Le choix de l’acier moulé
Peter Rice découvre lors d’un voyage au Japon les structures conçues par l’architecte Kenzo Tange et l’ingénieur Tsuboi. Il en revient avec l’idée de la gerberette en acier moulé.
L’idée était née. Depuis quelques temps déjà, je m’interrogeais sur ce qui donnait aux grandes structures du 19e siècle leur attrait particulier. Leur audace n’expliquait pas tout. Beaucoup de grandes réalisations structurelles d’aujourd’hui sont audacieuses, mais elles ne possèdent ni l’aspect chaleureux ni la personnalité de leurs homologues du siècle dernier. Une des choses qui m’avaient frappé, c’était à quel point ces dernières manifestaient l’attachement et le soin que leurs ingénieurs leur avaient prodigués. Comme les cathédrales gothiques, ces structures sont l’expression à la fois du métier et de choix subjectifs. À travers les décorations de fonte et les assemblages de fer, chacune d’entre elles explique la vision singulière de son concepteur et de celui qui l’a réalisée, nous rappelant qu’elles furent conçues et érigées grâce au travail des hommes dont elles portent la marque.
L’acier moulé pouvait manifester les mêmes qualités. Il offrait lui aussi la possibilité d’exprimer ce contact personnel. Mais depuis ce temps-là, c’est-à-dire depuis l’époque victorienne, il avait été abandonné comme matériau de construction. Le besoin d’un matériau fiable, et dont on pût prévoir les réactions, avait effectivement poussé à éliminer tous les matériaux dont la production ne s’effectuait pas selon un procédé industriel standardisé et dont l’absence de défauts ne résultait pas clairement du procédé lui-même. Mais il s’agissait ici d’une réalisation d’exception. Je décidai donc de concevoir Beaubourg avec l’acier moulé pour matériau de base.
Mémoires d’un ingénieur, Peter Rice, Éditions Le Moniteur, collection Architextes, Paris 1998, p. 22.