Histoire du métier de peintre
Le métier de peintre remonte, comme pour tous les métiers du bâtiment, à la plus haute Antiquité. Les vestiges de Perse, d’Égypte ou de Grèce n’ont pas toujours été de somptueux blocs de pierre simplement sculptés. Le temps a effacé les couleurs vives qui recouvraient les idoles et les murs des temples, des palais et des maisons – à l’intérieur comme à l’extérieur. Dans les temples grecs par exemple, toutes les sculptures étaient rehaussées de rouge et de bleu, voire d’or. Certains noms de peintres sont parvenus jusqu’à nous : ainsi l’Égyptien Aristide de Thèbes à qui l’on doit la peinture à l’encaustique (ou à la cire) au 4e siècle av. J.-C., ou Cléophante de Corinthe qui expérimenta le camaïeu (peinture monochrome imitant les bas-reliefs).
Le peintre de la Rome antique
Sous l’Empire romain, la peinture se développe sur tous les supports, dans tous les types de construction. La peinture romaine allie les motifs décoratifs géométriques ou figurés à des représentations de la vie quotidienne, des scènes pastorales ou des représentations d’une nature idéale, trompe-l’œil architecturaux. Les coloris sont très vifs (rouge de Sinope, blanc de Milo, jaune d’Athènes, noir) et les techniques sont variées : peinture à la détrempe, l’encaustique, a fresco… Le travail du peintre n’est cependant pas uniquement de l’ordre de la décoration : il doit aussi inscrire des annonces sur les murs extérieurs, visibles de tous pour annoncer par exemple une auberge, un événement particulier ou un logement à louer.
Au Moyen Âge, l’artisan et l’artiste se confondent
Pendant tout le Moyen Âge, aucune réelle distinction n’existe entre le peintre en bâtiment et le peintre imagier – entre l’artisan et l’artiste. Le prévôt de Paris, Étienne Boileau, estime même que les métiers d’enlumineur (qui enlumine, décore les livres), de peintre et de sculpteur-imagier relèvent du même domaine, dans la mesure où les trois participent à la décoration des églises, des châteaux et des maisons.
Fondée en 1391 à Paris, l’Académie de Saint-Luc est une confrérie de charité entre les peintres et les sculpteurs. En dehors de sa mission première d’entraide, la communauté crée l’émulation en organisant des expositions et des concours. Tout comme les temples, les palais et les maisons antiques, les églises et les cathédrales du Moyen Âge arborent alors des couleurs sur leurs façades extérieures et dans la décoration intérieure. Beaucoup de ces peintures se sont effacées avec le temps, mais cette tradition picturale a perduré au-delà du Moyen Âge, comme à la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi.
Techniques anciennes…. et nouvelles
Les techniques employées au Moyen Âge sont héritées de l’Antiquité : la détrempe, l’encaustique et la peinture à fresque étaient largement utilisées. Les pigments jaunes, bruns et rouges sont obtenus à partir de pierre ocre. Le blanc provient de la céruse, mélangé à de l’huile de noix et de l’essence de térébenthine. Les liants peuvent être de la colle de peau, de l’œuf, de l’alcool.
La peinture à l’huile fait son entrée à partir du 14e siècle. La feuille d’or ou le bronze étaient aussi mis à contribution pour les peintures les plus prestigieuses.
Les peintures murales des églises et des cathédrales font l’objet d’une véritable redécouverte à la fin du 18e et au début du 19e siècle, sous l’impulsion notamment d’Alexandre Lenoir ou d’Eugène Viollet-le-Duc, alors chargé de restaurer les grands monuments historiques de la France.
Peintre de décors et "grand peintre" : une distinction récente
La hiérarchie entre les différentes spécialités du peintre apparaît peu à peu, notamment avec l’essor de la peinture de chevalet à partir du 14e siècle. Cette production, beaucoup moins coûteuse que les grands décors peints et les tapisseries, connaît un vif succès auprès des commanditaires de l’Europe entière. En 1648, l’Académie royale de peinture et de sculpture est fondée par un groupe de peintres et de sculpteurs qui souhaitent s’affranchir de la corporation des peintres, doreurs, sculpteurs et vitriers dont l’organisation et les principes leur semblent encore ancrés dans le Moyen Âge. Soutenue par l’État, l’Académie royale, lieu de réflexion artistique et intellectuelle, développe alors une organisation très hiérarchique que l’on retrouve dans l’enseignement dispensé comme dans l’organigramme. C’est elle qui contribue à la classification des arts où la peinture d’histoire apparaît comme le sujet le plus noble. En bas de l’échelle, on retrouve la peinture de genre (vie quotidienne) ou d’observation (paysage, nature morte). Les peintres décorateurs sont alors écartés de la “grande peinture”.
Le 19e siècle innove
Le 19e siècle est celui de plusieurs innovations.
C’est à ce moment qu’apparaît la peinture prête à l’emploi sous forme de tubes ou de pots. Cette nouveauté transforme le métier du peintre qui devait jusqu’alors préparer lui-même ses couleurs, ce qui supposait des connaissances en termes de chimie souvent très poussées. Il fallait réussir à trouver le bon équilibre entre un pigment (naturel) et le liant (œuf, lait, colle, eau, huile…). Au 19e se popularise aussi le papier peint, qui connaît un très grand succès tout au long du siècle auprès de la bourgeoisie lassée des murs simplement blanchis à la chaux.
Le papier peint nous provient d’Extrême-Orient. Dans son Livre des merveilles, le voyageur Marco Polo décrit avec une grande admiration les intérieurs chinois tapissés de somptueux papiers peints. Il faut attendre la fin du 18e siècle pour que la Hollande, la France ou encore l’Allemagne, touchées par l’orientalisme, s’approprient le papier peint. Au siècle suivant, les principales manufactures de papier peint, principalement localisées autour de Lyon et en Alsace, se tournent rapidement vers une production industrielle. Le processus de fabrication est contrôlé depuis le dessin – l’esquisse – par des artistes parfois renommés, jusqu’à la fabrication en feuilles ou en rouleau. L’impression polychrome est le résultat d’une opération relativement complexe : il s’agit de décomposer toutes les couleurs de l’esquisse et de les imprimer une à une pour retrouver le dessin originel. Les motifs peuvent aller du géométrique le plus simple et répétitif (on parle alors de domino) aux représentations les plus élaborées, parfois rehaussées de pigments métalliques (argent, bronze, or), minéraux (mica), de matières laineuses ou de plastique.
La pose du papier peint, qui est du ressort des peintres, doit, comme pour la peinture, faire l’objet d’une préparation minutieuse : les supports doivent être régulièrement poncés, sans trous ni fissures.
Idées reçues… et réalités au 20e siècle
Au début du 20e siècle, de nombreuses idées reçues alimentent la réputation du peintre. Celui-ci est souvent considéré, à travers la presse et dans l’opinion publique, comme un homme joyeux et bon vivant. On le dit farceur et enjoué : le peintre passerait ses journées de travail à chanter ou siffler des refrains populaires ou des airs d’opéra, par exemple :
"Barbouilleurs / de couleurs / fêtons nos dimanches ; / mais, gais travailleurs, / le lundi retroussons nos manches. / Barbouilleurs / de couleurs / fêtons nos dimanches. / C’est bien le moins qu’à table assis / on trinque un jour sur six."
On dit aussi du peintre qu’il est bon vivant et ne raterait pas une occasion pour boire un verre de vin… Sur le chantier, toutes les occasions seraient bonnes : accession de l’apprenti (arpète) au statut de compagnon – "on arrose la blouse" –, oubli ou chute d’un pinceau depuis les échafaudages provoquant une amende payable sous forme d’une bouteille… Tous ces préjugés entretiennent l’idée selon laquelle le peintre en bâtiment serait un artiste raté, peu enclin au travail. Cette vision caricaturale a beaucoup desservi l’image du peintre dont la réalité sociale était souvent bien plus difficile.
Comme tous les ouvriers au début du 20e siècle, le peintre en bâtiment était payé à la journée. À Paris, les embauches avaient lieu chaque soir place du Châtelet de 17 à 19 heures et le dimanche de 12 à 14 heures. Pour défendre leurs intérêts communs, les peintres ouvriers se sont réunis en associations (“la mutuelle”, “la ruche”, “le travail”, “la peinture moderne”…). On compte, au début du 20e siècle, 24 syndicats patronaux et 79 syndicats ouvriers de peintres en bâtiments en France. À côté de la conquête de meilleurs acquis sociaux, l’abandon de produits toxiques comme la céruse occasionnera à cette période des polémiques assez vives.