La rose
Dans les structures de la cathédrale gothique, le cercle tient une place moindre que dans l’église romane. Devient maîtresse ici la ligne droite, vecteur de l’histoire, projection rectiligne du rayon lumineux qui figure l’acte créateur et la grâce divine, élan de la dynamique rationnelle, de la recherche scolastique et de tout le progrès de ce temps, qui filent droit vers leur but. Seules les roses, symboles de la création dans sa plénitude, où la circulation de la lumière, jaillie de son foyer ineffable et revenant converger vers lui, se réduit à l’unité de son principe, épousent la courbe fermée que les astres parcourent dans le firmament.
L’art du vitrail aboutit à ces roses. Elles portent à la fois signification des cycles du cosmos, du temps se résumant dans l’éternel, et du mystère de Dieu, Dieu lumière, Christ soleil. [...] Les roses figurent encore la Vierge, c’est-à-dire l’Église. Elles démontrent, dans le tourbillon des sphères, l’identité de l’univers concentrique d’Aristote et de l’effusion jaillissante de Robert Grosseteste. La rose est enfin l’image de l’amour. Elle figure le foyer effervescent de l’amour divin, en qui tout désir se consume. Mais on peut la voir aussi comme le symbole des cheminements de l’âme qui se poursuivent dans les cercles secrets de dévotion, déjà formés en marge de la discipline catholique. Ou bien encore comme ce labyrinthe qui, d’épreuve en épreuve, conduit l’amour profane vers son but.
Le Temps des cathédrales, Georges Duby, Gallimard, 1 976