Antoni Gaudí dans la presse de l’époque
Mort d’un grand architecte catalan
"On nous écrit de Barcelone :
Peu de jours après la disparition du savant Turro, la Catalogue perd, avec la mort de l’architecte Gaudí, l’un de ses hommes les plus illustres.
Né à Reus en 1852, Antoni Gaudí meurt, à Barcelone, dans sa soixante-quatorzième année,
dans des circonstances singulièrement tragiques. Il y a quelques jours seulement, et comme il traversait la chaussée d’une des grandes avenues de Barcelone, il fut heurté par un tramway qui le blessa mortellement. Antoni Gaudí qui passait ses journées parmi les ouvriers qui travaillent à la construction de la basilique de la Sainte-Famille, dont il était le créateur, était habillé comme eux ; aussi, lorsqu’on le recueillit, meurtri, sur la chaussée, on ne le reconnut point et on le transporta à l’hôpital. Et c’est dans une très modeste salle d’hôpital qu’il s’est éteint, trois jours après, au grand émoi de ses concitoyens qui voyaient en lui l’un des représentants les plus éminents de leur génie national.
Antoni Gaudí était chargé, depuis 1883, de la construction du temple de la Sainte-Famille, qui est loin d’être terminé. Toutefois, Antoni Gaudí en a bâti une grande partie et les quatre immenses tours que tous les étrangers qui passent par Barcelone vont visiter. Ce temple est non seulement une œuvre grandiose, mais encore une œuvre d’une grande originalité et dont la maquette avait été exposée à Paris, en 1900. À ce moment, et lorsque l’architecture moderne semblait ne plus pouvoir sortir des modèles estimés classiques, l’œuvre de Gaudí bouleversait déjà toutes les conceptions architectoniques en vigueur. Il a été, par là, un précurseur. On lui doit, outre cette œuvre grandiose et admirable, d’autres constructions où son génie s’est affirmé, telles que le parc Güell, récemment acquis par la municipalité de Barcelone, les palais ‘Capricho’ de Comillas, la ‘Casa Botines’ de Léon, le palais épiscopal d’Astorga, le couvent de Sainte-Thérèse et le palais Güell de Barcelone. II est le restaurateur de la cathédrale de Majorque et de plusieurs monuments historiques catalans.
L’enterrement de l’illustre architecte a donné lieu à une grandiose manifestation populaire. Le corps a été enseveli dans la crypte du temple auquel il a travaillé toute sa vie."
Journal des débats politiques et littéraires, Paris, 21 juin 1926