L’œuvre de Roebling
En 1880, le pont de Roebling à Niagara Falls est chanté avec lyrisme par un Français en voyage aux États-Unis.
"[…] Mais entends-tu la voix qui mugit dans la plaine,
Ô monstre furieux ? Ah ! retiens ton haleine,
Et pénètre moins fier au fond du Canada.
Quel est donc ce rival menaçant qui s’apprête ?
L’écho te dit son nom ; cet écho te répète :
Niagara ! Niagara !
Il est là, ce géant qui remplit les deux mondes
De l’éclat de son nom, du fracas de ses ondes ;
Il se meut dans le sein de l’immobilité.
Il murmure en dormant, il gronde, tonne et tombe
Au fond du gouffre immense ; et, vivant dans sa tombe,
Chante son immortalité.
Il couvre de sa voix tous les cris du tonnerre.
Et que peut à ses pieds une gloire éphémère ? —
Se briser, car son nom pour elle est un écueil.
Ne sois donc pas si fière, ô reine échevelée ;
Tu peux poursuivre en paix ta carrière affolée,
Il narguera ton sot orgueil.
Remplace sur ses flots la nacelle appendue
Où l’Iroquois passait par la corde tendue :
Sur les câbles de fer que Roebling t’a tressés,
Plus belle que Blondel sur sa corde tremblante,
Élance-toi sur eux, tranquille et vacillante,
Puisque Roebling les a rivés. […]"
Six mois au pays des Yankees, esquisses rimées, Léopold-Louis Dupuy-Péyou, 1 880