L’art du jardin chinois
En Chine, l’art du jardin relève d’un savoir-faire vieux de quatre mille ans. Réservé à l’origine à l’empereur et aux princes, il s’est étendu progressivement aux marchands et aux lettrés qui cherchèrent à exprimer la vision d’un monde transcendé. Cet art atteint son apogée sous les Ming (1368-1644) avec l’apparition de grands maîtres jardiniers possédant une formation de lettrés et maîtrisant la peinture autant que la poésie. L’un d’eux, Ji Cheng (1582-1644), rédige l’unique traité chinois sur cet art, le Yuanye, à la fin de la dynastie, en 1634. Monté sur le trône du Dragon dix ans plus tard, les empereurs Mandchous ont adopté la culture chinoise et créé de nombreux parcs impériaux dont le célèbre Yuánming Yuán, leur palais d’Été.
Montagne et eau, éléments essentiels
Le jardin chinois est indissociable de la pensée taoïste. Monde à l’écart du monde, invitant au retour à la nature et la retraite, il participe de la quête d’un paradis perdu. Deux éléments essentiels le structurent : la montagne (shan) et l’eau (shui), qui désignent aussi un genre pictural spécifique, la peinture de paysage, intiment lié à l’art paysager.
Avant tout le jardin est un lieu clos, entouré d’un mur d’enceinte, qui forme un microcosme de la nature à l’échelle de l’homme. À l’intérieur, l’eau coule telle une source de vie. Le tracé courbe des plans et la sinuosité des cours se perdent en méandres qui jamais ne laissent entrevoir l’épuisement de l’onde. Les montagnes artificielles, amalgames de terre et de rochers, composent l’ossature du jardin. Quintessence du ciel et de la terre, la pierre représente la force créatrice de la nature et se réfère à la notion de stabilité, d’immobilité.
Par leur reflet changeant et leur foisonnement, les végétaux assurent l’animation et la transmutation continuelle du jardin à travers les différents moments de la journée et de l’année. Les trois amis de l’homme - bambou, pin et prunus - sont ainsi plantés pour l’hiver, le magnolia pour le printemps, le lotus pour l’été, l’érable et le chrysanthème pour l’automne. Des espèces également cultivées pour leur pouvoir évocateur et leur valeur allégorique.
La marque de l’homme
Le jardin chinois est « construit » par l’agencement montagne et eau, mais encore par la place des bâtiments qui doivent se fondre dans le paysage tout en offrant des vues remarquables. C’est autour d’eux que s’organisent les différentes parties du jardin. De leur situation dépendent architecture, décoration et fonction. Disséminés dans le jardin, certains pavillons servent pour l’habitation, d’autres pour les réceptions. Le kiosque est un lieu de repos et de contemplation. Les galeries, longues et sinueuses, ouvrent sur l’extérieur, relient des pavillons entre eux, courent à la surface de l’eau.
Tous ces bâtiments font partie intégrante du jardin, comme l’homme fait partie intégrante de la nature. Du plus simple au plus raffiné, leur variété répond à la diversité des paysages, des points de vue imaginés.