Les tailleurs de pierre : rôle clé de la (re)construction
Les motifs sculptés sur les façades et surtout les portails de Notre-Dame montrent une évolution dans l’art du tailleur de pierre. Peu à peu, la sculpture se détache du mur, on passe du bas-relief à la statue, tandis que les poses deviennent moins rigides. C’est à la cathédrale de Reims que ces figures sculptées atteindront leur plus haut degré de perfection.
Un savoir-faire très demandé au Moyen Âge
Les tailleurs de pierre sont des artisans très sollicités. Des comptes de chantier montrent qu’ils sont souvent mieux payés que les maçons. Les tailleurs de pierre utilisent généralement la technique de la taille directe. Ils se servent de dessins et de maquettes préparatoires pour réaliser les pierres et sculptures directement dans les blocs de pierre. En cas d’erreur, la pierre est inutilisable et il faut en changer. Parfois, des retailles sont possibles : le matériau est cher, il faut donc éviter au maximum de gâcher.
Dans un premier temps, une maquette est dessinée ou sculptée dans l’argile, le bois, ou parfois du plâtre. La fragilité de ces modèles n’a pas permis leur conservation jusqu’à notre époque. Ensuite, la pierre est débitée et équarrie, c’est-à-dire taillée dans la forme géométrique voulue. L’étape suivante, l’épannelage, consiste à dégrossir pan par pan afin de dégager la forme générale. Enfin, on procède à la dernière taille, fine et précise.
Des gargouilles bien utiles et des chimères uniquement décoratives
La silhouette de Notre-Dame est indissociable de ses célèbres gargouilles. Ces monstres grimaçants penchés sur le vide ont une fonction décorative, mais ils sont surtout mis en place à l’extrémité des gouttières pour évacuer l’eau de pluie de la toiture. Les gargouilles, débordant largement sur le vide, évitent ainsi que les eaux pluviales ne s’écoulent le long des murs.
Les premières gargouilles sont larges et peu nombreuses. Puis les constructeurs les multiplient et les affinent afin de diviser les écoulements d’eau en filets plus réduits.
Contrairement aux gargouilles, les chimères ne sont que décoratives. Ces créatures fantastiques, grotesques ou diaboliques ont été imaginées par l’architecte Viollet-le-Duc au moment où il restaure la cathédrale à partir de 1843, pour rendre à l’édifice son atmosphère médiévale.
Ces créatures semblent contempler Paris et dissuader, par leur laideur, le mal d’entrer dans le lieu saint. Le Stryge, inspiré de la chimère romaine composée d’une tête de femme et d’un corps d’oiseau, est l’une des plus célèbres. Peut-être, en la dessinant, Viollet-le-Duc pensait-il au personnage de Quasimodo, le héros bossu de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo ?
Ressusciter ces créatures de pierre
Quelques gargouilles et chimères ont été fragilisées lors de l'incendie de 2019 alors les sculpteurs viennent les secourir.
Après l'incendie : reconstruction des voûtes
Les voûtes sont en fait constituées de bloc de pierres appelés claveaux. Chaque voûte est en 6 parties.
La reconstruction commence par le rebouchage des voûtains sur le transept nord. Les tailleurs de pierre utilisent des cintres en bois placés sous les arcs pour repositionner les claveaux. Une fois les voûtains refermés, les maçons appliquent une chape de mortier (consolide les voûtes, sert de pare-feu et en protège la voûte de l'eau). Les cintres sont retirés et grutés à l’extérieur de la cathédrale.
Les tailleurs de pierre assainissent et nettoient les voûtes du chœur. Certaines voûtes de la nef sont effondrées. Il faut aussi refermer les trous dans le transept et le chœur. Cette tâche cruciale pour assurer la stabilité du bâtiment.
Des pieds de gerbe à l'oculus
Les tailleurs de pierre montent les claveaux de l’oculus, acheminés par grue. L'arc est monté du bas vers le haut, depuis les pieds de gerbe jusqu'à l’oculus. Les angelots bordant l’oculus sont restaurés.
Restauration : les pignons, tourelles et statues
Les pignons nord et sud de Notre-Dame de Paris, des murs triangulaires qui clôturent le transept et définissent la forme triangulaire de la charpente, sont endommagés par l'incendie. Le pignon nord est entièrement démonté et le pignon sud est partiellement reconstruit. Les pierres qui composent la rosace du pignon sud sont sculptées sur place, assemblées et scellées au plomb.
Les tailleurs de pierre reconstruisent des tourelles, restaurent ou copient les statues ornant les sommets des pignons comme la statue du Christ (pignon sud) ou la statue de Saint Denis (pignon nord).