Histoire du projet
Louvois, ministre de la Guerre et grand ordonnateur des Invalides
Pour la mise à exécution de son projet, Louis XIV désigne son ministre le marquis de Louvois (1641-1691). Secrétaire d’État à la Guerre à l’âge de 15 ans, Louvois est un personnage important pendant le grand siècle : une fois ministre, il réorganise les armées et les contrôle d’une main de fer. Ainsi, il fait interdire le pillage militaire – jusqu’alors autorisé – et lutte contre l’absentéisme dans les rangs. Son goût de la discipline ne le rend pas très populaire. Un siècle plus tard, Voltaire écrit de lui : "Il fut plus estimé qu’aimé du roi, de la cour et du public."
L’ordre et la charité
L’architecte en chef du projet, Libéral Bruant (1635-1697), propose pour l’hôtel des Invalides un plan quadrillé, motif sur lequel il avait déjà travaillé au cours d’un autre chantier : l’hôpital de la Salpêtrière (dans l’actuel 13e arrondissement de Paris). Les vocations de ces deux institutions se rejoignent aussi : elles doivent offrir la charité aux pauvres et aux délaissés. Tandis que le cardinal Mazarin souhaitait réunir les misérables de Paris à la Salpêtrière, les vétérans, qui jusqu’alors étaient livrés à leur propre sort, sont dorénavant nourris et logés aux Invalides.
Depuis l’entrée principale située au nord, on accède à la cour royale. Les bâtiments qui encadrent cette grande place abritent au rez-de-chaussée les réfectoires, tandis qu’au troisième on trouve les manufactures et les ateliers : une cordonnerie, une tapisserie, mais aussi un atelier de calligraphie et d’enluminure occupent les pensionnaires. L’ordre s’imposait : tous les soldats devaient participer, en fonction de leurs handicaps, à la vie de l’institution. Les chambres des soldats, des officiers et des moines étaient réparties dans différents bâtiments. Les plus faibles trouvaient quelques soins et repos dans les infirmeries placées à l’est de la chapelle royale et organisées selon un plan en croix. Des jardins sont plantés de l’autre côté, à l’ouest. Symboliquement, l’église des soldats et la chapelle royale se situent au centre de la composition.
Une ville dans la ville
Dès 1674, ce gigantesque ensemble occupe, sur la plaine de Grenelle, une superficie de plus de 13 hectares, soit 1, 5 fois la pelouse du Stade de France. Il comprend une caserne, un couvent, un hôpital, une manufacture, un hospice, une église, une chapelle, et même une boulangerie. À la fin du 17e siècle, environ 4 000 personnes vivent à l’hôtel des Invalides.
Cette véritable petite ville est le centre d’un quartier qui se construit peu à peu. Au nord, la façade, longue de 195 m, s’ouvre sur une grande esplanade plantée qui conduit aux berges de la Seine. Au sud, la chapelle des Invalides est le point de convergence d’avenues tracées au 17e siècle qui composent les grands axes de l’actuel 7e arrondissement de Paris.
La chapelle royale
Construite par Jules Hardouin-Mansart, la chapelle royale est l’édifice le plus complexe et le plus richement décoré des Invalides. À l’origine réservée à l’usage exclusif de la famille royale, elle communiquait avec l’église des soldats au nord par le chœur où les offices étaient célébrés.
Le plan de la chapelle est centré : une croix grecque (dont les branches sont de dimensions équivalentes) s’inscrit dans un carré presque parfait. Au sud, l’entrée principale prend des allures de temple avec ses colonnes sur deux registres (deux niveaux) et son fronton. Tous ces éléments mènent le regard vers le haut pour admirer la coupole – ou dôme – qui coiffe la croisée (point de convergence des travées). Du haut de ses 107 m, ce dôme domine tout le quartier, et même Paris, puisqu’il s’agissait de la plus haute construction de la ville avant l’érection de la tour Eiffel en 1889.
Une réalisation exemplaire et imitée dans le monde entier
Au soir de sa vie, Louis XIV écrit dans son testament que l’hôtel des Invalides est l’œuvre la plus utile de son règne. Il est fier d’avoir réuni, sous un même toit, charité, assistance, gloire des armées et de la Nation : « Entre différents établissements que nous avons faits dans le cours de notre règne, il n’y en a point qui soit plus utile que celui de notre Hôtel royal des Invalides. Il est bien juste que les soldats, qui par leurs longs services et leur âge, sont hors d’état de travailler et de gagner leur vie, aient une subsistance assurée pour le reste de leurs jours ; plusieurs officiers, qui sont dénués des biens de fortune, y trouvent aussi une retraite honorable : toutes sortes de motifs doivent engager le Dauphin et tous les rois successeurs à soutenir cet établissement et à lui accorder une protection particulière ; nous les y exhortons autant qu’il est en notre pouvoir. »
Les Invalides furent loués dans tout le pays, et même au-delà. Le tsar Pierre le Grand ne manque pas de visiter l’ensemble en 1717 et s’attarde même à table avec les soldats. L’Europe entière construisit des ensembles similaires comme à Chelsea (Royaume-Uni), à Pest en 1724 (dans l’actuelle Hongrie), à Vienne en 1727 (actuellement Autriche), à Prague en 1728 (actuelle République tchèque), à Berlin en 1748 (actuelle Allemagne), à Ulriksdal en 1822 (actuelle Suède), à Runa en 1827 (Portugal), ou encore à Madrid en 1837 (Espagne).