Les travaux d’Haussmann
Les travaux d’Haussmann, objectifs, critiques et bilan
La transformation du paysage urbain parisien répond à trois objectifs, d’ordre stratégique, politique et social.
Les objectifs tratégique
En détruisant les ruelles propices à l’érection de barricades, le pouvoir a sans doute répondu à un souci de maintien de l’ordre qui peut sembler évident au lendemain des troubles politiques ayant suivi le coup d’État du 2 décembre 1852, et après la Révolution de Juillet en 1830.
D’imposantes casernes sont érigées au carrefour d’avenues rectilignes comme la caserne des Célestins à proximité du boulevard Henri IV. Paris est ainsi « traversé par d’admirables voies stratégiques qui mettront les forts au cœur des vieux quartiers » (Emile Zola, La Curée).
Les objectifs politique
Mais cet objectif ne semble pas prioritaire, car de nombreuses ruelles subsistent et, surtout, les grandes percées concernent beaucoup moins les quartiers populaires de l’Est et du Sud que les quartiers bourgeois de l’Ouest.
Il faut en effet invoquer une deuxième raison aux bouleversements urbains du second Empire : le souci du prestige a joué un grand rôle, comme le montre parfaitement la célèbre avenue de l’Impératrice, avec ses 140 m de large, qui conduit les visiteurs étrangers jusqu’au bois de Boulogne, où parade le « tout- Paris » de la fête impériale.
Les objectifs sociaux
Enfin, semble intervenir une dernière préoccupation d’inspiration saint-simonienne (inspirée de Saint-Simon (1760-1825) dont la doctrine prône à la fois l’esprit d’entreprise et l’intérêt général) : elle est d’ordre sanitaire, liée à la croissance démographique. Il s’agit avant tout de faire circuler les flux d’hommes, de marchandises, d’air et de lumière, en réduisant la misère urbaine, afin de relier les nouveaux quartiers les uns aux autres et de désengorger le centre. « Il était impossible en présence du développement de la population […] de conserver le vieux Paris tel qu’il était », reconnaît, en 1867, le ministre Rouher, un des principaux opposants à l’urbanisme haussmannien.
Les critiques
En 1867, Jules Ferry fait paraître une brochure dénonçant « Les comptes fantastiques d’Haussmann » (allusion ironique aux « contes fantastiques », opérette d’Hoffmann à succès sous le second Empire). Au total, deux milliards de francs-or ont été dépensés, ce qui équivaut au budget annuel de la France. Le célèbre opposant républicain dénonce surtout la spéculation effrénée, l’enrichissement d’une poignée de promoteurs. L’État a en effet permis les expropriations par simple décret impérial. Dans un premier temps, le financement des travaux a été assuré par la revente des parcelles non utilisées. Mais le Conseil d’État décide en 1858 que ces dernières seront rendues à leurs propriétaires.
Le financement doit désormais se faire par les emprunts : de 60 millions en 1860, on passe à 300 millions en 1868, sans compter les emprunts occultes. Ce sont les contribuables parisiens qui en paieront les intérêts, jusqu’en 1914. Après cette date, l’inflation réduira la dette.
Un succès urbanistique, au prix de la mixité sociale
Sur le plan de l’urbanisme, le succès est certain. C’est une ville moderne qui naît, réglée selon le principe d’harmonie, avec le souci de la « grande composition ». Le parc de logement est multiplié par deux, du fait de l’élévation de la hauteur des immeubles.
Sur le plan social, Paris devient une « ville bourgeoise » qui se vide de ses classes populaires. Les loyers ont explosé. Le confort et la modernité profitent aux « couches nouvelles de la société » célébrées par Gambetta, c’est-à-dire les classes moyennes.
Seules les belles constructions ont été favorisées, car la Ville perçoit alors des droits d’octroi élevés sur la pierre de taille ce qui permet de renflouer ses caisses. Les classes populaires quittent les anciens faubourgs, chassées de Paris par l’élévation du prix des loyers dans la capitale et la perception de l’octroi, qui augmente le prix des denrées et pèse désormais sur les nouveaux quartiers intégrés depuis 1860. Elles s’en vont peupler la « banlieue », dans des logements le plus souvent misérables, sans eau, sans air et sans hygiène.