Les engins de levage au Moyen Âge
Au Moyen Âge, sur les chantiers de construction, une grande partie des matériaux est portée à dos d’homme, à l’aide de civières ou de brouettes. Mais les lourdes charges, comme les poutres ou les pierres, sont hissées grâce à divers systèmes de levage plus élaborés. Ces dispositifs, qui mobilisent les compétences des charpentiers, vont de simples cordes de chanvre enroulées sur des poulies, à de véritables grues à partir du 13e siècle. Les textes de l’époque parlent alors d’"engin" ou de "machina".
Parmi les agencements les plus simples, la chèvre est héritée de l’Antiquité. Elle est constituée de potences de bois appelées "hanches", de cordes, de poulies et d’un système d’enroulement ou treuil. Au Moyen Âge, deux types de chèvre se côtoient.
- La chèvre à trois pieds (appelé aussi cabre) est constituée de deux longues poutres dressées en oblique et fixées entre elles à leur sommet, soutenues par une troisième pièce de bois, dénommée "pied".
- La chèvre à haubans : le système comprend deux "hanches" reliées à leur sommet et tendues par des haubans (câbles tendus de part et d’autre) afin d’empêcher l’ensemble de s’effondrer. Lorsqu’elles sont disposées dans les parties hautes de la construction, les deux pièces de bois peuvent être reliées entre elles par des barres horizontales en bois, les étrésillons, qui consolident l’assemblage. Car la chèvre doit alors être disposée en position légèrement inclinée pour éviter le frottement des cordes de traction contre les murs de la construction.
Au sommet de ces différents dispositifs est installée une poulie dans laquelle passe une corde (ou élingue) qui peut être manœuvrée directement par un ou plusieurs manœuvres ou à l’aide d’un treuil.
Facile à construire, aisément démontable, la chèvre est utilisée sur les chantiers peu imposants et particulièrement lors du montage des premiers niveaux de la construction. Les systèmes les plus perfectionnés de chèvre peuvent soulever des charges de 800 kg quand elles sont manœuvrées par quatre hommes.
Désigné en France ou en Angleterre sous le terme de faucon, un autre engin est composé d’un arbre vertical se prolongeant perpendiculairement à son sommet par une potence simple ou double. Confortées par une écharpe (étai) oblique, ces potences supportent à leur extrémité latérale une poulie. L’arbre vertical est parfois doté d’échelons afin de permettre de monter jusqu’à son sommet pour débloquer une corde ou huiler la poulie.
Un engin plus sophistiqué, mais aussi plus rare, dit moufle, est composé d’une structure de bois supportant plusieurs poulies qui permettent de démultiplier la force de traction par rapport à la charge à soulever. Un treuil souvent composé d’un double moulinet permet d’actionner le dispositif. Les poulies peuvent être munies d’une gorge afin d’éviter le désengagement de la corde ou du filin. Un cliquet de sécurité, destiné à éviter l’éventuel et brutal retour en arrière, est parfois présent. Dans les représentations médiévales, l’installation compte le plus souvent deux poulies, une fixe et une mobile, la démultiplication étant alors de deux.
C’est vers le milieu du 13e siècle que le principe de la roue est adapté aux engins de levage afin de monter des charges plus lourdes. Mais ce n’est qu’au 15e siècle que le terme de grue apparaît pour désigner un engin de levage. La grue ne sert pas qu’à bâtir, on la retrouve comme machine de destruction lors de sièges ou pour charger et décharger les marchandises des navires dans les ports.
Ces grues sont des instruments fixes, fortement arrimées à la maçonnerie. Lorsqu’elles ne sont pas en activité ou que la construction s’élève, des charpentiers les démontent et les positionnent plus haut. Ces grues sont actionnées grâce à un tympan dit aussi cage d’écureuil ou treuil à tambour, constitué par un grand tambour mobile dont le diamètre est compris entre 4 et 5 m pour une largeur de 0, 80 à 1, 50 m. Cette cage munie de rayons est montée sur un axe qui entraîne un tambour solidaire sur lequel vient s’enrouler la corde qui tire la charge à soulever. C’est le poids de l’individu qui crée de l’énergie : en effet un ou plusieurs hommes marchent à l’intérieur de cette roue ; parfois l’intérieur du tambour est muni de planches ou de lattes formant des marches, pour faciliter le déplacement. Cette roue motrice est associée à une pièce de bois verticale terminée en pointe, à laquelle est attachée une flèche soutenue par des écharpes obliques fixées par des liens de fer. Les dimensions des arbres principaux de ces grues sont importantes : de 15 à 16 m de hauteur, pour des flèches qui pouvaient atteindre les 12 m. À l’extrémité de ce mât est fixée une poulie, munie d’un cliquet anti-retour qui évite que la charge n’inverse le sens du tambour. De la graisse et du savon étaient d’ailleurs utilisés pour huiler les mécanismes. L’enroulement d’un câble ou d’une élingue autour de cette poulie s’effectue grâce au mouvement des hommes dans la cage.
Disposée au sommet d’un ouvrage, la grue permet, grâce à son bras, de monter les matériaux sans risquer de détériorer par frottement les maçonneries ou les sculptures déjà en place. Elle peut également pivoter, ce qui n’était pas le cas des autres engins de levage.
La démultiplication de la force de levage est de un pour dix entre diamètre du chemin de marche et diamètre du tambour d’enroulement. Grâce à la marche d’un seul homme, une charge allant jusqu’à 500 kg peut être soulevée tandis que quatre hommes déambulant dans un treuil élevaient sans problème 2 200 kg à une hauteur de 15 toises soit environ 30 m.
Deux systèmes permettent de fixer la pierre à l’extrémité des cordes ou filins, la louve ou la griffe.
- La louve est constituée par une barre centrale métallique, enfoncée à l’intérieur de la pierre à transporter et maintenue en place grâce à deux branches amovibles ; l’ensemble est relié au câble de traction par deux chaînes et un anneau.
- La griffe est une pince en forme de X qui se serre autour de la charge grâce à la force du poids. Mais afin de maintenir la pierre, il est nécessaire de creuser au préalable un trou de chaque côté de la pierre de façon à y encastrer les deux extrémités de la griffe. Ces trous situés au même niveau sont en général placés au milieu de la pierre afin de la maintenir en équilibre. Ils sont parfois encore visibles sur les pierres des chantiers médiévaux.