La pierre

Tailleurs de pierre et maçons
Dans leur grande majorité, les tailleurs de pierre sont des hommes libres et sans attaches, recrutés selon leurs capacités par le maître d’œuvre ou le maître maçon qui dirige le chantier. Ils tendent à former une aristocratie du bâtiment à la fin du Moyen Âge et entrent parfois en conflit avec les maçons qui, selon eux, posent la pierre, d’où leurs noms de coucheurs ou d’asseyeurs, du mot assise qui signifie lit de pierres. Au début du 15e siècle, il n’est pas rare que ceux qui taillent la pierre soient davantage payés que ceux qui la posent, les maçons. Deux formes de rétribution sont attestées pour ce corps de métier : soit une somme forfaitaire pour un travail dit à la tâche ou bien un salaire dit à la journée ou à la semaine. À cela s’ajoutent souvent des avantages détaillés dans les livres de compte, tels que des rations supplémentaires de vin, de nourriture et même de bois de chauffage, surtout si l’ouvrier doit demeurer un certain temps sur le chantier.
© BnF
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Les différents stades de la construction d’une église
Au premier plan à gauche, des tailleurs de pierre à l’ouvrage sur les sièges à pied unique qu’ils utilisent pour être mobiles tout en restant assis.
A droite, un gâcheur mélange eau, chaux et sable dans un bac pour faire du mortier. À sa droite un seau d’eau, dans le bac un tas de sable.
Derrière les tailleurs, un manœuvre amène des briques dans un panier en osier. Ses briques sont utilisées à la construction d’une église, au plan intermédiaire.
Les maçons assemblent des murs dont le cœur est en brique, matériau peu onéreux, et le parement en pierre de taille, plus coûteuse et plus prisée, donc, réservée aux parties apparentes.
Les maçons utilisent une truelle comme outil pour répartir le mortier qu’ils ont à portée de main dans une écuelle ronde.
Un peu plus haut, une autre église en est à un stade de construction plus avancé. La charpente est finie, on est en train d’assembler sur le toit les voliges (lattes de bois sur lesquelles sont fixées les ardoises) et par-dessus la couverture d’ardoise. L’enlumineur semble avoir volontairement laissé apparaître en cette même église trois stades de la construction : la charpente, le voligeage, la couverture d’ardoise, comme s’il avait voulu pratiquer une coupe.
Sur cette église comme sur celle qui est au loin, des échafaudages sont aménagés pour ériger le clocher. Ils sont plus hauts que ce dernier afin de recevoir des engins de levage : on aperçoit une poulie au sommet de ces tours d’échafaudage.
Les églises en arrière-plan sont finies ou en passe de l’être. La progression fait l’intérêt de cette représentation qui déploie en une seule et même image les différents stades d’un chantier. (Chantiers d’abbayes, éditions Gaud, 2002).
Au 13e siècle, les constructeurs rationalisent l’utilisation des matériaux, et notamment celle de la pierre : toute une organisation se met en place afin de réduire le coût global de la filière pierre de taille.
Les carrières de pierre, notamment en Ile-de-France et en Normandie, ne manquent pas. Mais on craint une insuffisance de main-d’œuvre pour extraire et tailler les quantités considérables exigées par l’immense chantier des églises et des cathédrales.
L’architecture romane ne cherchait pas spécialement à économiser ce matériau précieux. En revanche, plusieurs techniques de construction liées au style gothique permettent d’en réduire l’emploi : par exemple l’amincissement des voûtes et l’agrandissement des baies extérieures grâce aux parois vitrées, qui remplacent les masses de maçonnerie percées de rares ouvertures.
La taille à la carrière
Pour éviter de transporter des poids inutiles, se développe la taille à la carrière. Les carrières étant souvent éloignées des chantiers, on y envoie les tailleurs de pierre du chantier, ou l’on passe commande aux tailleurs de pierre qui travaillent à proximité s’ils sont suffisamment qualifiés. Ceci suppose l’emploi de modèles et de gabarits, reproductions grandeur nature, généralement en bois, des faces à tailler dans les blocs, et des sections des éléments linéaires (nervures, colonnes, bandeaux, etc.). Pour éviter de multiplier les modèles, coûteux à établir, on s’efforce de standardiser les pierres.