Les fêtes de Louis XIV à Versailles
Les souverains ont toujours organisé des fêtes mais Louis XIV, plus que tout autre, fera de la fête un instrument au service de son image.
Il s’en explique dès 1661 dans ses Mémoires pour l’instruction du Dauphin :
"Cette société de plaisirs, qui donne aux personnes de la Cour une honnête familiarité avec nous, les touche et les charme plus qu’on ne peut dire. Les peuples, d’un autre côté, se plaisent au spectacle où, au fond, on a toujours pour but de leur plaire ; et tous nos sujets, en général, sont ravis de voir que nous aimons ce qu’ils aiment, ou à quoi ils réussissent le mieux. Par là nous tenons leur esprit et leur cœur, quelquefois plus fortement peut-être, que par les récompenses et les bienfaits ; et à l’égard des étrangers, dans un État qu’ils voient d’ailleurs florissant et bien réglé, ce qui se consume en ces dépenses qui peuvent passer pour superflues, fait sur eux une impression très avantageuse de magnificence, de puissance, de richesse et de grandeur."
Louis XIV, Mémoires pour l’instruction du Dauphin
Du 7 au 13 mai 1664, les Plaisirs de l’Isle Enchantée
En mai 1664, les premières festivités sont organisées au château. Ce sont "les Plaisirs de l’Isle Enchantée ", huit jours de fête, secrètement offert à Mademoiselle de La Vallière, la maîtresse du roi.
Du 7 au 13 mai 1664, Louis XIV organise une fête sur le thème de la magicienne Alcine tenant prisonniers en son palais Roger et ses preux chevaliers. La fête officiellement organisée en l’honneur d’Anne d’Autriche, sa mère, et de son épouse la reine Marie-Thérèse, est dédiée en réalité à Mademoiselle de La Vallière, sa maîtresse.
Durant trois jours, les courtisans assistent au défilé équestre du roi dans le rôle de Roger, revêtu de somptueux habits, accompagné de cavaliers tout aussi somptueusement vêtus, suivis du char d’Apollon. Ils se dirigent vers le palais d’Alcine dressé sur le Rond-d’eau, futur bassin d’Apollon. Suit une course de bague dans laquelle les cavaliers doivent décocher de leur lance un anneau à une potence. La nuit tombée, le parc s’illumine. Un ballet sur le thème des Saisons est suivi d’un festin servi par des serviteurs costumés et masqués.
Le deuxième jour, Roger-Louis XIV se produit dans la comédie ballet spécialement conçue par Molière et Lully : La Princesse d’Elide. C’est la naissance de l’opéra-ballet.
Le troisième jour voit l’embrasement du palais d’Alcine dans un somptueux feu d’artifice. Une baleine flottante et ses deux baleineaux portent Alcine et ses servantes.
Les festivités se poursuivent avec courses de chevaux, loterie, visite de la ménagerie et représentations théâtrales : Molière donne pour la première fois, le soir du 12 mai, son célèbre Tartuffe qui sera interdit malgré le soutien du roi. La Cour éblouie reprend le lendemain le chemin de Fontainebleau.
Première des grandes fêtes données à Versailles par Louis XIV, elle voit la première collaboration de Molière et de Lully. Six jours de fêtes fabuleuses qui établissent définitivement le mythe de Versailles comme lieu de réjouissance.
Le 18 juillet 1668, le Grand Divertissement royal
Le 18 juillet 1668, le roi Louis XIV donne une fête connue sous le nom de Grand Divertissement royal, pour célébrer la paix d’Aix-la-Chapelle qui marque le rattachement à la France de plusieurs places flamandes (Lille, Douai, Dunkerque…). Pour célébrer cette victoire sur l’Espagne, Louis XIV va dépenser la somme fabuleuse de 117 000 livres, soit le tiers de celle qu’il consacrera à Versailles en 1668 !
Se succèdent à travers les jardins, une collation au bosquet de l’Étoile, une comédie de Molière et Lully, un festin, un bal à l’emplacement du futur bassin de Cérès et un feu d’artifice.
L’attraction principale en est la comédie en musique de Molière et Lully, George Dandin ou le Mari confondu, dont Pierre Beauchamp compose les ballets. Ce genre de spectacle, nouveau en France, nécessite plus de 100 danseurs. Des tapisseries et des chandeliers de cristal ornent la scène. 1200 personnes sont assises sur les gradins, 300 autres sur le parterre.
La fête se termine par un splendide feu d’artifice.
La fête de Versailles de 1674
Ces fêtes furent organisées pour célébrer la reconquête de la Franche-Comté. Les divertissements se succèdent entre le 4 juillet et le 31 août 1674. L’été 1674 voit l’accession de Lully au poste de véritable maître des fêtes de la Cour. À l’issue de ces manifestations, Louis XIV décida de construire la partie neuve du château, ouverte sur les jardins.
Le soir du premier jour, le 4 juillet, après une collation, on put voir L’Alceste, dont Quinault a écrit le texte et Lully la musique, avec les ballets de Benserade. Après quoi, il y eut souper au château, puis bal jusqu’à l’aube.
Lors de la deuxième journée de fête, le 11 juillet, on joue l’Églogue de Versailles, un intermède de Lully et de Quinault, dans un Salon de Verdure, dans le jardin du Trianon. Après quoi, il y a souper dans une île flottante sur le grand canal, à la lumière des torches, reflétée par vingt-trois jets d’eau.
La troisième fête a lieu le 19 juillet : la collation à la Ménagerie est suivie d’une promenade en bateau sur le grand canal. Après quoi l’on donne Le Malade imaginaire de Molière.
Le quatrième soir, le 28 juillet, une collation est organisée au théâtre d’eau dans une mise en scène grandiose : 160 arbres fruitiers, 120 corbeilles de pâtisseries et de confitures, 400 coupes de glace et 1 000 carafes de liqueurs ont été disposés sur les marches entourant le théâtre. Plus loin, dans le parc, on peut assister aux Fêtes d’Amour et de Bacchus, comédie en musique, dans un théâtre dressé à cet effet.
Après une promenade à travers les jardins à la lueur des torches et un feu d’artifice sur le grand canal, un grand festin est proposé aux invités dans la cour de Marbre, dans une mise en scène somptueuse de Vigarani.
Lors de la cinquième fête, le 18 août, le public assiste à la représentation d’Iphigénie de Racine donnée à l’Orangerie. Le spectacle est suivi d’une illumination du grand canal par Le Brun, le peintre du roi. Au milieu de l’eau se dressait un obélisque de lumière surmonté d’un soleil. Un feu d’artifice exceptionnel conclut le spectacle.
La fête se conclut le 31 août : "La dernière nuit – l’une des plus noires et les plus calmes de l’été –, vers une heure, le parc tout entier fut illuminé : la terrasse, les balustrades, les bassins, le canal furent entourés de colliers de perles lumineuses, les fontaines jetèrent de mystérieux éclats, le canal ressembla à un étrange miroir de cristal.
À son extrémité, on vit s’illuminer la façade d’un palais magique. Toute la cour monta sur des gondoles. Neptune arriva, tiré par quatre chevaux marins, se dirigeant sur l’eau vers les convives. Le palais était couronné de personnages. Lorsque la musique approcha, ils se mirent à chanter délicieusement sous le ciel bas et les lourdes vapeurs de la nuit de juillet.
Ainsi se termine la dernière des grandes fêtes de Versailles."
(Richard Alewin, Le grand théâtre du monde)