L’Alhambra et Grenade
Complexe palatial fortifié construit à partir du 9e siècle, l’Alhambra est un lieu unique où cohabitent les plus beaux palais de l’art islamique, mais aussi des constructions plus récentes et d’inspiration Renaissance, comme le palais de Charles Quint (1527-1537). La ville qui abrite cet ensemble témoigne elle aussi d’une longue histoire mouvementée.
L’Alcazaba : le château fort
Partie la plus ancienne de l’Alhambra, l’Alcazaba est une citadelle stratégiquement perchée en haut de la colline afin d’observer tout mouvement aux alentours. En grande partie ruinée aujourd’hui, l’Alcazaba avait tout d’un château fort médiéval avec de grandes tours d’observation, un donjon, mais aussi une médina (une ville) comprenant notamment la résidence royale, des habitations, commerces et hammam (bain). La torre de la Vela (tour du Guet) est la tour vigie de l’Alcazaba.
Les palais nasrides : les lieux du pouvoir
Les palais nasrides sont construits à partir du début du 16e siècle par les rois de Grenade. Ils s’étendent d’est en ouest, selon deux axes opposés, à l’abri des puissantes fortifications. Mais ces murs défensifs cachent une véritable oasis où le visiteur se trouve immergé. Les pièces semi-ouvertes succèdent à des jardins fleuris où l’eau tient aussi toute sa place.
Le généralife : la résidence d’été hors les murs
La résidence d’été des rois nasrides est située en dehors des fortifications de l’Alhambra, sur les côtes de la colline du soleil. Le nom “généralife” vient de l’arabe Jannat al-Arif qui signifie “le paradis (ou le jardin) de l’architecte”. Le généralife se compose de grands jardins et vergers, d’un amphithéâtre de verdure (en plein air) et de deux bâtiments rafraîchis par l’omniprésence de l’eau et l’ombre des feuillages. Contrairement aux palais nasrides qui relèvent de la vie publique et des cérémonies officielles, le Généralife est dédié au plaisir et à la distraction.
Le palais de Charles Quint : l’inspiration italienne
Le palais de Charles Quint est la marque du plus grand souverain du 16e siècle. Après la chute de Grenade, l’empereur Charles Quint (1500-1558) désire une résidence pour pouvoir admirer les palais nasrides, trop étroits pour lui et ses proches. Il commande à l’architecte Pedro Machuca un bâtiment d’un genre nouveau. Son plan est simple : vue de haut, il forme le dessin d’un cercle inscrit dans un carré, largement inspiré du goût de la symétrie et des formes géométriques de la Renaissance italienne. La façade extérieure arbore un bossage rustique très vigoureux qui renvoie à une construction défensive. À l’intérieur, l’espace se déploie dans une immense cour circulaire construite sur deux niveaux. Pedro Machuca fait ici preuve de sa connaissance de l’architecture classique en superposant l’ordre toscan au rez-de-chaussée (colonnes à section ronde légèrement enflées au milieu, bases et chapiteaux très simples) et l’ordre ionique (colonnes plus fines, chapiteaux à volutes). Ce palais constitue l’un des premiers édifices maniéristes d’Espagne, inspirés des recherches de Michel-Ange et de Palladio.
La ville de Grenade
L’Alhambra est située sur la colline de la Sabika qui domine la ville de Grenade. Les trois collines de Grenade sont les premières zones habitées tandis que la ville moderne se développe en contrebas et dans la plaine. Fondée pendant l’antiquité romaine, Granata n’est d’abord qu’un quartier rattaché à une autre ville plus ancienne (Elvira) jusqu’à ce qu’une nombreuse population juive ne soit venue habiter sur ses flancs. Grenade devient alors un centre administratif, économique et culturel important et convoité. Conquise par les Maures en 756, la ville est rattachée au califat de Cordoue. À la chute de celui-ci en 1031, Grenade devient une de ses innombrables taïfas (royaumes), morcelées sur la terre d’Al-Andalus, pour revenir en 1238 aux mains des Nasrides. Grenade est composée de six quartiers à l’histoire et l’identité bien marquées.
L’Albaicín, le berceau de la ville
De l’autre côté de la vallée du Darro, l’Albaicín fait face à l’Alhambra. C’est ici qu’est fondée la ville d’Elvira. Jusqu’à la fin du 16e siècle, la colline de l’Albaicín est couverte de maisons, d’échoppes, d’ateliers. On trouve alors des artisans de toutes sortes (beaucoup de tisserands spécialisés dans la soie), des agriculteurs (laboureurs), des marchands… On dit souvent que ce sont les artisans de l’Albaicín qui ont décoré les palais de l’Alhambra. À la reddition du royaume nasride, les populations musulmanes – appelées morisques – doivent choisir entre l’exil et le baptême. Une période de tolérance a d’abord cours, mais des révoltes à la fin du 16e siècle conduisent l’expulsion presque systématique des morisques non convertis. La population du quartier, désormais essentiellement catholique, transforme les mosquées en églises. Aujourd’hui pourtant, le labyrinthe de ruelles, d’impasses et d’escaliers tient encore de la médina arabe. Petites, les maisons de ce quartier sont collées les unes aux autres. Elles sont organisées à l’andalouse, avec un patio (une cour) donnant sur les pièces les plus fraîches au rez-de-chaussée et des chambres au premier étage.
Les grottes gitanes de Sacromonte
À côté de l’Albaicín, le long du rio Dorro, les grottes du quartier de Sacromonte sont habitées par les Gitans depuis la prise de Grenade par les rois catholiques. Ces habitats troglodytes sont les lieux de naissance du flamenco, cette grande tradition musicale de la culture andalouse. Les légendes et les mythes ne manquent pas à Sacromonte : on raconte que les nobles maures, défaits par les catholiques, auraient caché une grande partie de leurs trésors dans cette zone et qu’à la suite, leurs anciens esclaves auraient creusé la colline pour trouver ces trésors – sans succès… Ces excavations auraient finalement été aménagées pour être transformées en maisons.
Le Realejo, le quartier juif
Aux pieds de l’Alhambra, le Realejo s’appelait à l’origine la Garnata al-Jawud (“Grenade juive”) en raison de sa population juive aux temps des Nasrides. En 1492, les Juifs doivent choisir entre la conversion au christianisme et l’exil. Beaucoup partent alors au Portugal, mais aussi en Italie et au Maghreb.
La place de Bib-Rambla (la “porte du Sable”) est aujourd’hui un point central de la ville de Grenade. Elle ouvre sur les rues de l’Alcaicería qui rappellent la configuration et l’ambiance des bazars et des souks.