La construction de la basilique de Saint-Denis

Saint-Denis, sa tête coupée entre les mains
Saint-Denis, sa tête coupée entre les mains | © BnF

L’histoire de la basilique de Saint-Denis commence avec les débuts du christianisme en France. Les différentes étapes de sa construction reflètent l’histoire politique et religieuse de la France. Elles rendent compte aussi de l’histoire de l’architecture, et tout particulièrement de la naissance du style gothique.
D’abord église abbatiale, la basilique devient officiellement cathédrale en 1966 quand le diocèse de Seine-Saint-Denis est créé, signe de sa place unique dans l’histoire de France.

Les origines

L’édifice religieux que nous connaissons actuellement sous le nom de basilique-cathédrale de Saint-Denis est en réalité le résultat hybride de plusieurs phases de construction, de destruction et d’agrandissement d’une première église du 5e siècle. Au 5e siècle, alors que le christianisme étend son influence sur le territoire, sainte Geneviève – future sainte patronne de Paris – fait construire une première église sur la tombe présumée de Denis, premier évêque de Lutèce et martyr catholique, afin de rendre hommage à son courage et à sa dévotion. En effet, celui qui deviendra saint Denis est missionné pour évangéliser les barbares gaulois dans la capitale de la Gaule antique, Lutèce, bientôt connue sous le nom de Paris. Il ne tarde pas à être persécuté pour ses croyances et il est décapité vers 280 sur la butte Montmartre, qui tire d’ailleurs son nom de cet épisode, Montmartre signifiant “le mont du martyre”. Selon la légende, Denis aurait alors ramassé sa tête et aurait marché vers le nord pour s’arrêter à quelques lieues de la capitale, fondant ainsi le village de Saint-Denis. Rudimentaire, cette première église a été entièrement remaniée au fil des siècles.

L’ancienne abbaye royale

Dagobert Ier  réfugié à Saint-Denis
Dagobert Ier réfugié à Saint-Denis | © BnF

Au 7e siècle, Dagobert Ier, roi des Francs, décide de faire édifier une église abbatiale sur le site de l’église fondée par sainte Geneviève. Cherchant à asseoir son autorité, Dagobert Ier fuit Saint-Germain-en-Laye où reposaient les premiers rois de France et vient chercher à Saint-Denis la protection de cette figure illustre de la chrétienté. Avant lui, en 754, Pépin le Bref avait déjà choisi Saint-Denis pour son sacre par le pape, annonçant une alliance entre l’abbaye de Saint-Denis et le pouvoir carolingien. En effet, l’abbaye de Saint-Denis s’impose peu à peu comme un lieu de savoir et de pouvoir, avec une école, une riche bibliothèque, et un scriptorium qui participent à la sauvegarde et à la transmission des textes anciens religieux et profanes. Grâce à ses abbés et aux donations royales, le trésor du monastère devient l’un des plus riches d’Occident.

Dagobert Ier
Dagobert Ier | © BnF
Dagobert ordonne la construction de Saint Denis
Dagobert ordonne la construction de Saint Denis | © BnF
Dagobert visitant le chantier de la construction de Saint-Denis
Dagobert visitant le chantier de la construction de Saint-Denis |

© Bibliothèque nationale de France

L’Église de Saint-Denis, dessin d’architecture
L’Église de Saint-Denis, dessin d’architecture | © BnF

Un édifice en perpétuelle évolution

Au cours des siècles, les différentes dynasties de rois de France laissent leur marque sur l’abbaye de Saint-Denis. La basilique connaît plusieurs chantiers d’agrandissements, dont le plus marquant est sans conteste celui initié par l’abbé Suger, avec le soutien de Louis VI, dès 1135. Au 17e siècle, le domaine abbatial comprend une église abbatiale avec un mausolée royal, son abbaye attenante et des jardins. La nécessité d’accueillir les tombes des rois de France et de certains personnages illustres, ainsi que les troubles politiques qui secouent le pays, provoquent des modifications constantes dont la basilique-cathédrale actuelle garde encore les traces.

L’abbé Suger, artisan de la transformation de Saint-Denis

L’abbé Suger sur le vitrail de l’arbre de Jessé
L’abbé Suger sur le vitrail de l’arbre de Jessé |

© Vinca Hyolles

L’épitaphe écrite à sa mémoire le présente comme un homme "petit de corps et de famille, qui poussé par sa double petitesse, refusa dans sa petitesse d’être petit". En effet, Suger (1081-1151) naît près de Saint-Denis dans une famille de paysans aisés, appartenant néanmoins à la couche la plus basse de la société d’ordres. Il devient oblat, c’est-à-dire enfant consacré à Dieu, à l’âge de 10 ans, dans l’abbaye de Saint-Denis, qui est alors l’une des plus puissantes abbayes bénédictines de France. Prévôt, puis abbé de Saint-Denis en 1122, il entretient de bonnes relations avec le pape, les évêques et les rois, notamment Louis VI dit le Gros pour qui il accomplit des missions. Choisi pour diriger l’abbaye grâce à son intelligence et sa bonne connaissance des archives, il se donne pour mission d’en moderniser le fonctionnement et parvient rapidement à en augmenter les richesses. C’est avec cet argent qu’il entreprend dès 1135 les travaux de restauration de l’église carolingienne et sa transformation en une basilique au style novateur, bientôt appelé gothique.
Parallèlement, l’abbé Suger s’intéresse à l’histoire des rois de France. Conseiller de Louis VI et de Louis VII et régent de France durant la croisade, il rédige lui-même les vies des deux rois qu’il a fréquentés et commence à faire rechercher et à réunir dans les archives de Saint-Denis tous les documents qui lui sont nécessaires. Sous son impulsion, l’abbaye amasse alors l’une des plus riches bibliothèques du royaume. Dans la première moitié du 13e siècle deux chroniques y sont rédigées en latin : l’une raconte l’histoire de France des origines à la mort de Louis VI le Gros, et l’autre la poursuit jusqu’à la mort de Philippe Auguste en 1223. Son intérêt pour l’histoire de France, et sa compréhension des enjeux de pouvoir liés à la mémoire, explique également sa volonté de perpétuer la tradition des inhumations royales à Saint-Denis initiée par Charles Martel et Dagobert Ier.