Le 13e siècle, siècle des cathédrales
Au 13e siècle, la société européenne occidentale est en profonde mutation. L’essor démographique qu’elle connaît depuis le 12e siècle s’accompagne notamment de deux changements fondamentaux : le développement des cités et l’extension des surfaces cultivées. Cette période est souvent perçue comme une ère de progrès et de relative prospérité. Elle s’exprime dans l’art gothique qui se répand, dans la floraison des cathédrales qui modèlent un nouveau paysage urbain, dans l’émulation intellectuelle des grandes cités. Elle se manifeste par un développement des échanges économiques, la réduction du nombre des disettes, les progrès techniques.
Cependant, comme l’écrit Georges Duby, "L’époque, en fait, fut dure, tendue, et fort sauvage". Les conflits entre les différentes classes de la société sont fréquents. L’insécurité et la crainte résignée du lendemain sont symbolisées par la roue de Fortune, que l’on trouve souvent représentée dans les églises et dans les manuscrits et notamment parmi les dessins de Villard.
L’histoire des constructeurs et le développement des cathédrales gothiques sont liés à l’essor des villes dans le monde chrétien ainsi qu’à l’expansion des ordres monastiques que connaît l’Europe dès la fin du premier millénaire.
Un contexte intellectuel foisonnant
L’élan intellectuel qui se manifeste au 13e siècle accompagne une intense période de progrès, une curiosité intellectuelle immense et un intérêt pour la Nature.
Il est alimenté par la diffusion des écrits d’Aristote, transmis par les Arabes, par le développement de la logique qui supplante alors la rhétorique, et par l’usage croissant de la langue vulgaire dans la littérature, les actes publics ou les écrits scientifiques.
Les connaissances en géométrie ont considérablement progressé. Plusieurs traductions des Éléments d’Euclide se sont succédées et des traités de géométrie appliquée ont vu le jour, dont celui de Hugues de Saint-Victor, Practica Geometriae.
Divers traités techniques paraissent aussi à cette époque, notamment sur l’agriculture celui de Walter de Henley dont 32 copies sont parvenues jusqu’à nous, et en 1240 celui de Robert Grosseteste. Un mot résume bien le climat intellectuel du 13e siècle : c’est le mot disputatio, sorte de joute théorique.
Des bénédictions aux cisterciens, l’expansion des ordres monastiques
Par deux fois, l’ordre bénédictin, fondé au 6e siècle selon la règle de vie édictée par saint Benoît, est contesté et suscite de nouvelles fondations.
Les relâchements à l’égard de la règle de saint Benoît engendrent une première réaction : celle de Bernon qui fonde en 910 l’abbaye de Cluny. L’ordre de Cluny rayonne rapidement dans toute l’Europe, où il crée plus de 1400 maisons. Le pape Grégoire VII s’appuiera sur lui pour entreprendre son mouvement de réforme de l’Église, dite réforme grégorienne.
À la fin du 11e siècle, les clunisiens sont critiqués à leur tour pour leurs manquements à la stricte observance de la règle. Robert de Molesmes et ses compagnons, moines clunisiens, fondent en 1098 une nouvelle abbaye, en pleine forêt marécageuse, à Cîteaux. Ils prônent le dénuement matériel, l’austérité spirituelle et aussi celle du décor. En moins de cent ans, le nouvel ordre cistercien va créer 530 monastères. Parmi ceux-ci, l’abbaye de Clairvaux, fondée par saint Bernard, et l’abbaye de Vaucelles, non loin de Honnecourt.
Ainsi vont s’affronter deux conceptions du monachisme : celle des clunisiens, dont l’abbé Suger, l’ami du roi de France, en charge de l’abbaye de Saint-Denis, est le plus éminent représentant, et celle des cisterciens.
1180-1223 : le roi capétien Philippe Auguste "rassembleur de terres"
Le siècle est marqué par le renforcement du pouvoir royal et la centralisation des institutions sous l’autorité des rois capétiens. Philippe II (1180-1223), surnommé Auguste, est le premier souverain à porter officiellement le titre de roi de France et non plus celui de roi des Francs. Il consolide durablement le pouvoir royal et inaugure un mouvement de centralisation des institutions. Le souverain étend le domaine royal : par mariage ou héritage, il annexe l’Artois, l’Amiénois, une partie du Vermandois et une partie de l’Auvergne ; il s’empare par les armes de l’Anjou, de la Normandie, du Maine et du Poitou. L’ambition du roi conquérant se heurte aux Plantagenêt qui possèdent tout l’ouest de la France.
Bouvines (1214) : "la bataille qui a fait la France"
Dans ce conflit qui se poursuit pendant une grande partie de son règne, Philippe Auguste, soutenu par les milices communales, triomphe à Bouvines le 27 juillet 1214 où il défait la coalition générale qui s’est fomentée contre lui. Elle réunit le roi d’Angleterre Jean sans Terre, les comtes de Flandre et de Boulogne, l’empereur de Germanie Otton IV. La victoire de Bouvines restera dans l’histoire "la bataille qui a fait la France". La défaite de la haute féodalité ouvre une ère nouvelle : la "conscience nationale" apparaît. Sur le chemin le menant à Paris, Philippe Auguste est acclamé, une foule nombreuse l’accueille triomphalement dans la ville qui est en train de devenir la capitale du royaume. Le roi s’appuie sur l’Église et le mouvement communal naissant pour développer sa suzeraineté sur les féodaux et affaiblir leurs pouvoirs. Le roi devient "le plus grand ouvrier de l’unité française au Moyen Âge". Dans le même temps, l’influence royale s’impose dans le Midi avec la croisade contre les Albigeois (1209-1218) qui permet le rattachement d’une partie du Languedoc et de la Provence. L’extension du domaine conduit le roi à consolider le pouvoir royal et à le centraliser en créant des baillis et des sénéchaux. Entre 1185 et 1215, le roi confirme de nombreuses communes. Les villes et la bourgeoisie se développent. Les communes bénéficient de la reprise commerciale et économique. Le roi protège les villes, aux dépens des seigneurs.
Sous le règne de Philippe Auguste, Paris devient la capitale du royaume. En 1186, il fait paver la ville. De 1190 à 1220, il fait bâtir une nouvelle enceinte. En 1215, le premier statut de l’Université de Paris est rédigé. En 1223, le royaume a quadruplé en superficie, le pouvoir royal est fort, le royaume est uni. Louis VIII (1223-1226) consolide l’entreprise de son père.
Louis IX dit Saint Louis : la consolidation du pouvoir royal
À la mort de Louis VIII, sa femme, Blanche de Castille, assure la régence. Elle doit défendre le pouvoir de son fils, Louis IX, contre la révolte des grands vassaux. Devenu majeur, Louis IX entend perpétuer l’"héritage capétien" de son grand-père et de son père. Il poursuit l’entreprise de consolidation du pouvoir royal, perfectionne et centralise les institutions. Il veut faire régner l’ordre et la justice. Des enquêteurs royaux surveillent les baillis et répriment les abus des officiers royaux. Un tribunal royal permanent est établi, les finances sont contrôlées. Une monnaie stable, l’écu, est créée.
Le roi prend des décisions par ordonnances. Il est assisté par des conseillers. La Cour est partagée en conseils : le conseil politique, la Chambre des comptes pour les finances, le Parlement pour les affaires de justice. Les baillis et sénéchaux remplissent des fonctions judiciaires et financières au nom du roi dans les provinces. En 1259, le traité de Paris met fin pour un temps au conflit franco-anglais et le roi d’Angleterre se reconnaît le vassal du roi de France. Durant son règne, Louis IX participe à deux croisades, la croisade d’Égypte, de 1249 à 1254, et celle de Tunis où il trouve la mort en 1270. Il lutte contre les hérésies dans son propre royaume (croisade contre les Albigeois, 1226-1229). Il réunit ainsi les pays de langue d’oïl et de langue d’oc.
Louis IX apparaît alors comme le prince chrétien par excellence : pieux, époux modèle, preux chevalier, équitable, arbitre, pacificateur, habile et déterminé. Il est canonisé en 1297.
Sous son règne, le pays connaît une période d’essor économique. Le commerce et l’artisanat sont prospères. Le temps des cathédrales matérialise l’alliance entre le roi et l’Église, et la diffusion d’une foi "renouvelée". Paris est alors le centre intellectuel de la chrétienté.
À la mort de Saint Louis, son fils Philippe III le Hardi (1270-1285) perpétue son œuvre. Philippe IV le Bel lui succède (1285-1314) : homme politique habile, il met en avant la toute-puissance de l’État, pour mieux renforcer le pouvoir royal. Cet État agrandi est solide et plus puissant que jamais. Sous son règne apparaît une première affirmation du concept de monarchie "absolue". Cette période (1180-1314) marque l’apogée de la monarchie médiévale en France.