Histoire de la ville et de ses édifices
Plusieurs civilisations se développent en Mésoamérique à partir de la période dite "classique", qui débute au IIe siècle après J.-C. La ville de Teotihuacan, située sur les hauts plateaux du Mexique central, prospère entre 100 avant J.-C. et 650 après J.-C., et devient la plus puissante cité du Mexique central, notamment durant son apogée de 250 à 550 après J. - C.
Du village à la métropole
Au Ier siècle avant J.-C., Teotihuacan est un village d’assez grande taille, qui connaît une croissance rapide, atteignant jusqu’à 40 000 habitants, car la cité constitue un pôle d’attraction pour les populations voisines. C’est sans doute au cours de cette phase que sont réalisés les grands travaux hydrauliques d’irrigation des terres cultivées, permettant une production agricole suffisante pour une population croissante.
Au Ier siècle après J.-C., Teotihuacan connaît une importante évolution. Le plan caractéristique de la ville, avec ses deux axes, se constitue à ce moment-là, comme la reproduction sur terre du dessin du cosmos. En même temps démarrent la construction de la pyramide du Soleil, construite en un seul chantier, et celle de la Lune, exécutée par étapes. Ces projets ambitieux et cohérents contribuent à créer parmi les diverses populations une culture commune, particulière à Teotihuacan.
La pyramide du Soleil
La pyramide du Soleil est l’édifice le plus imposant de Teotihuacan. Haute de 65 m, elle possède une base de 244 m de côté et représente un volume de 1 million de m3. À titre de comparaison, la pyramide de Khéops en Égypte est haute de 146 m pour une base de 230 m de côté, et un volume de 2, 6 millions de m3.
L’édifice présentait à l’origine quatre degrés, un cinquième ayant été ajouté au début du 20e siècle en raison d’une reconstitution archéologique erronée.
En 1971, on découvre sous l’édifice une grotte souterraine qui explique sans doute sa localisation précise, faisant de la pyramide une sorte de lien entre le monde souterrain et le monde des hommes, tout comme ses degrés en font une connexion entre ce dernier et le monde des dieux.
La pyramide de la Lune
Située à l’extrémité nord de l’allée des morts, la pyramide de la Lune est placée de manière à ce que sa forme rappelle celle de la montagne volcanique Cerro Gordo qui se trouve derrière elle.
Cette pyramide est construite en sept phases, correspondant à sept édifices construits les uns sur les autres, entre 100 et 400 après J.-C. Elle est édifiée sur une plate-forme de 120 m sur 150 m, pour une hauteur de 43 m. C’est le deuxième monument par la taille sur le site de Teotihuacan après la pyramide du Soleil
Le temple du Serpent à Plumes et la citadelle
Le temple du Serpent à Plumes est le monument le plus richement décoré de la ville. Il aurait comporté sept degrés, et ses quatre faces étaient décorées de grandes têtes sculptées de serpents à plumes, au nombre de 360, faisant référence au calendrier solaire (par opposition au calendrier rituel qui comptait 13 mois de 20 jours). Plusieurs dépôts de squelettes humains, mains liées dans le dos, y ont été découverts lors de fouilles. Ces squelettes étaient accompagnés d’objets précieux (coquillages, objets de jade ou d’obsidienne) permettant de penser qu’il s’agissait là de sacrifices humains rituels.
Vers 350, la pyramide de Quetzalcoatl est recouverte par une grande plate-forme, comme pour en supprimer le rôle dans la ville. Changement politique, déclin de Quetzalcoatl en tant que dieu dominant, annonce de la chute de la ville ? Aujourd’hui encore, on ne s’explique pas la raison de cette entreprise de destruction.
L’apogée
De 150 à 250, Teotihuacan devient le plus grand centre économique du pays avec une population estimée entre 80 et 100 000 personnes. La ville fait commerce avec le reste du pays de couteaux en silex ou en obsidienne, ou d’objets en jade. La pyramide de la Lune, édifice encore modeste, connaît des agrandissements successifs. Mais cette époque correspond surtout à la construction de la pyramide du Serpent à Plumes, construite d’un seul jet, et recouverte non plus de mortier mais de blocs de pierre massifs ornés de bas-reliefs représentant le dieu Quetzalcoatl.
Le plan de la cité est alors entièrement arrêté. De 250 à 550, Teotihuacan ne cesse de se développer et devient le plus grand centre d’échange de toute la Mésoamérique.
Sa population est estimée à au moins 100 000 personnes (mais certains chercheurs évoquent jusqu’à 250 000 habitants), et sa superficie atteint 25 km2. De nouveaux groupes ethniques s’installent dans des quartiers bien définis de la ville, tout en conservant en partie leur culture et leurs traditions : c’est le cas notamment des Zapotèques.
Une fin mystérieuse et un héritage durable
Autour de 550, Teotihuacan s’effondre brusquement. Les raisons de cette chute demeurent aujourd’hui encore mystérieuses. Les temples sont incendiés, les pyramides fermées par des murs et la ville négligée est laissée sans entretien avant d’être désertée. Les hypothèses pour expliquer ce phénomène sont légion : on pense à une invasion étrangère, une épidémie, un appauvrissement des sols, un changement climatique ou une révolte des populations les plus pauvres. Mais aucune ne se dégage véritablement. Cependant, la ville abandonnée conserve son prestige, d’autant que ses imposantes pyramides impressionnent les nouveaux occupants des hauts plateaux.
Les Aztèques la découvrent abandonnée au 13e siècle, et nomment la ville "le lieu où naissent les dieux". Se réclamant de sa grandeur passée, ils s’en inspirent pour copier des œuvres d’art et même rebâtir des temples suivant la technique du "talud-tablero". Leur capitale, Tenochtitlan, est conçue et construite selon le plan en quadrillage de Teotihuacan, et sera la seule cité de Mésoamérique à concurrencer la grandeur passée de la "Cité des Dieux".