Un projet international complexe
Dans Sydney, ville en plein développement, la construction de l’opéra n’est pas une simple affaire municipale ou nationale : un concours international est lancé en 1955. Le jury, notamment composé d’architectes de toutes nationalités, doit examiner 233 candidatures venues du monde entier, afin de donner à la ville de Sydney la grande salle de spectacle qu’elle attend.
Une ville sans opéra
Fondée en 1788, Sydney est une ville jeune et dynamique, en plein développement économique et démographique. Au début du 20e siècle, on compte environ un million d’habitants. Au carrefour du Pacifique, Sydney se caractérise par une population cosmopolite. Juste après la Seconde Guerre mondiale, les politiques encouragent l’immigration, nécessaire pour la construction et la modernisation du pays.
Écoles, administrations, hôpitaux… tous les équipements publics nécessaires à la population se construisent progressivement mais il manque encore un établissement culturel pour permettre les productions d’œuvres théâtrales et musicales. Capitale économique du pays, Sydney doit aussi prouver qu’elle est une ville où l’art et la culture ont toute leur place.
Un concours international
Le lauréat du concours lancé pour le nouvel opéra est un jeune architecte danois de 37 ans, presque inconnu en dehors de son pays. Le projet de Jørn Utzon (1918-2008) est sans doute celui qui réussit à mieux tirer parti de l’emplacement donné. Il décide d’aménager le promontoire de Bennelong Point de voiles de béton disposées de façon à donner l’impression d’un grand voilier amarré dans la baie de Sydney. L’ensemble du projet s’étend sur presque deux hectares. La poésie qui se dégage de ce projet convainc les membres du jury et une partie de l’opinion publique… même si les mauvaises langues y voient des carapaces de tortue ou une tente de cirque !
L’architecture à l’ère de la mondialisation
Au tout début du projet, Jørn Utzon travaille sur l’opéra de Sydney depuis son agence à Hellebæk, près de la ville d’Elseneur, à l’est du Danemark. 17 000 km séparent Elseneur de Sydney ; il faut compter au moins 24 heures de voyage. Quand on pense que le bureau d’ingénieurs Ove Arup se trouvait à Londres, que les différentes entreprises se trouvaient en Suède, Australie ou encore Autriche et qu’Internet n’existait pas encore, on imagine les difficultés pour réunir tout le monde !
Jørn Utzon émigre finalement en Australie avec sa famille et ouvre une agence avec quatre collaborateurs en 1963. Les critiques à l’encontre de l’architecte se multiplient en 1965 lorsque le parti conservateur arrive à la tête du gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud. Elles débouchent sur un conflit violent, très médiatisé. En 1966, Jørn Utzon se trouve dos au mur. Il quitte l’Australie malgré le soutien d’une partie de l’opinion publique et d’une pétition internationale en sa faveur. Le chantier reprend quelques mois plus tard, sous la direction de trois architectes australiens. Jørn Utzon n’assiste pas à l’inauguration de l’opéra de Sydney et n’est même pas cité dans les discours officiels. Il ne mettra plus jamais remis les pieds en Australie.
Les mésaventures de Jørn Utzon ne sont pas sans rappeler celles d’un autre architecte danois, Johan Otto von Spreckelsen, concepteur de la Grande Arche de La Défense près de Paris. Également quasi-inconnu lorsqu’il remporte le concours international, il se heurte aux mêmes doutes que Jørn Utzon quant à la faisabilité technique de son projet. Comme lui, remplacé par un architecte local, il quitte le chantier avant l’inauguration de l’édifice.
Aujourd’hui, l’opéra de Sydney peut recevoir jusqu’à 5738 spectateurs. Il se compose de deux grandes salles (auditoriums), de studios de répétition, de restaurants et de magasins de souvenirs.