L’atmosphère du chantier
"Je me souviens avec émotion de ces années. Nous étions logés à la même enseigne, dans des baraquements en bois, sans confort. Mais il y avait une convivialité chaleureuse entre nous, le monde nous semblait fraternel."
"Je ne sais pas pourquoi un architecte comme moi doit obligatoirement faire des logements sociaux sous prétexte qu’il entend changer la société ! Quel rapport ? Quand nous avons construit Brasilia, les milliers d’ouvriers venus de toutes les régions du pays, les fameux candangos, ont mis un enthousiasme extraordinaire à bâtir les palais et les monuments de la nouvelle capitale.
Je me souviens avec émotion de ces années. Nous étions logés à la même enseigne, dans des baraquements en bois, sans confort. Mais il y avait une convivialité chaleureuse entre nous, le monde nous semblait fraternel. C’était le temps des illusions. Le jour de l’inauguration de Brasilia, en avril 1960, avec le président de la République, les généraux en grand uniforme, les députés tirés à quatre épingles, les corps constitués de l’État, ces dames de la haute société parées de leurs plus beaux bijoux, tout a changé. L’enchantement a pris fin d’un coup. Les candangos sont retournés dans leur région misérable ; ceux qui sont restés n’ont pas eu d’autre choix que de s’entasser dans des bidonvilles, à l’extérieur de la cité, alors qu’ils l’avaient construite. Brasilia n’est pas la ville du futur, car notre société est encore celle du passé."
Niemeyer par lui-même, l’architecte de Brasilia parle à Edouard Bailby, Oscar Niemeyer, Jacob Duvernet Ed., 1993