L'Utopie
Le terme d’Utopie naît avec l’ouvrage de Thomas More publié en 1516 : Utopie, traité sur la meilleure forme de république et sur une île nouvelle.
En publiant ce petit livre, Thomas More, haut dignitaire de la cour d’Angleterre, fonde un genre nouveau, au croisement de la littérature, de la politique et de la philosophie.
L’ouvrage se présente comme un dialogue, dont le personnage principal est un voyageur fictif, un compagnon d’Amerigo Vespucci qui aurait poursuivi l’exploration des îles du Nouveau Monde. Au livre premier, il développe une critique sévère de l’Angleterre de l’époque. Au livre II, il décrit les institutions, le mode de vie et l’histoire des habitants heureux de l’île d’Utopie.
La nouveauté de l’ouvrage tient à ce que cette société idéale est, ici-bas, l’œuvre des hommes eux-mêmes : l’environnement naturel n’est pas idéalisé, comme dans les légendes de l’âge d’or ou des pays de cocagne ; les Utopiens sont des hommes comme les autres, marqués par la chute et le péché ; ils n’ont bénéficié d’aucune grâce divine particulière. S’ils sont parvenus à chasser les maux et les vices, c’est simplement en construisant une autre organisation sociale.
Au 18e, l’ouvrage de Thomas More n’est pas récent, mais il entre en résonance avec l’esprit de cette époque en effervescence.
Car c’est au 18e siècle que le terme "utopie" entre dans le dictionnaire des noms communs. Des dizaines d'œuvres traitent des sociétés idéales : voyages imaginaires, pièces de théâtre, fables, romans par lettres… Même des textes aux ambitions plus larges évoquent cette thématique, par exemple l'idylle de Clarens dans La Nouvelle Héloïse, ou l'évocation de l'Eldorado dans Candide.
Une œuvre émerge à la fin du siècle, L'An 2440, de Louis-Sébastien Mercier, considéré comme le premier des romans d’anticipation, car l'auteur y inaugure l'uchronie : le monde rêvé ne se trouve plus dans un autre espace, mais dans un autre temps. Le narrateur de ce texte s’endort en effet en 1770, mais se réveille dans le Paris de l'an 2440.
Le voyage se fait désormais aussi dans le temps, mais l’utopie conserve le même objectif : mettre en scène des situations imaginaires inspirées de l’esprit des Lumières, et, surtout, se demander si elles pourraient se concrétiser dans la réalité.