Une découverte majeure : l’électricité
L’électricité est connue depuis l’Antiquité. Le savant grec Thalès de Milet a observé qu’après avoir frotté un morceau d’ambre (résine fossile de couleur jaune à orangée), celui-ci pouvait attirer des objets ou créer des étincelles : il donne à ce phénomène le nom d’“êlektron” qui signifie “ambre jaune”.
Les premières expériences
En 1600, l’Anglais William Gilbert reprend le terme “electric” – en référence aux expériences menées par les Grecs. En faisant clairement la distinction entre magnétisme et électricité statique, William Gilbert inaugure une longue série d’expérimentations qui se déroulent partout en Europe. Au 18e siècle, époque des Lumières, de nombreux savants et inventeurs tentent des expériences électriques dont les plus impressionnantes sont montrées auprès des souverains et de leur cour. À Versailles, l’abbé Nollet, grand scientifique et précepteur des enfants de Louis XV, organise de nombreux événements autour de l’électricité. Ces démonstrations rencontrent un tel succès qu’elles deviennent de véritables spectacles. Puis les expériences sont aussi présentées dans les salons des nobles ou dans les boutiques de marchands d’appareils scientifiques. Le spectacle n’a pas seulement pour but d’étonner : il s’agit d’apprendre en s’amusant. Les expériences demandent parfois aussi la participation du public : la plus connue est sans doute celle où, après avoir frotté le corps d’un volontaire habillé de vêtements en coton, on le suspend avec des cordes isolantes. Chargé d’électricité et ainsi isolé de la terre, le sujet attire à lui comme par magie des petits objets comme du papier ou des feuilles d’or. La décharge enchaînée figure parmi les expériences qui suscitent le plus d’émoi. En 1746 dans la galerie des Glaces, l’abbé Nollet demande à plusieurs dizaines de personnes de se tenir la main. Au bout de la chaîne, Nollet touche une bouteille de Leyde (bouteille de verre remplie d’eau ou de métal et recouverte de métal chargé d’électricité) : la secousse est ressentie par toute la chaîne. Séduit par l’expérience, le Roi se fait “électriser” à plusieurs reprises dans le cabinet de physique de Versailles. Certains attribuent à ce phénomène des pouvoirs de guérison, ou même des vertus érotiques.
D’autres expériences sont tentées sur des plantes ou des petits animaux. On observe alors une modification du comportement, l’accélération du pouls, parfois la mort. Toutes ces expériences font prendre conscience que l’électricité peut être dangereuse.
Les grandes découvertes
L’histoire de l’électricité est jalonnée de découvertes théoriques et d’expérimentations qui conduiront progressivement à la généralisation de son utilisation.
1729 : la bouteille de Leyde, ancêtre du condensateur. L’expérience de Leyde préfigure l’invention du condensateur. Une bouteille de verre remplie d’eau ou de métal et recouverte de métal est mise au contact d’une machine électrique à frottement. La bouteille se charge d’électricité : quiconque la touche reçoit une forte décharge. On est dès lors capable de stocker de l’électricité ; le condensateur est inventé.
1752 : le paratonnerre. En 1749, Benjamin Franklin note la similitude entre l’éclair et l’étincelle électrique : mêmes couleur, odeur, rapidité, pouvoir de fondre les métaux. Puisque les deux sont attirés par des pointes, il propose de placer sur une hauteur une construction légère surmontée d’une haute tige de fer pouvant "soutirer l’électricité des nuages" et protéger ainsi de la foudre maisons et navires. À cette pointe est relié un fil descendant jusqu’au sol.
À partir de ce dispositif, Franklin conçoit le paratonnerre, et met en évidence l’importance protectrice du raccordement à la terre. L’expérience de Franklin est réalisée avec succès le 10 mai 1752, en présence du roi Louis XV. En septembre 1752, poussant plus loin la recherche pour "tirer" l’électricité des nuages orageux que les pointes ne peuvent atteindre, Franklin envoie dans les airs un cerf-volant et conduit l’électricité le long d’une corde, pour réduire la puissance de l’orage. En 1753, Franklin installe un paratonnerre sur sa propre maison.
L’installation des premiers paratonnerres en France provoque de véritables émeutes, car des doutes demeurent sur l’efficacité de ces dispositifs, pas toujours bien installés. Mais dès 1754, l’usage du paratonnerre se répand.
1785 : la Loi de Coulomb. La loi de Coulomb permet de mesurer la force exercée entre deux corps porteurs de charges électriques. Pour cela, Coulomb construit une balance un peu spéciale : la balance à torsions.
1799 : la pile Volta. Le physicien italien Alessandro Volta est déjà connu pour ses travaux sur l’électricité lorsqu’il met au point la première pile voltaïque à l’âge de 50 ans.
En 1799, il réalise une expérience qui montre que le contact entre deux matériaux différents, reliés par un conducteur, permet de fabriquer de l’électricité. Volta conçoit ainsi une colonne ("pila" en latin) constituée de plusieurs couples de disques de zinc et de cuivre, séparés par un tissu imbibé d’eau salée ou d’acide sulfurique. La première pile comporte environ 600 disques et mesure presque 1, 50 m. Un fil métallique relie les deux extrémités : le zinc se charge de fluide positif et le cuivre de tension négative, créant un fort courant électrique.
En 1801, Napoléon Bonaparte assiste à la présentation de Volta devant l’Institut de France : le physicien montre sa pile, énonce la loi des tensions, ainsi que la valeur des métaux classés par ordre d’électropositivité décroissante, du zinc à l’argent. La pile Volta permet de nouvelles avancées sur l’électricité, comme l’hydrolyse et les batteries. En 1881, l’unité de tension électrique devient le Volt, en hommage au savant.
1813 : la lampe à arc électrique. Sir Humphrey Davy, physicien et chimiste anglais, réussit à faire naître un arc électrique éblouissant en utilisant la décharge électrique d’une pile très puissante placée entre deux fils conducteurs terminés par deux crayons de charbons de bois. Il invente ainsi la lampe à arc électrique.
1819 : le lien entre électricité et magnétisme via l’interaction aimant-courant. Cette interaction est démontrée par Hans-Christian Oersted, physicien et chimiste danois. Elle permettra à Ampère de mettre au point sa théorie de l’électrodynamique.
1820 : l’électrodynamique d’Ampère. André-Marie Ampère affirme que "le courant existe dans un circuit partout avec la même intensité" qu’il définit comme un débit d’électricité. Il jette les bases d’une nouvelle branche de l’électricité : l’électrodynamique. Depuis 1881, le nom d’Ampère désigne l’unité d’intensité.
1822 : le premier moteur électrique rotatif. Peter Barlow invente un appareil composé d’une roue métallique dont les dents plongent dans du mercure (conducteur), et d’un aimant en fer à cheval placé de part et d’autre de la roue. En reliant le mercure et la potence à une pile, le courant passe entre le centre de la roue et les dents. La roue se met à tourner rapidement, résultat de la force électromagnétique exercée par l’aimant sur ces courants.
1826 : la loi d’Ohm. Le physicien allemand Ohm étudie les phénomènes électriques et en propose une description théorique en 1826. Il formule une loi qui permet de calculer la résistance des matériaux à l’électricité. Cette loi permet de calculer la conduction des matériaux, ou bien la puissance des générateurs. Elle permet de faire la connexion entre intensité et tension. 1831 : l’induction. Michael Faraday découvre l’induction, l’usage des mots “électrolyte, électrode, anode, cathode”… ainsi que le principe de la galvanoplastie. Il réalise un appareil faisant tourner un petit objet avec de l’électricité, qui est un ancêtre des moteurs électriques.
1832 : la machine de Pixii, ou alternateur. Première machine utilisant le phénomène d’induction, elle peut être considérée comme la première machine magnéto-électrique (ou alternateur). Elle est construite par les Pixii père et fils en 1832. Un aimant en U (inducteur) tournant devant une paire de bobines (induit) y engendre un courant alternatif.
1838 : le télégraphe électrique de Morse. Inventeur du langage du même nom, Samuel Morse invente une machine de communication reposant sur l’emploi des électroaimants associés à un levier émetteur et un récepteur enregistreur.
Ce télégraphe électrique (à ne pas confondre avec le télégraphe optique de Chappe qui date du siècle précédent) sera décliné en diverses versions selon les usages : à cadran dans les chemins de fer, à clavier dans les imprimeries, à bandes perforées… Dès 1858, une liaison télégraphique permet à l’Amérique et à l’Europe d’échanger des messages.
1841 : la Loi de Joule. James Prescott Joule participe avec d’autres physiciens à l’établissement du principe de la conservation de l’énergie. Il formule la loi qui porte son nom et qui régit les dégagements de chaleur provoqués par le passage du courant électrique dans un conducteur.
1859 : l’accumulateur, ou première batterie. Gaston Planté préparateur au Conservatoire des arts et métiers, crée une nouvelle source d’énergie qu’il nomme "pile secondaire". Il invente ainsi la première batterie.
1864 : l’existence des ondes électromagnétiques. James Clerk Maxwell réalise une synthèse des diverses lois expérimentales découvertes par ses prédécesseurs en électrostatique, magnétisme et induction, tout en proposant sa propre vision du champ magnétique. Son équation introduit l’existence d’ondes électromagnétiques. Ses travaux constituent le véritable fondement de l’électromagnétisme moderne.
1865 : l’anneau de Pacinotti. Antonio Pacinotti construit dès 1859 un prototype de machine avec un anneau tournant dans un champ magnétique.
1867 : l’anneau de Gramme. Zénobe Gramme, inventeur belge, perfectionne dès 1867 l’invention de Pacinotti. L’anneau de Gramme permet de résoudre les problèmes de pertes de puissance des premiers moteurs électriques.
1871 : la dynamo à courant continu. Gramme met au point la première dynamo industrielle. Grâce à cette invention, le moteur électrique sort de ses applications marginales.
1876 : l’invention du téléphone. Le 10 mars 1876 est considéré comme la date de la première transmission d’un message vocal sur des fils électriques. L’inventeur Graham Bell parvient alors à communiquer par ce moyen avec son assistant situé à un autre étage du même bâtiment.
Au cours des premières années de l’histoire du téléphone, il faut passer par une opératrice pour obtenir son correspondant. Dans ces centraux téléphoniques, les "demoiselles du téléphone" mettent les abonnés en contact au moyen de fiches qu’elles connectent entre elles.
1879 : la lampe à incandescence. Thomas Edison (1847-1931), scientifique et inventeur américain pionnier de l’électricité, conçoit un dispositif composé d’un filament de bambou qui brûle au sein d’une bulle de verre, dans laquelle on a effectué le vide quasi absolu. Cette première lampe offre plusieurs dizaines d’heures d’éclairage. Le fil de coton sera progressivement remplacé par un fil de fer.
1883 : le moteur à champ magnétique de Tesla. Nikola Tesla (1856-1943) invente le moteur asynchrone et l’alternateur polyphasé, aujourd’hui utilisés dans les transports et les centrales électriques. Le Tesla est depuis 1960 l’unité utilisée pour quantifier l’intensité du champ magnétique.
1884 : le transformateur en courant alternatif. Lucien Gaulard (1850-1888) invente le transformateur, qui permet d’élever la tension délivrée par un alternateur, ce qui facilite le transport de l’énergie électrique par des lignes à haute tension.
La production d’électricité au 20e siècle
L’électricité n’atteint pas dès sa découverte le stade de la production de masse. Ce n’est qu’à partir de la fin du 19e siècle qu’elle peut être produite en quantité, et remplacer peu à peu le gaz pour l’éclairage des habitations et des villes. Au 20e siècle, l’électricité entre dans la vie quotidienne. 1880 : apparition des premières centrales hydroélectriques et des premières lignes électriques.
1888 : conception des premières éoliennes produisant de l’électricité et équipées de batteries.
1896 : découverte de la radioactivité. Les découvertes d’Henri Becquerel, puis Pierre et Marie Curie sur la radioactivité préfigurent les applications nucléaires du siècle suivant.
1904 : le principe de la géothermie (exploitation de la chaleur terrestre pour la transformer en électricité) est découvert en 1818 par François de Larderel. Mais le premier générateur d’électricité géothermique est inauguré en 1904.
1906 : première expérience de production d’électricité grâce à l’effet photovoltaïque (faibles quantités d’énergie produites par des matériaux exposés à la lumière du soleil). Mais cette technologie connaît peu de développement dans la décennie qui suit, en raison de la faible quantité d’électricité produite.
1942 : premier réacteur nucléaire expérimental, conçu dans le cadre du projet Manhattan visant à doter les États-Unis de l’arme nucléaire.
1951 : première centrale nucléaire du monde, dans l’Idaho, aux États-Unis.
1954 : premier panneau solaire produit par les laboratoires Bell.
1956 : première centrale nucléaire expérimentale en France à Marcoule, dans la vallée du Rhône. En 1960, la première centrale nucléaire civile ouvre à Cadarache.
1966 : première usine marémotrice (utilisant la force de la marée) à La Rance, en Bretagne.
1971 : premier parc d’éoliennes en mer. Mais c’est surtout à la suite des chocs pétroliers (1973) que les énergies renouvelables connaissent un regain d’intérêt et se développent.
1973 : première utilisation de panneaux solaires sur des toits de maisons isolées.
2 011 : premières hydroliennes (utilisant l’énergie des courants marins) visant une production industrielle au large de l’île de Bréhat, en Bretagne.
Comment transporter l’électricité ?
Après avoir réussi à produire de l’électricité, les ingénieurs doivent s’attaquer au difficile problème de son transport, et à l’installation étendue du réseau.
1882 : premier transport d’électricité sur grande distance. Dès 1881, lors de l’exposition internationale d’électricité, l’ingénieur français Marcel Deprez expose ses idées sur le transport de l’électricité et présente une installation de distribution électrique.
À partir de 1882, il procède à plusieurs expériences de transport en courant continu, malgré un faible rendement de 30 %. En 1889, la ville de Bourganeuf dans la Creuse est la première en France à inaugurer un éclairage électrique dans l’ensemble des rues de la localité avec un site de production éloigné.
Plus tard, le courant alternatif supplantera le courant continu.
1920-1938 : en 1918, à peine 20 % des 38 014 communes françaises sont raccordées au réseau électrique : il s’agit de communes urbaines.
Le programme d’électrification rurale est essentiellement réalisé entre 1920 et 1938. La Première Guerre mondiale a en effet eu comme conséquence inattendue de faire découvrir l’électricité des villes aux appelés des régions les plus isolées. Les communes, les distributeurs et installateurs électriques, mais surtout l’État et les collectivités locales deviennent, dans les années 1920, les principaux initiateurs et bailleurs de fonds de ce vaste programme qui concerne 20 millions de ruraux, soit environ la moitié de la population française métropolitaine.
Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, l’électrification rurale est pratiquement accomplie avec 96 % de la population française raccordée au réseau.
Mais, au sortir de la guerre, 17, 5 % des foyers ruraux et 5, 7 % des urbains n’ont plus l’électricité en raison des dommages causés par les combats.