Histoire de la cathédrale
Notre-Dame de Chartres est réputée être la cathédrale la plus représentative et la plus complète du style gothique, mais elle témoigne également de la continuité entre l’architecture romane et gothique. Ouvert en 1194, le chantier de la cathédrale gothique est connu pour sa rapidité, puisqu’en 1226, le gros œuvre est achevé. Toutefois, on ne saurait réduire son histoire à ces seules trente-deux années.
La cathédrale primitive
La cathédrale de Chartres n’a pas été construite ex-nihilo, elle s’inscrit sur l’emplacement d’anciens édifices religieux. La cathédrale actuelle serait bâtie à l’endroit même où, au premier siècle de notre ère, les premiers chrétiens de la ville furent martyrisés et jetés dans un puits. La tradition orale rapporte qu’une fois leurs corps sortis du puits, l’eau serait devenue miraculeuse, faisant de l’endroit un lieu de pèlerinage, où on établira bientôt une basilique.
Des traces de l’église construite au 9e siècle ont également étaient retrouvées. L’évêque Gislebert fait en effet construire une nouvelle église après la destruction de l’église précédente par les Vikings en 958. Cette basilique connaîtra un grand succès auprès des pèlerins grâce à la présence de la "Sainte Tunique", offerte par Charles le Chauve, en 876. Aussi appelée "Sainte chemise", cette relique aurait appartenu à la Vierge Marie qui la portait le jour de la naissance du Christ. La présence de cette relique a un réel impact sur le développement de la basilique, puis sur l’architecture de la cathédrale qui la remplace. Les pèlerins sont nombreux à venir : l’édifice religieux doit donc accueillir à la fois ces voyageurs ponctuels, venus se recueillir, et assurer aux paroissiens locaux un accès à leur lieu de culte.
De la cathédrale romane à la cathédrale gothique
En 1020, un incendie détruit la basilique primitive. L’évêque Fulbert fait construire une cathédrale romane, consacrée en 1037, dont la crypte est décorée de peintures. Celle-ci connaîtra quelques modifications au fil du temps, telle que l’allongement de la nef et la construction d’une seconde tour occidentale. En 1194, un nouvel incendie détruit l’édifice. Seules la crypte, dans laquelle est conservée la relique de la "sainte chemise", et la façade occidentale sont épargnées. Les parties en bois, comme la charpente, ne résistent pas aux flammes. Cet accident ouvre le chantier de la cathédrale gothique que nous connaissons aujourd’hui et qui conserve les héritages des édifices passés. La nécessité de se prémunir contre les ravages des incendies est l’une des raisons de la percée du style gothique et de ses voûtes en pierre.
Le chantier est connu pour sa rapidité, puisque débuté en 1194, le gros œuvre est achevé en 1226. La crypte du 11e siècle, épargnée par l’incendie de 1194, ordonne le plan de la nouvelle cathédrale et donne la mesure de sa longueur et de sa largeur. Les points d’appui sont imposés par l’écartement des deux couloirs de la crypte, donnant à la nef une portée exceptionnelle de 16, 40 m : c’est la plus large parmi les cathédrales gothiques.
La nouvelle cathédrale dispose d’un double déambulatoire et de sept chapelles. Le chœur est long de quatre travées, pour accueillir les soixante-douze chanoines qui doivent y siéger. Un transept fait également son apparition. Il est particulièrement développé, afin de permettre le passage des processions solennelles qui le traversent lors des fêtes liturgiques. La nouvelle cathédrale vient se superposer à la crypte romane. Accessible par le portail sud, cette crypte connue sous le nom de Notre-Dame-Sous-Terre est la plus grande église souterraine médiévale.
Une cathédrale, trois portails
La cathédrale est desservie, ce qui n’est pas fréquent, par trois portails donnant au nord, au sud et à l’ouest. Le plus ancien est le portail ouest, aussi appelé le portail royal repris de l’ancienne cathédrale. Il a été épargné par les flammes en 1194. Son style est donc plus ancien : l’esthétique romane y domine, même si des traces d’influence byzantine y sont visibles.
Les éléments bibliques et les signes géométriques et mathématiques réunis sur le portail témoignent de la volonté des maîtres d’ouvrages de faire cohabiter et se nourrir mutuellement la foi et la science. Cette philosophie est caractéristique de ce que l’on appellera l’école de Chartres. Elle sera développée dans les écrits d’un célèbre évêque de Chartres, Jean de Salisbury (1115-1185).
Suite à la reconstruction de 1194, deux portails sont ajoutés au transept. Le portail sud est dédié au Jugement dernier, tandis que le portail nord est dédié au triomphe de la Vierge. Il est érigé entre 1198 et 1224. L’influence de la statuaire gothique y est plus forte : les visages se font expressifs. Lors d’un programme de restauration au début des années 2 000, des traces de polychromies ont été découvertes, ce qui laisse imaginer que le portail était peint – ou au moins ses statues.
La cathédrale est achevée quelques années plus tard avec la mise en place des roses au nord, en 1230, et en 1234, au Sud. La consécration, sous le nom de Notre-Dame, peut alors avoir lieu en 1260, en présence de Saint Louis.
La cathédrale gothique
La cathédrale compte un certain nombre de nouveautés : les voûtes sur croisées d’ogives sont à plan "barlong" (en forme de rectangle allongé) : chaque clé de voûte correspondant à quatre arcs diagonaux, à l’intérieur d’un module de forme rectangulaire.
Au point le plus élevé, les voûtes atteignent 37 m de hauteur, ce qui représentera pendant quelques années un record de hauteur. Pour la première fois à Chartres, les constructeurs décident que tout le système de stabilité reposera sur l’emploi d’arcs-boutants pour libérer l’espace intérieur de la cathédrale.
Conformément à l’esprit de l’architecture gothique, la cathédrale fait la part belle à la lumière. Les fenêtres hautes sont composées de deux lancettes (fenêtre très haute et allongée terminée par un arc brisé), surmontées d’une large rose.
Des marques du gothique flamboyant
En 1506, la flèche du côté Nord de la façade brûle. Elle est remplacée par le maître d’œuvre Jehan le Texier (aussi connu sous le nom de Jehan de Beauce) dans un style flamboyant. En 1513, Jehan le Texier fait construire une fine dentelle de pierre. En effet, à la fin du 13e siècle, les efforts se concentrent sur le renouvellement du décor.
L’architecture des cathédrales est arrivée à un stade où elle ne peut plus vraiment évoluer au Nord de la France, la plupart des édifices étant déjà construits. Le style flamboyant voit alors le jour : il se caractérise par une certaine surcharge d’ornements. Les décors et les frises à base de motifs de torsades ou de flammes deviennent exubérants. C’est d’ailleurs ce dernier motif, la flamme, qui donne son nom au nouveau style.