Histoire du métier de charpentier
Le métier de charpentier existe depuis l’Antiquité. En Mésopotamie et en Égypte, le bois est rare et la profession peu représentée. Mais en Grèce par exemple, les premiers temples sont faits de bois.
Deux figures importantes de l’Ancien et du Nouveau Testament, Noé et Joseph, sont charpentiers. Noé, qui a construit son arche (bateau contenant un couple de chaque animal de la création) étant à ce titre l’ancêtre des charpentiers de marine.
Au Moyen Âge
À partir du 12e siècle, le charpentier devient un professionnel aux compétences reconnues, car son savoir-faire très technique ne peut pas être maîtrisé par tous. Cette corporation comptait 95 charpentiers à Paris en 1292.
C’est à cette époque que se développent la technique de l’assemblage à tenon-mortaise, et celle du piquage au plomb, toutes deux d’une extrême précision. Mais aussi et surtout l’art du trait de charpente, ou tracé de l’épure, qui permet de maîtriser par le tracé en trois dimensions la conception d’un édifice complexe. Le maître charpentier est alors celui qui maîtrise l’ensemble des techniques et dirige sa part du chantier. Comme le maître maçon et le maître tailleur de pierre, il est à la fois architecte et ouvrier : il conçoit et il réalise. Le métier d’architecte en tant que tel n’existera qu’à partir de la Renaissance.
Souvent, le charpentier est aussi bûcheron à la campagne. Son savoir très spécialisé lui permet de maîtriser les bonnes périodes de coupe, mais aussi les techniques d’équarrissage et de sciage. C’est pourquoi de nombreuses enluminures médiévales illustrent ce travail d’abattage. À partir du 16e siècle et jusqu’au 17e siècle, on distingue :
- les charpentiers de grande cognée qui fabriquent les planchers, les charpentes, mais aussi les échafaudages et les engins de levage (roues, treuils… pour soulever les pierres) ;
- les charpentiers de petite cognée spécialisés dans les ouvrages plus petits : coffres, bancs, portes, etc. Ces derniers deviendront les menuisiers. La distinction entre charpentier et menuisier est donc assez tardive.
Naissance du compagnonnage
Profession reconnue et fière de son savoir, la charpenterie est l’une des premières professions à se regrouper et s’organiser. Dès le 12e siècle, la construction des cathédrales nécessite que les maîtres bâtisseurs, et en particulier les maîtres charpentiers, voyagent de chantier en chantier et partagent leurs connaissances. Ces déplacements et ces échanges, assortis de rites de passages qui restent secrets, sont à l’origine du compagnonnage, premier des mouvements ouvriers.
Au Moyen Âge, les corps de métiers s’organisent aussi en corporations propres à une ville (et sans notion de voyage contrairement au compagnonnage). Les corporations décident des critères de passage du statut d’apprenti à celui d’ouvrier, constituent une caisse de soutien pour venir en aide aux ouvriers malades…
Les corporations sont régulièrement considérées comme un danger par le pouvoir, qui tente d’en réduire l’influence ou même de les supprimer.
En réaction, à la fin du 18e siècle et au 19e siècle, les charpentiers sont souvent en première ligne lors des grandes grèves qui marquent le siècle.
Les dates clés
1791, 14 juin : promulgation de la loi Le Chapelier, qui interdit les associations professionnelles de patrons ou de salariés. Cette loi est destinée à l’origine à lutter contre les corporations afin de favoriser les évolutions professionnelles. Mais au 19e siècle, elle devient un outil contre les syndicats.
1803 : rétablissement du livret ouvrier, instauré en 1781, qui comporte un rappel de l’interdiction des coalitions d’ouvriers.
1833 : grève des charpentiers.
1845, juin-novembre : grève des ouvriers charpentiers pour des augmentations de salaire. Pour la première fois, des militaires sont mis à disposition des employeurs.
1884 : loi Waldeck-Rousseau autorisant les syndicats professionnels, qui avaient été interdits par la loi Le Chapelier de 1791.
1905 : grève des charpentiers.
1911 : grandes grèves des ouvriers du bâtiment.
Révolution industrielle
Au 19e siècle, la Révolution industrielle et le développement de la sidérurgie font entrer le fer et la fonte dans la construction. Les charpentes métalliques, résistant mieux au feu, s’imposent. Les ingénieurs et les architectes se tournent alors vers les serruriers, déjà professionnels du métal, plutôt que vers les charpentiers. On ne parle pas encore de métallier mais de "charpentier en fer ".
Les charpentiers parisiens à l’origine de l’essor du fer ?
Un événement particulier aurait favorisé la diffusion du métal dans le secteur de la construction : la longue grève des charpentiers parisiens en 1845. Privés de bois, les entrepreneurs se tournent alors vers le fer pour pouvoir terminer les bâtiments en cours. L’habitude est prise…
Néanmoins, l’ampleur des travaux liés à la Révolution industrielle rend plus que jamais indispensable le savoir des charpentiers. Car tous ces chantiers exigent des échafaudages, des engins de levage ou des dispositifs de cintrage de plus en plus importants.
20e siècle
Le 20e siècle n’est pas celui du bois dans la construction. Le béton triomphe au début du siècle.
Les vastes chantiers de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale utilisent en majorité le métal, qui permet de construire vite. De plus, après les années de guerre consacrées à répondre aux besoins en armement, l’industrie sidérurgique a les capacités pour fournir désormais le secteur du bâtiment et des travaux public. La construction bois n’est donc pas la priorité…
Une première prise de conscience écologiste apparaît néanmoins dans les années 1970, avec les chocs pétroliers de 1973 et 1979. En France, René Dumont est le tout premier candidat écologiste à la présidentielle de 1974. Mais le concept de développement durable n’apparaît vraiment que dans les années 1980, après une prise de conscience du grand public touché par des phénomènes de pollution (naufrages de pétroliers, trou dans la couche d’ozone, pluies acides, accident nucléaire de Tchernobyl), et la découverte que certains produits courants peuvent causer des maladies graves (cas de l’amiante dans la construction).
21e siècle
Dès la fin du 20e siècle, entraîné par un intérêt croissant pour l’éco-construction, le bois retrouve une place importante dans les bâtiments.
Ainsi, les maisons à ossature bois (MOB) répondent aux exigences d’économie d’énergie puisque le bois est un bon isolant et que sa transformation consomme peu d’énergie. L’usage de ce matériau naturel contribue à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère et favorise également une bonne qualité de l’air dans le bâtiment.