Nourriture, imaginaire et interdiction

L’attaque du château fort
Cette enluminure représente le siège de la forteresse de Chateaugiron par Louis d’Anjou et Du Guesclin, pendant la guerre de Cent Ans.
Elle invite à découvrir le château fort à travers son évolution architecturale durant tout le Moyen Âge. À l’origine lieu de défense, le château va peu à peu se transformer au cours des siècles en un lieu de résidence et de prestige. L’exploration propose d’examiner les différents éléments défensifs du château, ainsi que les aménagements résidentiels.
En une seule image en vue plongeante, l’artiste enlumineur parvient à représenter toutes les fonctions du château : à la fois militaire et résidentielle.
© BnF
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Les hommes du Moyen Âge ne consomment habituellement pas certains aliments. Par exemple les loups, renards et putois, éléphants, chats, singes, ânes et chiens, sans compter les aigles, les éperviers, les faucons et autres oiseaux de proie, et même de bien hypothétiques griffons ! Mais tous les aliments consommables ne se valent pas. Certains renvoient à des comportements jugés barbares. Beaucoup semblent trop rustiques pour la table des grands, qui leur préfèrent la saveur d’épices évoquant les mystères de l’Orient.
Le cru et le cuit
Loin de nos tartares et de nos sushis, le cru est assez mal vu. Au 12e siècle, on imagine que les peuples étranges et sauvages qui vivent à l’orient du monde chrétien "se nourrissent de chair humaine ou de bêtes crues". En Inde, certains accommoderaient ainsi leurs parents âgés, tandis que d’autres "mangent les poissons vraiment crus et boivent la mer salée". Cru aussi serait le régime des chevaliers devenus fous et livrés à eux-mêmes dans la forêt, lieu de fantasmes et de peurs pour le Moyen Âge.
La chair et la bonne chère
Aux 14e et 15e siècles, la viande est abondante sur les tables des seigneurs. On la considère comme la source de toute la force, mais aussi de tout le mal. C’est l’aliment de référence pour les seigneurs, qui se réservent de plus en plus le produit de la chasse et consomment beaucoup d’animaux de boucherie ou de basse-cour. Mais, aux yeux des théologiens, la viande risque d’échauffer le mangeur et de le conduire ainsi à la luxure. "La chair est nourrie de chairs", déclare un évêque du haut Moyen Âge.

Le marchand de lard
Au Moyen Âge, la viande est consommée en bien plus grandes quantités qu’on ne l’a longtemps cru. Dans la trilogie carnée de l’époque, les préférences allaient au bœuf, puis aux ovicaprins (mouton et chèvre), enfin seulement au porc, sauf en milieu aristocratique où manger du cochon (l’animal jugé le plus proche de l’homme) est apprécié
© BnF
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La boucherie : viande de veau
Une hiérarchie des aliments

La poissonnière
La poissonnerie est un métier de base du monde chrétien médiéval, le poisson étant un aliment obligé des jours de fêtes religieuses, qui sont nombreux.
Sur le plan médical, la consommation de poissons frais ou au vinaigre, de crabes ou de lamproies, est particulièrement recommandée aux jeunes, tandis que le poisson salé est prescrit aux personnes "décrépites" (ou âgées).
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Au Moyen Âge, les philosophes pensent que l’univers est ordonné verticalement, du bas vers le haut. Les aliments sont hiérarchisés selon leur plus ou moindre grande proximité à Dieu. Tout en haut de cette échelle de valeur figurent les oiseaux qui se meuvent dans l’air, le plus élevé des quatre éléments. Tout en bas, on trouve les plantes qui viennent de la terre. Mais on fait une distinction entre les feuilles poussant sur une tige, comme les choux ou les pois, et celles qui partent de la racine (épinards, salades). Les légumes racines, comme les carottes et les raves, viennent seulement ensuite car ils poussent sous la terre, ainsi que les bulbes – oignon, poireau et ail – qui sont de loin les aliments les plus méprisés. Rappelons que la pomme de terre est alors inconnue, puisqu’elle n’arrive en Europe que vers 1570, suite à la découverte de l’Amérique.
Cette hiérarchie se vérifie dans les comptes alimentaires et elle est justifiée par les médecins. Les élites consomment ainsi beaucoup de volatiles et aussi des fruits, qui poussent sur des arbres en hauteur et conviennent donc parfaitement aux classes élevées de la société. En revanche, elles s’abstiennent à peu près complètement de légumes, laissés aux paysans. Pour les cas délicats, car proches de la terre, comme la fraise ou le melon, les médecins recommandent la plus grande prudence !
Les épices paradisiaques
Au Moyen Âge, on croit que toutes les épices sont originaires d’Orient ou d’Inde, régions elles-mêmes réputées proches du paradis terrestre. Avec les animaux exotiques, les monstres humanoïdes et les pierres précieuses, les épices font partie des "merveilles" de l’Inde. Ce sont les quatre fleuves nés dans le jardin d’Éden qui les achemineraient vers les ports de commerce. Par exemple jusqu’à Alexandrie, comme l’explique Joinville, le compagnon de saint Louis lors de la 7e croisade :
"Avant que le fleuve n’entre en Égypte, les gens qui ont l’habitude de le faire jettent leurs filets déployés dans le fleuve, au soir ; et quand vient le matin, ils y trouvent ces marchandises vendues au poids qu’on apporte ici, c’est-à-dire gingembre, rhubarbe, bois d’aloès et cannelle. Et l’on dit que ces choses viennent du paradis terrestre, où le vent les fait tomber des arbres, à la manière dont il fait tomber le bois sec dans les forêts de nos régions."

Les épinards
Plante d’origine tropicale, l’épinard est très tôt acclimaté en Perse et se diffuse dans tout le monde musulman. De là, il passe en Europe occidentale : on le trouve en abondance dans les jardins provençaux comme parisiens. Comme les épinards sont à leur mieux en février, ils constituent le légume de carême par excellence.
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L’ail

Le melon
Bien que vivement déconseillé par les médecins médiévaux, le melon est cultivé dans le Comtat Venaissin vers 1400. Cependant, il n’est encore connu que dans les régions méditerranéennes, d’où sa culture se répandra dans le reste de la France à la Renaissance.
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