Frédéric II, le "despote éclairé"
Né en 1712, Frédéric II de Prusse vit une enfance et une adolescence difficiles sous l’autorité de son père, le roi Frédéric-Guillaume Ier. Cet homme sévère et colérique, surnommé le “roi-soldat” (“Soldatenkönig”) impose à son fils une éducation tyrannique. Méprisant la littérature et les arts, il lui interdit l’étude du latin, de l’histoire et de la musique. Les humiliations constituent le quotidien du jeune Frédéric II, frappé par son père en privé comme en public. Malheureux, il tente alors de fuir avec l’aide de son ami Hans Hermann von Katte, officier de l’armée prussienne. Parvenu aux oreilles de Frédéric-Guillaume Ier, ce projet échoue. Le monarque accuse les deux jeunes hommes de haute trahison et les fait mettre en prison. La cruauté du roi Frédéric parvient à son comble lorsqu’il ordonne la décapitation de Hans Hermann von Katte à laquelle Frédéric II est forcé d’assister.
Après des années de pénitence, les relations entre Frédéric II et son père s’améliorent peu à peu. Le prince héritier épouse, toujours sur ordre paternel, la princesse Élisabeth-Christine de Brunswick-Wolfenbüttel-Bevern puis peut goûter à la liberté une fois installé dans son château de Rheinsberg en 1736. C’est alors qu’il complète sa formation intellectuelle. Il s’entoure de gens de lettres et de philosophes, écrit de la poésie et de la philosophie. Conscient des fonctions qu’il aura à occuper à la mort de son père, Frédéric II prépare son métier de roi en s’intéressant à la politique et l’art de la guerre.
Vers l’unité allemande
En 1740, Frédéric II accède à la tête du royaume de Prusse. À la tête d’une armée très organisée, il parvient à former un territoire unifié partant de la Silésie (actuelles Pologne et Tchéquie) à la Prusse occidentale (actuellement nord de la Pologne). L’élan donné par Frédéric II annonce, d’une certaine manière, l’unification allemande, en gestation tout au long du 19e siècle, et qui sera proclamée en 1871. Ces victoires emportent l’admiration des dirigeants européens parmi lesquels Napoléon qui, lors de la campagne de Prusse et de Pologne (1806-1807), se rend sur la tombe de Frédéric II pour s’y recueillir et lui rendre hommage. Le génie militaire développé par Frédéric II n’éclipse jamais son goût pour les arts et les lettres. Entouré de philosophes, d’artistes et de musiciens de toutes nationalités, il produit un nombre impressionnant d’écrits sur la poésie, la littérature, la philosophie ou la politique. Le roi admire la pensée et la littérature française au point de critiquer la langue allemande. Grand amateur d’art, il collectionne les peintures des maîtres français, italiens ou flamands. En despote éclairé, Frédéric II est conscient que ses fonctions régaliennes ne devaient pas asservir le peuple mais, au contraire, servir l’État. Il se dévoue personnellement pour améliorer le sort de ses sujets et assurer une justice plus égalitaire.
Très occupé par ses fonctions, le roi Frédéric II s’entoure de conseillers pour l’aider à mener son action de mécène des arts. À ce titre, il choisit parmi ses proches des ambassadeurs et des agents qu’il envoie aux quatre coins de l’Europe dans le but le connaître la vie artistique et intellectuelle des grandes cours et d’attirer les artistes les plus reconnus en Prusse. Ami de longue date du roi, le baron Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff abandonne sa carrière de militaire en 1730 pour embrasser sa première vocation, l’architecture. Quelques années plus tard, il accepte le titre de surintendant des bâtiments et des jardins que Frédéric II lui propose. Knobelsdorff part à Paris, où il visite les ateliers des sculpteurs et des peintres, les cabinets des architectes et les chantiers. Il rassemble de nombreux plans et ouvrages d’architecture qui enrichissent encore les collections de Frédéric II. À son retour, Knobelsdorff est chargé de construire l’opéra de Berlin, de remanier et d’agrandir les châteaux de Charlottenburg et de Potsdam. À la demande de Frédéric II, l’architecte du roi s’attelle rapidement à une autre tâche : la construction d’une résidence d’été, le palais Sanssouci. Pour cela, Knobelsdorff s’appuya sur les croquis dessinés par le roi lui-même qui possède une vision très précise de sa future résidence.
"À Sanssouci sans splendeur…"
Dans sa vieillesse, Frédéric II, préférant la compagnie de ses lévriers à celle des hommes, devient de plus en plus solitaire. Retiré du monde, il ne goûte pas au faste de la vie d’un monarque. Sa volonté d’être enterré en toute simplicité “à Sanssouci sans splendeur, sans pompe de nuit…” ne sera pas respectée par son successeur qui organisera une grande cérémonie à Potsdam. En 1991, à l’occasion du 250e anniversaire de la mort de Frédéric II, le cercueil est transporté à Sanssouci. Parfois surnommé der alte Fritz (“le vieux Fritz”), le roi repose désormais aux côtés de ses chiens, ses ultimes compagnons.