des fers à profil, des tôles, des roues, des machines-outils et des machines agricoles ; elle fait le montage des charpentes métalliques, le matériel des chemins-de-fer et de la navigation, les voitures automobiles et véhicules d’aviation.
En conséquence, elle comprend les hauts fourneaux, des aciéries, des ateliers pour les grandes presses et les grands marteaux, des ateliers de montage et d’ajustage, une gare d’eau pour le lancement des navires et leur réparation ; une gare spéciale embranchée sur la grande voie, un port fluvial, des usines d’ameublement pour carrosserie, des usines de produits réfractaires, etc. ; des pistes d’essais pour les différents véhicules, des laboratoires nombreux, des habitations pour le personnel d’ingénieurs. Naturellement, il y a des dépendances distribuées dans toutes les parties : toilettes, vestiaires, réfectoires, postes pour secours médicaux, etc." (Une cité industrielle. Étude pour la construction des villes, 1917)
Projet de Cité industrielle de Tony Garnier : vue des hauts-fourneaux et du barrage
La fourniture en énergie est assurée par un barrage et une usine hydroélectrique. L’usine principale est une usine métallurgique qui fabrique surtout "des tubes et des fers ronds, des fers à profil, des tôles, des roues, des machines-outils et des machines agricoles ; elle fait le montage des charpentes métalliques, le matériel des chemins-de-fer et de la navigation, les voitures automobiles et véhicules d’aviation". (Une cité industrielle. Étude pour la construction des villes, 1917)
© Bibliothèque nationale de France