Les fontainiers

Fontaine de Cérès
Fontaine de Cérès | © Bibliothèque nationale de France

Pas de fontaine sans gravité

Artisans spécialistes des fontaines et des bassins, les fontainiers jouent un rôle essentiel dans la création de jardins à la française. Pour réaliser les jeux d’eau, ils utilisent le phénomène de gravité qui entraîne le poids des eaux vers le bas. Il faut donc disposer d’importantes ressources en eau, situées en hauteur par rapport aux jardins. Versailles, construit sur une colline dépourvue de sources et entourée de marécages, n’est pas adapté à la création de fontaines.

Vue et perspective du château de Versailles du côté des jardins
Vue et perspective du château de Versailles du côté des jardins | © Bibliothèque nationale de France
Vue du Jardin de Versailles en face du grand Canal prise au-dessus du Bassin de Latone
Vue du Jardin de Versailles en face du grand Canal prise au-dessus du Bassin de Latone | © Bibliothèque nationale de France

Des étangs artificiels

Au moment où le roi lance ses travaux hydrauliques, le seul réservoir de Versailles contient 100 m3 d’eau et les quelques fontaines sont alimentées par une pompe mécanique mue par un seul cheval.
Pour réaliser des fontaines toujours plus nombreuses, les fontainiers et les ingénieurs sont donc confrontés à deux défis :
- trouver l’eau nécessaire,
- la stocker dans des réservoirs à une altitude supérieure à celle des jardins.

L’eau est stockée dans de grands étangs artificiels. On construit un barrage sur la Bièvre et on recueille l’eau de pluie. L’eau des marais et des ruisseaux environnants est aussi collectée.
Pour élever cette eau jusqu’aux réservoirs, on a recours à différents systèmes : manèges actionnés par des chevaux, moulins à eau ou à vent…
Avec des réservoirs de 580 m3 et une douzaine de fontaines, les premières « Grandes eaux » sont inaugurées le 17 août 1666.

La machine de Marly
La machine de Marly |

© Bibliothèque nationale de France

La machine de Marly
La machine de Marly | © Bibliothèque nationale de France

La machine de Marly, gigantesque pompe hydraulique

Pour faire face aux besoins toujours plus importants, on imagine de détourner la Seine. Comment faire ? Le château de Versailles se trouve à 142 m au-dessus du niveau de la Seine et à 10 km de celle-ci. Des étangs artificiels et un aqueduc de 1500 m sont créés sur tous les plateaux environnants pour que l’eau s’écoule par gravité jusqu’aux réservoirs. Les fontaines du parc peuvent alors fonctionner tous les jours, plusieurs heures par jour.
Mais le roi exige toujours plus de fontaines. Le puisage de l’eau de la Seine est réalisé par Arnold de Ville grâce à l’immense machine de Marly. En 1684, le roi inaugure cette gigantesque pompe hydraulique, qui conduit l’eau de la Seine jusqu’à l’aqueduc de Louveciennes, situé 165 m plus haut.
Bien plus tard, les étangs artificiels et l’acheminement gravitaire de l’eau à Versailles sont abandonnés. On les remplace par un circuit fermé où l’eau est mise en mouvement par des pompes électriques.

Les premières canalisations en fonte

Travaux hydrauliques
Travaux hydrauliques | © Bibliothèque nationale de France

Le chantier des fontaines du roi permet de faire progresser les connaissances en hydraulique qui n’avaient guère évolué depuis l’Antiquité romaine. Les jardins royaux servent de terrain d’expérimentation pour les ingénieurs de l’époque. Louis XIV fait en effet appel aux membres de l’Académie royale des sciences, fondée en 1666.
En 1666, les frères Francine testent les premières canalisations en fonte.
Auparavant, les fontainiers utilisaient des troncs d’arbres forés et des tuyaux en cuivre, en terre cuite ou en plomb, matériaux résistant mal aux fortes pressions. De plus, les tuyaux en plomb étaient coûteux et souvent volés. L’utilisation de la fonte permet de réduire les fuites et d’économiser l’eau. Le plomb restera réservé aux parties les plus sinueuses du réseau.

Le chantier hydraulique de Versailles est aussi l’occasion de tester le niveau topographique à lunette. Lors du creusement du grand canal, la grande précision de ce nouvel instrument permet de limiter à 10 cm la dénivellation entre les deux extrémités du canal !

Grandes eaux de Versailles :  pièce du Dragon
Grandes eaux de Versailles : pièce du Dragon | © Bibliothèque nationale de France
Vue et perspective du Jardin des trois bassins de Versailles
Vue et perspective du Jardin des trois bassins de Versailles |

© Bibliothèque nationale de France

La magie des Grandes Eaux

Les jeux d’eau de Versailles sont conçus pour agrémenter la promenade du roi et de sa cour. Ils témoignent de la puissance du monarque et contribuent au faste de ses fêtes.
Mais il n’y a pas suffisamment d’eau pour que toutes les fontaines fonctionnent ensemble. Les fontainiers sifflent à l’approche du roi afin d’ouvrir les vannes au moment opportun grâce à leurs grandes clés lyres et régler la hauteur des jets !
Aujourd’hui encore, à la tombée de la nuit, les jardins se transforment en un parcours féerique où bassins et bosquets sont mis en eau et en couleurs. Des artistes de la lumière font rayonner les jardins de mille feux et proposent au promeneur leurs surprenantes installations.

L’entretien du réseau

Dans les coulisses du Bassin de Latone : "l’araignée".
Dans les coulisses du Bassin de Latone : "l’araignée". | © Gilles Bultez

Les racines des arbres transpercent les tuyaux les plus fragiles. En hiver, les canalisations éclatent à cause du gel et les rats affamés grignotent les joints en cuir. Cela complique beaucoup le travail des fontainiers, qui doivent déterrer les conduites pour réparer toutes les fuites.
Le fond des bassins est en glaise. Ce dispositif assure une étanchéité maximale et peut durer plusieurs siècles.
Aujourd’hui, la réfection du bassin de Latone permet de redécouvrir les techniques employées à l’époque du Roi Soleil.

Les fontaines en chiffres

Les jardins de Le Nôtre
Les jardins de Le Nôtre |

© Bibliothèque nationale de France

Les travaux de Louis XIV

  • Les travaux réalisés sous le règne de Louis XIV s’étendent sur près d’un quart de siècle.
  • La création du système hydraulique représente plus de 30% des 80 millions de livres dépensés pour Versailles. À titre de référence, le salaire moyen d’un ouvrier ne dépasse pas 20 livres par mois.
  • La machine de Marly est dotée de 14 roues à aubes de 11,60 m de diamètre et de 221 pompes.
  • Jusqu’à 16 000 brouettes et 30 000 hommes (dont 22000 soldats) sont employés au chantier du canal de L’Eure.

À la fin du règne de Louis XIV

  • Le jardin compte plus de 2400 jeux d’eau.
  • Les fontaines visibles du château fonctionnent à la belle saison de 8h du matin à 8h du soir, elles consomment alors 1100 m3 d’eau par heure.
  • Les Grandes Eaux (spectacle offert par l’ensemble des fontaines) peuvent durer 3 heures, elles consomment 6300 m3 d’eau par heure.
  • Les canalisations des jardins s’étendent sur près de 30 km et l’ensemble du réseau hydraulique (rigoles, aqueducs, canalisations...) sur environ 200 km.

Le réseau actuel compte 30 km de canalisations, dont 90% remontent au temps de Louis XIV. Le parc de Versailles renferme 34 bassins, 50 fontaines et 700 jets. Les Grandes Eaux nécessitent l’utilisation de 12000 m3 d’eau.