Des siècles de carrelage
Le carreleur intervient généralement lors des dernières étapes d’un chantier. Mais ses réalisations durent longtemps. On peut aujourd’hui encore admirer des carrelages et des mosaïques réalisés par des artisans.
Au Moyen Âge, l’empire byzantin et la civilisation islamique développent un art extrêmement raffiné du carrelage et de la mosaïque. À partir du 19e siècle, le carrelage s’impose dans les habitations, en intérieur comme en extérieur, en raison de l’industrialisation de sa fabrication et du souci croissant d’un environnement plus hygiénique. Mais, au-delà de leurs avantages pratiques, les réalisations du carreleur et du mosaïste présentent à travers les époques une valeur esthétique éclatante, à découvrir à travers les images de cet album.
Mosaïques et carrelages des thermes de Caracalla à Rome
Les thermes sont une invention grecque que les Romains ont améliorée. A partir de l’Empire (-27 avant Jésus-Christ), les bains publics, ou thermes, se multiplient dans toutes les villes, même les plus modestes. La plupart sont gratuits ou très bon marché.
Ces bâtiments de pierre et de brique sont souvent revêtus de carrelage ou de mosaïque, faciles à lessiver et garantissant une bonne étanchéité. Le dessin de ces mosaïques a été relevé par l’architecte Henri Labrouste au 19e siècle. Il note qu’elles sont composées de petits cubes de pierre de natures différentes, permettant de varier les couleurs du résultat. En marge du document figurent les noms des minéraux utilisés : porphyre rouge, serpentin vert, lave fine, albâtre, marbre…
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© BnF
Les musiciens ambulants, mosaïque de la villa Cicéron à Pompéi
Mosaïque de Neptune et Amphitrite à Herculanum
- L’opus incertum : les dalles de pierre sont de forme irrégulière.
- L’opus signinum : c’est un mélange de tessons de terre cuite avec une pâte de chaux. Cette composition grossière peut revêtir tous les sols, même très fréquentés.
- L’opus sectile : de fines plaques de marbre sont découpées selon le motif géométrique voulu, puis assemblées. On trouve cette technique sur les murs et les maçonneries comme les comptoirs des magasins.
- La mosaïque : plus résistante que les peintures, elle couvre les sols et les murs des salles à manger ou des chambres. Les compositions peuvent être réalisées avec de simples galets (pour le sol), mais le plus souvent avec de petits cubes de pierre taillés, en particulier des marbres de différentes couleurs. Le verre coloré et la terre cuite émaillée sont aussi utilisés pour les tesselles.
Attention au chien !
Cette célèbre représentation d’un chien en laisse s’accompagne de l’avertissement "Cave Canem" ("Prends garde au chien"). Cette mosaïque, ici reproduite sur papier au 19e siècle, se trouvait à l’entrée d’une maison de Pompéi.
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La Basilique saint-Marc à Venise : plus de 4000 m2 de mosaïque
Les mosaïques de la basilique Saint-Marc à Venise sont réalisées à partir du 11e siècle, et couvrent une surface de plus 4000 m2.
Sur le modèle des mosaïques de Byzance, leur éclat est dû à un procédé astucieux : les tesselles, petits cubes de verre coloré ou de verre transparent, contiennent des feuilles d’or ou d’argent. Pour faire varier les jeux de lumière dans la basilique, les feuilles de métal précieux sont insérées dans le verre suivant des angles différents.
Au Moyen Âge, le métier de carreleur n’existe pas encore en tant que tel. Ce sont les maçons qui assurent la pose du carrelage ou des mosaïques. Mais cette tâche requiert néanmoins un savoir-faire et des capacités spécifiques qui donneront naissance au métier de carreleur proprement dit.
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Pavement en mosaïque de la cathédrale d’Otranto dans les Pouilles
Faïences murales du mihrab de la mosquée de Cheykhoun
Les ingrédients de base et les procédés de fabrication n’ont pas changé depuis des millénaires. Plusieurs phases se succèdent :
- La préparation de la pâte : on utilise soit une pâte à base d’argile, plus grasse et plus sombre et qui nécessite un long malaxage, soit une pâte à base de silice, minéral dur et transparent, plus fine et plus claire, à laquelle on ajoute de l’argile blanche.
- La mise en forme du carreau : l’objet est fabriqué à la main, ou avec l’aide d’un moule.
- Le bain dans un engobe : l’artisan plonge l’objet dans un engobe (en général un bain d’argile diluée, éventuellement mélangé à un colorant) pour le lisser et le colorer.
- La glaçure ou l’émail : pour imperméabiliser l’objet, on peut également appliquer un enduit appelé émail ou glaçure. Transparente, la glaçure peut être colorée par des oxydes métalliques. Le cuivre donne du bleu ou du vert, le fer du vert, du jaune ou du rouge, l’étain et l’antimoine du jaune…
- La cuisson : elle doit être très précise et contrôlée, car la chaleur du four déclenche les réactions chimiques entre les éléments. Ainsi, les couleurs de la glaçure sont révélées à la chaleur.
Mosaïques de l’Alhambra de Grenade
Carreaux du Moyen Âge en France
L’assemblage habituel est le motif en échiquier, où des carreaux de couleurs contrastées alternent en quinconce. Parfois des motifs peuvent être peints sur les carreaux en couleurs contrastées. Ils composent des formes géométriques simples : flèches, carroyages, quadrillages en losange, etc. Malgré leur simplicité, les motifs sont exécutés d’après un patron dessiné sur un parchemin par un peintre.
Illusions d’optique
Les labyrinthes dallés des cathédrales
Il n’existe qu’un chemin pour rejoindre le centre sans impasses ni fausses pistes. Mais il est laborieux : le chrétien le parcourait à genoux, en simulant le pèlerinage pour gagner son salut. L’Église remplacera progressivement, dans les cathédrales et abbayes, l’image du Minotaure par celle du Christ avant d’entreprendre la destruction des labyrinthes qui avaient fini par apparaître comme une impardonnable concession aux rites païens.
Carreau avec un motif de labyrinthe
Ce carreau du 14e siècle porte en miniature la forme du labyrinthe, figure héritée de la mythologie antique, et que l’on trouvait aussi à beaucoup plus grande échelle sur le sol des cathédrales.
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Dalles gravées du 13e siècle
En France au Moyen Âge, on a peu recours à la mosaïque. Pour décorer les dallages en pierre dure, on en grave la surface que l’on remplit ensuite de plomb ou de mastic coloré. Ce procédé permet d’obtenir des dessins d’une grande finesse, mais a l’inconvénient de s’user vite sous les pas des fidèles.
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Carrelage de sol en faïence du château de Polisy exécuté en 1545
D’une surface de 28 m2, il compte 1584 carreaux et habillait le sol de la salle d’honneur du château de Polisy en Champagne. Ses couleurs et ses dessins témoignent de la forte influence italienne sur la France à cette époque de la Renaissance. Ce carrelage a été détaché et est désormais exposé au Musée national de la Renaissance à Écouen (région parisienne).
Plan en croix grecque et pavage de marbre de l’église des Invalides
Le plan de la chapelle est centré : une croix dite "grecque" (le terme signifie que les branches sont de mêmes dimensions) s’inscrit dans un carré presque parfait.
Ce plan très symétrique, reposant sur des formes simples, rappelle celui des bâtiments de l’Antiquité comme le Panthéon de Rome, ou de la Renaissance, comme la villa Rotonda de Palladio.
Le sol de la chapelle royale est pavé d’une riche mosaïque de pierre composée d’une vingtaine de sortes de marbres polis, de couleurs ocre, rouge, ivoire, jaune, vert, bleu, veinés ou uniformes.
Les dessins sont réalisés par François Lespingola et les mosaïques exécutées par six marbriers. Après avoir battu et aplani la terre, les ouvriers posent un enduit puis de la résine de pin sur le sol. Les tessons de marbre, d’une épaisseur de 3 ou 4 mm, sont chauffés avant la pose pour adhérer à la résine.
Au 19e siècle, l’architecte Visconti détruit une grande partie de ces pavements pour aménager le tombeau de Napoléon.
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© Bibliothèque nationale de France
Un pavage de marbre au motif complexe
Le sol de la nouvelle église est recouvert d’un pavage de marbre au motif complexe. Le plan ci-contre est un projet mais n’a pas été réalisé. C’est Jean-Baptiste Rondelet, vers 1806, qui fournit le dessin définitif du dallage de marbre ; ses motifs géométriques dialoguent avec la structure du bâtiment.
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Apparition des carreaux ciment au 19e siècle
De nouveaux matériaux apparaissent pour les carrelages au 19e siècle. Avec le ciment, la cuisson devient inutile. Le carreau ciment est inventé en France vers 1850 et se répand rapidement dans toute l’Europe.
Produits manufacturés réalisés en série, les carreaux ciment sont présentés sur catalogue, et surtout à l’occasion des expositions universelles, ces événements internationaux qui présentent les produits de l’industrie.
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Des carreaux Art Nouveau
Ainsi, les motifs végétaux et les lignes courbes de l’Art Nouveau, qui se développe à partir du début des années 1890, se retrouvent sur les carreaux décoratifs qui habillent désormais les murs des habitations.
- Direction éditoriale
Françoise Juhel, Éditions multimédias, BnF
Édition
Nathalie Ryser, Éditions multimédias, BnF
Traitement iconographique, réalisation
Gisèle Nedjar, Éditions multimédias, BnF
Fichiers numériques réalisés par le département Reproduction de la BnF
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