Le Corbusier et la couleur
La polychromie est une question éminente de l’architecture… ici de nouveau une vérité fondamentale : l’homme a besoin de couleur. La couleur est l’expression immédiate, spontanée de la vie… La polychromie architecturale s’empare du mur entier et le qualifie avec la puissance du sang, ou la fraîcheur de la prairie, ou l’éclat du soleil, ou la profondeur du ciel et de la mer. Quelles forces disponibles ! C’est de la dynamique… Si tel mur est bleu, il fuit. S’il est rouge, il tient le plan, ou brun ; je peux le peindre noir, ou jaune… Les grandes couleurs de base, les couleurs ’éternelles’ : les terres et les ocres, l’outremer. Mais des verts anglais intenses, et des vermillons violents peuvent entrer aussi en symphonie avec la polychromie architecturale. La polychromie architecturale ne tue pas les murs, mais elle peut les déplacer en profondeur et les classer en importance. Avec habileté l’architecte a devant lui les ressources d’une santé, d’une puissance totales. La polychromie appartient à la grande architecture vivante de toujours et de demain. Le papier peint a permis d’y voir clair, de répudier ces jeux malhonnêtes et d’ouvrir toutes portes aux grands éclats de la polychromie, dispensatrice d’espaces, classificatrice des choses essentielles et des choses accessoires. La polychromie, aussi puissant moyen d’architecture que le plan et la coupe, élément même du plan et de la coupe.
"Les tendances de l’architecture rationaliste en rapport avec la collaboration de la peinture et de la sculpture", conférence de Le Corbusier à Rome, Real accademia d’Italia, 25-31 novembre 1936, pp. 11-12, tiré de Sbiriglio, Jacques, La villa Savoye, Bâle, Birkhäuser, 1999, pp. 94-96.