Femmes et architecture

L’architecture a longtemps été un métier réservé aux hommes. À partir de la fin du 19e siècle, quelques femmes commencent à faire bouger les choses.

La première femme admise à l’École des beaux-arts de Paris dans la section architecture est une Américaine : Julia Morgan, qui obtient son diplôme en 1892. Elle réalise plus de 700 bâtiments lors de sa carrière ; elle est principalement associée au mouvement Arts & Crafts.

D’autres pionnières s’imposent progressivement dans un univers encore exclusivement masculin. Elles passent souvent par le design, comme Eileen Grey, Margarete Schütte-Lihotsky ou Charlotte Perriand. Toutes contestent la structure familiale traditionnelle selon laquelle l’homme a un emploi tandis que la femme reste à la maison pour s’occuper du foyer et des enfants. Leurs projets ont pour ambition de renouveler le rôle de la femme dans la société.

En ce qui concerne Truus Schröder, ses collaborations avec Gerrit Rietveld proposent toujours des espaces ou des objets adaptés à une femme moderne, libre et traitée à égalité avec les hommes.

Eileen Grey (1878-1976)

Eileen Gray est formée aux arts décoratifs puis installée à Paris, elle explore d’abord la laque et le mobilier avant de s’orienter vers l’architecture. Sa réalisation la plus emblématique reste la villa E-1027, construite en 1926 à Roquebrune-Cap-Martin avec l’architecte Jean Badovici.

Pensée comme un tout, la maison associe fonctionnalité, élégance et confort, dans l’esprit du modernisme européen. Elle y conçoit aussi le mobilier intégré, parfaitement adapté aux usages quotidiens. Plus tard, elle poursuit avec d’autres villas, dont Tempe a Pailla et Lou Pérou, toujours guidée par une approche pragmatique et innovante.

Margarete Schütte-Lihotsky (1897-2000)

Margarete Schütte-Lihotzky est considérée comme la première femme architecte d’Autriche et une figure essentielle du logement social. Formée à Vienne dans un contexte de crise du logement, elle s’intéresse très tôt à l’optimisation des espaces domestiques.

La fameuse “cuisine de Francfort”, conçue par Margarete Schütte-Lihotsky en 1929 pour un projet d’habitat social a pour but, un peu comme la maison Schröder, de libérer la femme des corvées ménagères. De petites dimensions, cette cuisine est peut-être la première cuisine aménagée avec une multitude de solutions pratiques pour gagner du temps et consacrer celui-ci à d’autres activités, sans doute plus valorisantes.

La “cuisine de Francfort”, conçue par Margarete Schütte-Lihotsky en 1920
La “cuisine de Francfort”, conçue par Margarete Schütte-Lihotsky en 1920 | By 8linden Frankfurter Küche, Christos Vittoratos [CC BY-SA 3. 0 (https : //creativecommons. org/licenses/by-sa/3. 0) or GFDL (http : //www. gnu. org/copyleft/fdl. html)], from Wikimedia Commons

Exilée successivement à Moscou puis Istanbul, elle s’engage aussi dans la résistance contre le nazisme, ce qui lui vaut d’être emprisonnée jusqu’en 1945. Longtemps marginalisée dans son pays en raison de ses convictions politiques, elle poursuit néanmoins son combat pour une architecture centrée sur la vie quotidienne, à travers crèches, logements collectifs et conférences internationales.

Charlotte Perriand (1903-1999)

Charlotte Perriand est formée à l’Union centrale des arts décoratifs. Elle se fait remarquer dès la fin des années 1920 par ses collaborations avec Le Corbusier et Pierre Jeanneret dont la villa Savoye ou la Cité de refuge de l’Armée du Salut.

Membre fondatrice de l’Union des Artistes Modernes (UAM), elle explore la photographie et les "objets trouvés" en lien avec Fernand Léger, tout en développant une réflexion sur l’habitat moderne, les loisirs et l’architecture préfabriquée. Son séjour au Japon pendant la Seconde Guerre mondiale marque profondément son esthétique et nourrit ses projets de mobilier et d’aménagement intérieur. Elle réalise des projets phares comme créer du mobilier pour Air France !