Deux ziggourats aujourd'hui
Une rapide visite à ce qui reste de la fameuse tour de Babel (“Babylon”, soit, en hébreu, “la porte de Dieu”) me laisse songeur sur l’irascibilité de Yahvé : fallait-il vraiment qu’Il se méfie des hommes, pour s’inquiéter à ce point de cette pauvre Ziggourat astrologique — qui n’a jamais dépassé cent mètres de haut et qui, aujourd’hui, a aussi piètre allure que le célèbre mur sculpté de Babylone — scandaleusement restauré au béton ! Ou bien n’était-ce qu’une excuse-prétexte ? Si tout le monde avait continué à parler la même langue et, donc, à penser de la même manière, que seraient devenus la liberté de l’Homme et son potentiel créateur… dans ce “Parti unique” universel ? La colère de Dieu à Babel ne fut-elle pas la chance de l’humanité ? C’est, ainsi, en Irak encore que naquit le droit fondamental à la différence !
En gravissant, sous l’écrasant soleil, l’interminable escalier de pierre de la ziggourat d’Ur — du sommet de laquelle on découvre l’immensité du désert environnant (qu’il est interdit de photographier) — nous pensions à nouveau aux aléas de l’Histoire : c’est là que se séparèrent à jamais les deux fils d’Abraham : Israël et Ismaël (père des Arabes) et que commença l’interminable querelle des “frères ennemis” sémites…
Extrait de Nouvelles lettres persanes : journal d'un Français à Téhéran, 1974-1980, Serge Ginger, ed. Anthropos