La restauration par Viollet-le-Duc
La politique culturelle de la France connaît un changement important sous la Monarchie de Juillet (1830-1848). Le pouvoir décide de remettre en valeur certains monuments qui rappellent la grandeur de l’Ancien Régime, comme le Louvre, le château de Versailles ou la basilique de Saint-Denis. Le 21 octobre 1830, un poste d’inspecteur général des monuments historiques est créé, à l’instigation du ministre de l’Intérieur François Guizot. La mission de ce nouvel inspecteur est de classer les édifices et d’évaluer les travaux de rénovation nécessaires pour leur conservation. En 1843, les travaux de restauration de la cathédrale de Notre-Dame de Paris commencent sous la supervision de deux architectes, Eugène Viollet-le-Duc et Jean-Baptiste-Antoine Lassus.
Rendre à l’édifice sa cohérence historique
Viollet-le-Duc est particulièrement attaché à l’architecture gothique, dans laquelle il voit un modèle de virtuosité mais aussi d’économie dans l’emploi des matériaux : en effet, les arcs-boutants et les voûtes sur croisée d’ogive permettent de construire des édifices imposants, avec de larges ouvertures, sans murs épais ni consommation excessive de pierres. De plus, les ouvertures en arcs brisés, standardisées, permettent le réemploi des mêmes cintres en bois. Viollet-le-Duc reprend seul le chantier après la mort de Lassus en 1857. Il y applique certains principes élaborés lors de chantiers de restauration passés, comme celui de Saint-Denis. Il se refuse à utiliser des matériaux modernes, comme le fer, et privilégie ce qu’il pense être une restauration fidèle aux techniques des premiers bâtisseurs de cathédrales.
Comme à son habitude, il n’hésite pas à intervenir largement sur l’édifice pour lui rendre une cohérence stylistique pas toujours avérée d’un point de vue historique, même s’il s’appuie sur l’étude des archives et le résultat de fouilles.
Ainsi Viollet-le-Duc rétablit la flèche de 93 m de haut démontée au 18e siècle car elle menaçait de s’effondrer, et reconstitue la galerie des rois disparue à la révolution. Pour ce faire, il s’appuie sur certaines statues retrouvées lors de fouilles archéologiques sur le site de Notre-Dame, tandis que d’autres sont copiées sur des cathédrales gothiques comparables.
Restaurateur ou créateur ?
Mais l’architecte ne s’arrête pas à la simple restauration des sculptures, il en crée aussi, et dote le haut de la façade de dizaines de chimères de son cru, figures fantastiques inspirées de l’imaginaire du Moyen Âge. De même, il installe les statues d’Adam et Ève sur la façade, au niveau du deuxième étage, alors que les sources historiques montrent qu’elles ne s’y sont jamais trouvées. Au pied de la flèche, il dessine les statues des 12 apôtres. L’une d’elles, une équerre à la main, tourne le dos aux autres et contemple le haut de la flèche : c’est saint Thomas, mais Viollet-le-Duc lui a donné son propre visage !