L’éclairage
Il est une autre partie à laquelle on a encore moins pensé et dont une foule d’observations m’ont mis à portée de m’occuper. C’est la manière d’éclairer une salle en raison des impressions que doit produire l’ouvrage que l’on y représente. Il n’est personne qui, préparé par le titre d’une pièce à des idées lugubres mais assis au milieu d’une salle très éclairée, n’éprouve quelque peine à se distraire des sensations dont la vivacité des lumières a rempli ses organes, lorsqu’au lever de la toile sa vue se porte tout à coup sur une scène ténébreuse. L’effort qu’il est obligé de faire pour se remettre au ton nuit à l’illusion, et l’on ne sait pas toujours jusqu’à quel point cette situation peut nuire à l’ouvrage.
Il en est de même lorsque, d’une salle mal éclairée, on aperçoit tout à coup une fête brillante. Quelquefois, il est vrai, ces contrastes sont comme des moyens préparatoires, utiles au but du poète qui peut avoir besoin d’une surprise instantanée ou d’une commotion subite. Mais c’est une raison de plus pour chercher à se rendre maître de produire ou de prévenir ces effets à volonté, et l’on ne saurait imaginer combien de ressources inconnues et puissantes ce moyen peut offrir à l’illusion et à l’impression physique de spectacle.
Étienne-Louis Boullée, Essai sur l’art, 1796-1797