Construction et destin du palais
La construction du palais des Papes s’effectue en moins de 20 ans, de 1335 à 1352. Elle est l’œuvre principalement de deux papes bâtisseurs : Benoît XII, qui fait construire le premier palais pontifical (dit Palais vieux), et Clément VI, qui fait édifier de nouvelles extensions (dit Palais neuf).
Notre-Dame des Doms : un lieu stratégique
Fondée en 1150 – bien avant l’installation des papes à Avignon –, Notre-Dame des Doms est le premier édifice religieux bâti sur le rocher qui surplombe le Rhône. Dans la région à cette époque, beaucoup de restes de l’Empire romain subsistent. Avant même la Renaissance, les architectes font alors la synthèse entre l’art roman et l’architecture antique. Le plan basilical, les arcs en plein cintre et la simplicité des espaces et des volumes sont caractéristiques du roman, tandis que subsistent encore de nombreuses références antiques, comme la présence de pilastres cannelés. Le portail est traité comme un arc de triomphe antique, surmonté d’un fronton triangulaire. Le renvoi à l’Antiquité s’observe aussi par l’emploi de la pierre d’appareil, lisse et blanche. On trouve en Provence d’autres églises construites dans le même esprit : Saint-Gilles du Gard à Arles en est un bon exemple. De plan carré, le clocher des Doms domine tout Avignon. La statue en plomb doré de la Vierge Marie bénissant la ville a été posée en 1859 : haute de 6 m, elle pèse plus de 4 tonnes !
Quelques architectes du palais
Le chantier du palais des Papes est l’un des plus documentés du Moyen Âge ; des nombreux maîtres d’œuvre ont pu être ainsi identifiés, comme les architectes qui se sont succédé. Benoît XII est le troisième pape régnant à Avignon (1334-1342). Dans les années 1330, il appelle Pierre Poisson, originaire comme lui du comté de Foix dans les Pyrénées. C’est ce dernier qui dirige la construction de ce que l’on appelle aujourd’hui le “Palais vieux“ et élève la tour du Pape – appelée aussi la tour des Anges qui concentre les plus hautes activités. Celle-ci abrite notamment les appartements privés du souverain pontife (chambre, salle à manger privée, “cuisine secrète”), la bibliothèque, l’administration et les finances. Ce donjon haut de 46 m et soutenu par d’épais contreforts est percé de quelques étroites ouvertures. À l’intérieur, la sévérité et le dépouillement sont nuancés par de riches tapisseries et des peintures chatoyantes. Sous Clément VI, le quatrième pape qui règne à Avignon (1342-1352), la construction du “Palais neuf” est confiée à Jean de Louvres dit de Loubières, maçon qui dirige une équipe de 600 hommes. Les dimensions des pièces reflètent en partie le règne fastueux de ce pape. À l’étage supérieur, les croisées d’ogive de la chapelle clémentine – accessible depuis l’escalier d’honneur – s’élèvent à presque 20 m. La cour d’honneur est créée pour accueillir les visiteurs et donner des fêtes que le pape peut admirer depuis le grand promenoir. La magnificence du règne de Clément VI s’observe aussi par la riche décoration : outre les tapisseries, les vitraux, les objets d’art et les fresques, de nombreuses sculptures ornent les murs et les voûtes des pièces. Sous Urbain V, sixième pape de 1362 à 1370, Bertrand Nogayrol achève le Palais neuf. Construite pendant le pontificat de Clément VI, la Grande Audience, vaisseau de pierre de 52 m sur 16, d’une superficie de 820 m2, est la plus monumentale. C’est ici qu’ont lieu les officialités (les audiences et jugements), dirigées par le tribunal de la rote (du latin rota, la roue). On l’appelle ainsi car les juges ont maintenu la tradition antique de se réunir en cercle. Le tribunal traite des affaires liées à la religion comme le blasphème, le sacrilège, l’hérésie, mais aussi les affaires civiles et criminelles qui ont lieu sur les territoires pontificaux. On accède au-dessus à la chapelle clémentine (ou grande chapelle) par l’escalier d’honneur. La chapelle est longée par le grand promenoir, duquel le pape pouvait se détendre en regardant les spectacles donnés dans la cour d’honneur.
Des fonctions multiples
Le palais des Papes est-il une résidence, un monastère, le siège du pouvoir ou une forteresse ? Les quatre à la fois : derrière ses imposantes fortifications, le complexe palatial protège les biens de l’Église et son chef spirituel. Considéré comme la première cour d’Europe attirant les plus hauts personnages à l’occasion de somptueuses fêtes, le palais est aussi un monastère, un lieu de recueillement et de réclusion. Enfin, c’est un lieu de pouvoir et d’administration : les tribunaux qui y sont installés sont compétents pour juger les affaires liées à la religion (blasphème, sacrilège, hérésie…) et les litiges qui ont lieu sur les territoires de l’Église. On pourrait comparer le palais des Papes avec le palais des Rois de Majorque, autre grand palais-forteresse achevé en 1309 à Perpignan. De plan carré, l’ensemble réunissait espaces publics et privés dominés par une chapelle gothique.
Le palais : une ville dans la ville
Ville importante au Moyen Âge, Avignon reçoit une impulsion supplémentaire lors de l’installation des papes. Les plus proches collaborateurs du pape sont les cardinaux dont le nombre s’élève à 20 ou 30. Si l’on estime que chaque cardinal a sous ses ordres une trentaine de personnes, alors la cour compte plusieurs centaines de personnes qui doivent être logées à proximité. Les cardinaux habitent avec leurs suites dans les livrées cardinalices. On en compte une trentaine, réparties sur l’ensemble de la ville. Aujourd’hui transformé en musée, le Petit Palais est sans doute l’une des plus belles résidences cardinalices : il a accueilli jusqu’en 1502 Giuliano della Rovere (futur Jules II) avant que celui-ci ne parte pour Rome pour y être sacré pape. Il faut ajouter à cela les maisons et les palais des marchands et des banquiers dont la richesse égale parfois celui des livrées : le palais du Roure en est un exemple.
La redécouverte du palais
Après 1417, une fois le pape de retour à Rome, le palais devient jusqu’à la Révolution française la résidence des cardinaux représentants du pape (les "légats"). Après la révolution française, le palais des Papes est désaffecté de ses fonctions religieuses et devient une caserne militaire. Chargé de la restauration des remparts de la ville dans les années 1860, l’architecte Eugène Viollet-le-Duc étudie le palais, dont les relevés et les descriptions très précises figurent dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture française. Il propose même de remettre le palais dans l’état du 14e siècle mais il faut attendre le début du 20e pour que l’armée quitte définitivement les lieux. En 1906, l’État récupère le palais des Papes et les travaux peuvent commencer. La tâche est si grande qu’ils durent un siècle.