Le Corbusier, architecte et urbaniste
Charles-Édouard Jeanneret dit Le Corbusier (1887-1965) est de ces créateurs dont tout le monde connaît le nom. Ses talents s'exercent dans de multiples domaines. Mais c'est à travers ses réalisations architecturales et urbanistiques qu'il marque le 20e siècle. Souvent critiqué de son vivant, il a pourtant exercé son influence sur les bâtisseurs jusqu'à nos jours. Le Corbusier a construit 75 édifices dans 12 pays différents, conçu et parfois réalisé de nombreux projets d'urbanisme, écrit des dizaines de livres et laissé des milliers de dessins, esquisses, plans…
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La villa Schwob (dite villa Turque) à La Chaux-de-Fonds (1916)
Le Corbusier débute sa carrière dans sa ville natale de La Chaux-de-Fonds en Suisse, où il construit plusieurs maisons individuelles, notamment celle de ses parents. C'est lors de ces chantiers qu'il approfondit sa connaissance du matériau béton et du système constructif "poteaux-poutres-dalles" qu'il théorise dans ses schémas de la maison Dom-Ino (comme le jeu du même nom). La villa Schwob est une commande d'un riche industriel de l'horlogerie. Elle est construite sur une structure en béton armée revêtue de briques de terre cuite. Son plan symétrique repose sur un bloc central abritant un immense salon, flanqué de deux ailes latérales.
Le "Plan Voisin" (1925)
Pour Le Corbusier, le travail architectural s'inscrit dans une continuité, qui va du dessin des plans d'un bâtiment à celui de son mobilier, jusqu'à la conception du quartier ou de la ville. L'urbanisme a en effet toujours intéressé Le Corbusier, tout comme de nombreux architectes sensibles aux exigences de la reconstruction après-guerre.
Soucieux de géométrie, de standardisation et d'industrialisation, Le Corbusier présente en 1925 son projet de remodelage du centre de Paris. Son "Plan Voisin" (du nom de son financeur) déchaîne les passions et les critiques. Épargnant le Louvre et Notre-Dame, le projet arase le centre historique de la rive droite pour y placer 18 immenses gratte-ciel au plan en croix, positionnés à intervalle régulier.
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© Fondation Le Corbusier/ADAGP
La cité Frugès à Pessac (1925)
En 1924-1925, Le Corbusier construit à Pessac, dans le sud-ouest de la France, un lotissement ouvrier à la demande de l'industriel Henri Frugès, qui laisse carte blanche à l'architecte. Ce dernier édifie 51 habitations sur les 127 prévues. Il conçoit sept types différents de maison selon les surfaces et la localisation, et développe son art de la couleur : "Lorsque des lignées de maisons créaient une masse opaque, nous avons camouflé chaque maison : les façades sur rue alternativement brun et blanc ;
une façade latérale blanche, l'autre vert pâle. La rencontre sur l'arête, du vert pâle ou du blanc avec le brun foncé provoque une suppression du volume (poids) et amplifie le déploiement des surfaces (extension)." (Extrait de Le Corbusier, Œuvre complète, volume 1, 1910-1929)
Armée du Salut, cité du Refuge, Paris
La façade de la cité du Refuge résulte d'un chantier en deux temps, conséquence des choix de l'architecte pour la climatisation ou le chauffage des lieux. À l'intérieur de la double façade de verre, hermétique, doit circuler de l'air chaud ou froid selon la saison. Le Corbusier nomme ce procédé la "respiration exacte". Mais le fonctionnement du dispositif est onéreux. Aussi Le Corbusier repense-t-il la façade près de 20 ans après, en 1952, en y plaquant des ouvertures peintes de couleurs primaires.
Le pavillon Suisse, Cité universitaire de Paris (1930)
Au sein de la Cité internationale universitaire de Paris, le Pavillon suisse compte 42 chambres d'étudiants et des espaces collectifs. L'édifice, construit sur une ossature métallique légère, s'appuie sur de massifs pilotis en béton armé.
Une chambre du pavillon
Le Corbusier attache une importance particulière à l'aménagement des 42 chambres. Ces dernières, toutes identiques, sont de taille modeste (6 x 2,8 m), mais elles comportent une douche, et un mobilier dessiné par Charlotte Perriand, architecte et designer.
La villa Savoye à Poissy (1931)
La villa Savoye est sans doute l’une des maisons les plus célèbres du XXe siècle. Elle incarne la modernité dans l'art de construire. C'est là que l'architecte applique pour la première fois les cinq points clés de son programme architectural. La maison se compose principalement de dalles, de poteaux et de poutres de béton, qui relient les éléments les uns aux autres et supportent les planchers.
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© Fondation Le Corbusier/ADAGP
L'unité d'habitation de Marseille ou Cité radieuse (1946-1952)
En 1945, dans le cadre des opérations de reconstruction après-guerre, Le Corbusier reçoit la commande d'un immeuble d'habitation à Marseille. La "Cité radieuse" compte 17 étages pour 337 appartements, presque tous en duplex et traversants.
© Fondation Le Corbusier/ADAGP
Le Modulor sur les murs de l'unité d'habitation de Marseille
Comme les artistes de la Renaissance, Le Corbusier est fasciné par la recherche de la juste proportion et ses rapports avec le corps humain. Inspiré par le nombre d'or, il établit sa propre unité de mesure avec le Modulor qu'il reproduit ici sur les murs de la Cité radieuse de Marseille : "J'ai comme but ‘l'homme’. Et j'ai créé le Modulor !" Muni de cet outil, Le Corbusier établit la hauteur des plafonds de la Cité radieuse ou des cellules du couvent de la Tourette à 2,26 m, et la largeur de son cabanon à 3,66 m.
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© Fondation Le Corbusier/ADAGP
Le toit-terrasse de la Cité radieuse
La Cité radieuse est couronnée d'un toit-terrasse hébergeant une piscine, une pataugeoire, un gymnase et un théâtre en plein air. Car l'édifice ne se veut pas uniquement dédié aux appartements privés. On trouve ainsi au septième étage de l'unité d'habitation une véritable rue commerçante avec supérette et salon de coiffure.
Le cabanon de Roquebrune-Cap-Martin (1950-1952)
La plus petite réalisation de Le Corbusier est sans doute aussi la plus émouvante. Ce cabanon, aux dimensions modestes calculées sur la base du Modulor, est la propre maison de vacances de l'architecte sur la côte d'Azur. C'est un carré de 3,66 m de côté au sol, d'une hauteur à la base du toit de 2,26 m. Les murs extérieurs sont faits de rondins de bois tout juste équarris
Le cabanon de Roquebrune-Cap-Martin (1950-1952)
Sorte d'unité d'habitation minimale, le cabanon de Le Corbusier abrite une pièce unique dotée de deux lits et de quelques éléments de mobilier des plus simples. Il est complété par un atelier de taille encore plus réduite de 4 x 2 m au sol. Dans les quelques ouvertures s'encadre un paysage marin dont la perspective est calculée avec soin.
La chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp dans les Vosges (1951-1955)
Le Corbusier se revendique profondément athée. Pourtant il accepte en 1950 la reconstruction d'une chapelle vosgienne détruite par les bombardements de la guerre. En faisant dialoguer son édifice avec le terrain, en travaillant les formes et les lumières, l'architecte cherche à faire naître le "sentiment du sacré", qui pour lui n'est pas forcément lié à la religion.
La chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp (1951-1955)
L'édifice est coiffé d'une lourde coque arrondie en béton, qui rappelle l'étrave d'un bateau. Les murs très épais sont percés de petites fenêtres à la disposition irrégulière. Entre les murs et le toit, une mince fente laisse aussi passer la lumière.
Le bâtiment, inclassable et fascinant, atteint son objectif : faire naître le "sentiment du sacré" que l'on soit ou non croyant.
Plan au sol de la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp (1951-1955)
Le plan de la chapelle est d'une grande nouveauté dans l'œuvre de Le Corbusier : après les lignes droites de la villa Savoye, elle affiche des formes courbes uniquement, sans aucune symétrie.
La haute cour de justice de Chandigarh (1951-1956)
En 1947, l'Inde, sous domination britannique depuis 1858, obtient son indépendance sous l'impulsion de Gandhi. Au nord-ouest, la nouvelle province du Pendjab souhaite construire sa nouvelle capitale, Chandigarh. Nehru, premier ministre, recrute Le Corbusier en 1950 pour mener à bien ce vaste chantier associant urbanisme (il faut dessiner le plan de la ville) et architecture.
Lancée en 1951, la haute cour de justice est livrée en 1956. Le Corbusier conçoit cet édifice de béton brut en tenant compte du climat très chaud. Tout au long des façades, une grille de béton fait office de "brise-soleil". Les piliers colorés du hall d'entrée laisse largement passer l'air.
Le palais de l'Assemblée de Chandigarh (1952-1961)
La ville indienne de Chandigarh conçue par Le Corbusier compte trois édifices principaux, dont le palais de l'Assemblée. Ses lignes droites et parallèles sont coiffées par une toiture en forme de cylindre. Le béton est laissé brut de décoffrage et les formes architecturales apparaissent comme des sculptures monumentales, comme c'est aussi le cas sur le toit-terrasse de la Cité radieuse.
À l'intérieur, une grande salle hypostyle (soutenue par de multiples colonnes) rappelle l'intérieur des temples égyptiens de l'Antiquité.
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© Fondation Le Corbusier/ADAGP
Le palais des Filateurs d'Ahmedabad (1951)
Ahmedabad est la capitale de l'État indien du Gujarat dans le nord-est de l'Inde. L'expérience indienne de Le Corbusier compte aussi la construction de quatre édifices dans cette ville spécialisée dans l'industrie textile.
Le palais des Filateurs est la maison représentative d'un des groupes de filateurs de coton. Toujours attentif à construire en fonction du climat, Le Corbusier y reprend pour les façades est et ouest le principe des grilles "brise-soleil" en béton, construites selon un angle qui empêche de soleil d'y entrer directement. Les façades sud et nord sont laissées aveugles.
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© Fondation Le Corbusier/ADAGP
Le couvent Sainte-Marie-de-la-Tourette vers Éveux (1953)
En 1953, après la chapelle de Ronchamp, Le Corbusier poursuit son expérience des bâtiments religieux avec le couvent dominicain de la Tourette, proche de Lyon. Son modèle est celui des monastères cisterciens, notamment celui du Thoronet avec son cloître, ses espaces communs et ses cellules privées. Pour cet espace consacré à la prière et au recueillement, Le Corbusier conçoit des dispositifs qui apportent de la lumière sans autoriser de vision directe sur le paysage extérieur, source de distraction. Ainsi, le toit-terrasse est ceint de hauts murs, la façade principale est découpée en fines baies verticales irrégulières dont le dessin a été conçu par le musicien Iannis Xenakis, les ouvertures intérieures sont découpées comme des tableaux de Mondrian…
Le pavillon Philips, exposition universelle de Bruxelles (1958)
L'exposition universelle se tient à Bruxelles en 1958. À cette occasion est construit le fameux atomium que l'on visite aujourd'hui encore.
Le Corbusier, pour sa part, édifie une structure temporaire : le pavillon de la société Philips, qui y expose les nouvelles techniques de radiodiffusion. La structure du pavillon est métallique. À l'intérieur, les visiteurs découvrent un spectacle à partir de projection d'images géantes, mises en musique par Edgar Varèse.
La maison de la culture de la ville de Firminy (1959-1965)
En 1954, le maire de la ville de Firminy, ancien ministre de la Reconstruction, décide de bâtir dans sa ville un nouveau quartier doté du confort le plus moderne : Firminy-vert. Pour mener à bien ce projet, Le Corbusier s'appuie sur des principes qui lui sont chers, ceux de la charte d'Athènes de 1933. Cette charte adoptée par des architectes et des urbanistes sous l'impulsion de Le Corbusier lui-même prévoit une séparation entre zones résidentielles, transports, quartiers destinés au travail et espaces de loisirs. Une place importante est faite aux espaces verts.
Quand Le Corbusier meurt en 1965, la maison de la culture est presque achevée.
L'Église Saint-Pierre de la ville de Firminy (1961-2006)
De l'église Saint-Pierre de la ville de Firminy, souvent présentée comme son dernier bâtiment, Le Corbusier n'a en réalité dessiné que les plans.
La première pierre est posée en 1970, cinq ans après sa mort. L'édifice, qui a connu plusieurs interruptions, est finalement inauguré en 2006.
© Bibliothèque nationale de FranceBnF