Le phénomène des villas
La villa, demeure construite à la campagne et comportant des espaces cultivés, n’est pas une invention de la Renaissance. À Rome pendant l’Antiquité, les Romains aisés possèdent loin de la ville une maison parfois modeste, mais qui leur permet de vivre au contact de la nature. La villa romaine possède généralement une vigne et quelques arbres fruitiers, ou davantage suivant la richesse du propriétaire.
Le modèle vénitien
Alors que le Moyen Âge conçoit la nature comme imparfaite, synonyme de chaos, la Renaissance la redécouvre et la valorise. Ce goût nouveau pour la nature est renforcé par l’architecture particulière développée à Venise, puissance maritime proche, d’où viennent la plupart des propriétaires de villas de la campagne de Vénétie. À Venise en effet, on construit pour créer un lien entre l’intérieur et l’extérieur. Les bâtisseurs privilégient une architecture qui ouvre sur les canaux ou sur la lagune par de hautes et multiples fenêtres, des arcades ou des loggias. Reconstruit à l’initiative du doge Sebastiano Ziani au 12e siècle, le Palais des Doges (ou palais ducal), est particulièrement emblématique de ce style. La répartition des masses du bâtiment s’y trouve comme inversée : les volumes presque pleins de la partie supérieure du bâtiment s’appuient sur deux niveaux inférieurs aériens, soutenus par deux rangées de colonnes supportant des arcs brisés de style gothique. Le bâtiment ouvre ainsi de plain-pied sur la lagune et la place Saint-Marc. Mais au-delà de l’emblématique Palais des Doges, tous les palais vénitiens arborent de hautes fenêtres, des balcons, arcades et loggias permettant la communication entre les espaces intérieurs et extérieurs. Sur le toit de la plupart des habitations, de légères terrasses en bois (altana) offrent la possibilité d’être à la fois en pleine ville et en plein ciel. Plus tard, les Vénitiens désireux de s’échapper de la ville construisent les premières villas sur les îles proches de la Giudecca et de Murano. On y découvre encore aujourd’hui des potagers et des jardins clos empruntés à la culture orientale si présente à Venise. De nombreux traités savants s’intéressent alors à la question de l’hydraulique : comment faire venir l’eau douce pour faire pousser légumes et arbres sur ces terres conquises sur l’eau saumâtre de la lagune ?
Une extension progressive
Mais peu à peu, la ville s’étend. Murano devient un important centre de production de verre, et l’est encore aujourd’hui. Il faut s’éloigner pour retrouver la campagne. Ce phénomène s’accentue au 16e siècle, à un moment où Venise, la cité de la lagune, projette d’étendre son influence sur la terre ferme. Alors que la concurrence des Turcs menace le commerce maritime, les riches propriétaires vénitiens se tournent vers l’agriculture et l’élevage et font l’acquisition de vastes domaines où ils séjournent une partie de l’année. Beaucoup se trouvent le long du canal de la Brenta, entre Venise et Padoue. D’autres se situent autour de la ville de Trévise, qui devient "le jardin de Venise". Ces évolutions sont facilitées par de grands travaux d’assainissement qui mettent à disposition de nouvelles terres propices aux cultures.
"Voir et être vu"
Les villas du 15e siècle s’approprient le modèle vénitien d’architecture ouverte. Les baies sont larges, les portiques et galeries permettent de circuler à l’abri des intempéries et du soleil, et créent un espace de transition entre intérieur et extérieur, qui communiquent ainsi largement.
La Rotonda est particulièrement fidèle à ce programme, et répond en tout point au projet de Palladio : "voir et être vu". Construite en haut d’une colline, elle s’impose de loin aux regards, et ses habitants, à travers les quatre entrées, peuvent profiter du panorama sous tous les angles.