Adolescence

— par Paul Veyne

A douze ans, le petit romain de bonne famille quitte l’enseignement élémentaire ; à quatorze ans il abandonne ses vêtements d’enfants et a le droit de faire ce que tout jeune homme aime faire ; à seize ou dix-sept ans, il peut opter pour la carrière publique, entrer dans l’armée, tel Stendhal choisissant à seize ans de devenir hussard. Il n’existe pas de "majorité" légale ni d’âge de la majorité ; on ne connaît pas de mineurs, mais seulement des impubères qui cessent de l’être quand leur père ou leur tuteur voit qu’ils sont d’âge à prendre des vêtements d’homme et à couper leur première moustache. Voici un fils de sénateur ; à seize ans accomplis, il devient chevalier ; à dix-sept ans, il remplit sa première charge publique : il s’occupe de la police de Rome, fait exécuter les condamnés à mort, dirige la Monnaie ; sa carrière ne s’arrêtera plus, il deviendra général, juge, sénateur. Où a-t-il appris ? Sur le tas. De ses aînés ? De ses subordonnés, plutôt : il a assez de morgue nobiliaire pour sembler décider quand on le fait décider. Tel jeune noble, à seize ans, était colonel, prêtre de l’Etat, et avait fait ses débuts au barreau.

La vie privée dans l'Empire romain, Paul Veyne, Point Histoire, Seuil, 2015