Histoire de la ville de Venise

Carte de la lagune de Venise
Carte de la lagune de Venise |

© BnF

L’identité si particulière de Venise tient à sa situation géographique : installée dans des marais insalubres au fond du golfe adriatique, la ville est aussi à la croisée de la plupart des routes commerciales importantes. Gagnant peu à peu son terrain sur la lagune, Venise devient le plus grand port du Moyen Âge. Au 15e siècle, elle compte 100 000 habitants.

Une situation géographique unique

La ville de Venise occupe une position géographique très particulière. Elle est construite sur un archipel d’une centaine de petites îles, à 4 km de la côte. Séparée de la mer par un cordon littoral, elle baigne dans les eaux saumâtres de la lagune, moins salées que celles de la mer. Cet emplacement en forme de cul-de-sac subit les grandes variations du niveau de l’eau dues aux marées. D’où les phénomènes d’acqua alta ("hautes eaux") qui provoquent l’inondation régulière de la ville au moment des grandes marées.
Les îles de la lagune ont sans doute été habitées dès l’époque romaine par des populations de pêcheurs et de producteurs de sel, avant d’être abandonnées aux 5e et 6e siècles suite à des inondations massives.
Mais dès la fin du 6e siècle, les îles et les cordons littoraux de lagune deviennent un refuge contre les invasions des populations venues du Nord : Huns, Ostrogoths puis Lombards. Plusieurs pôles habités se constituent, notamment autour de l’île de Torcello et à Rialto, au centre de la lagune. Cette installation, peut-être vécue comme provisoire, sera finalement permanente.
Mais le terrain marécageux et sujet à inondations est peu propice à une installation en masse. Pour étendre la ville, il faut gagner du terrain sur la lagune. Dès les 6e et 7e siècles, des travaux d’aménagements sont entrepris pour drainer les terres, remblayer avec des résidus variés, consolider les rives, renforcer les soubassements…

Un carrefour commercial incontournable

Vue de Venise
Vue de Venise |

© BnF

La ville devient peu à peu un intermédiaire commercial de poids entre le Saint-Empire romain germanique au nord, l’empire byzantin et Alexandrie. Elle commerce aussi avec des régions plus proches comme la vallée du Pô et les Pouilles. Initialement sous l’autorité de Byzance, elle en devient progressivement une alliée puissante, et mène des expéditions navales pour le compte des Byzantins. Ces victoires militaires sont l’occasion d’obtenir de nouveaux privilèges commerciaux. En 828, un événement symbolique fort vient encore renforcer la puissance naissante de Venise : les reliques de Saint-Marc sont volées à Alexandrie et ramenées à Venise, qu’il avait contribuée à évangéliser. Au même titre que Rome, la ville dispose désormais d’un saint patron latin, et fait construire une basilique en son honneur. À partir du 10e siècle, Venise s’impose comme puissance maritime. Un grand marché international s’installe au Rialto, sur les rives du Grand Canal.

Doge de Venise en grand costume ducal
Doge de Venise en grand costume ducal |

© BnF

Le bucentaure du doge de Venise
Le bucentaure du doge de Venise | © BnF

12e-15e siècle : une république triomphante

Ducat de la République de Venise
Ducat de la République de Venise |

© BnF

Politiquement, Venise est dès l’origine une république, gouvernée par un doge, magistrat nommé à vie. Le premier doge est choisi en 697. Le dernier, Ludovico Manin, abdiquera en 1797 sous la pression de Bonaparte. Au fil des siècles, les modalités d’élection du doge seront plusieurs fois modifiées, notamment pour interdire qu’il ne conquière un pouvoir excessif. Le doge est assisté de différents conseils détenteurs des pouvoirs politique, exécutif ou judiciaire : le pouvoir – oligarchique – est alors entre les mains des familles les plus riches et les plus influentes.
En 1204, Venise participe à la 4e croisade et à la prise de Constantinople. Cette implication est récompensée par l’obtention de nouveaux territoires : la plupart des îles grecques et le Péloponnèse. Le ducat, pièce d’or frappée à Venise à partir de 1284 et en usage dans tout le monde méditerranéen est le symbole tangible de cette puissance, qui ne se dément pas jusqu’à la fin du 15e siècle, malgré les conflits avec Gênes, sa grande rivale maritime.

15e-16e siècles : la capitale de l’imprimerie

L’entrée de Mehmet II dans Constantinople
L’entrée de Mehmet II dans Constantinople |

© Toulouse, Musée des Augustins

En 1453, les Turcs ottomans prennent Byzance, qui devient Constantinople. C’est la fin de l’empire romain d’Orient. Pour la République de Venise, c’est aussi la remise en cause de sa suprématie commerciale sur la Méditerranée. En 1498, le voyage de Vasco de Gama, qui parvient aux Indes en contournant le cap de Bonne-Espérance, met à mal le monopole de la république sur l’importation des produits orientaux. Le 16e siècle voit ainsi Venise perdre une partie de son pouvoir économique, tout en réorientant son activité et en développant une vie artistique et culturelle intense. À partir de la fin du 15e siècle, toute l’Europe occidentale est touchée par l’imprimerie. Près de 150 villes européennes produisent avant 1501 des premiers livres imprimés que l’on appelle les incunables. Venise devient la capitale européenne de cette industrie naissante grâce à des imprimeurs qui participent activement au mouvement humaniste en rééditant des textes de l’Antiquité. Au milieu du 16e siècle, 100 à 150 presses y sont actives en même temps, chacune faisant vivre en moyenne une dizaine d’hommes et leurs familles. Installé à Venise à partir de 1490, Alde Manuce est le plus célèbre des imprimeurs humanistes européens. Entouré de lettrés, il est notamment le premier à faire usage des caractères italiques, imitant l’écriture cursive des manuscrits humanistes. On doit à Alde Manuce et ses fils, qui poursuivent son œuvre, d’avoir répandu la littérature grecque en l’imprimant sous la forme de volumes si petits et vendus à un prix si compétitif, qu’on a pu prétendre qu’ils avaient inventé le livre de poche.

Un livre imprimé à Venise en 1501 par Alde Manuce
Un livre imprimé à Venise en 1501 par Alde Manuce |

© BnF

Un atelier d’imprimeur à la Renaissance
Un atelier d’imprimeur à la Renaissance |

© BnF

Incendie du palais des Doges de Venise en 1577
Incendie du palais des Doges de Venise en 1577 | © BnF
Le pont du Rialto
Le pont du Rialto |

© BnF

Les métamorphoses de la ville

La Villa Rotonda
La Villa Rotonda |

© Bibliothèque nationale de France

Tandis qu’on restaure le palais des Doges après l’incendie de 1577, à partir de 1590, on reconstruit en pierre le célèbre pont du Rialto, d’abord en bois, et qui sera pendant longtemps le seul pont sur le Grand Canal. C’est cet ouvrage de style baroque, hébergeant des boutiques dans sa partie centrale, que nous connaissons toujours aujourd’hui.
Les gigantesques travaux de l’Arsenal se poursuivent aussi. 2 000 ouvriers et ouvrières y travaillent
Pourtant, concurrencés sur mer par les Turcs, les riches propriétaires se tournent alors davantage vers la terre ferme, à laquelle ils tournaient le dos depuis toujours. Ils s’intéressent désormais à l’agriculture et l’élevage et font l’acquisition de vastes domaines où ils séjournent une partie de l’année. Beaucoup se trouvent le long du canal de la Brenta, entre Venise et Padoue. D’autres se situent autour de la ville de Trévise, qui devient "le jardin de Venise". Ces évolutions sont facilitées par de grands travaux d’assainissement qui mettent à disposition de nouvelles terres propices aux cultures. C’est l’âge d’or des villas construites par l’architecte Andrea Palladio. Au même moment, Venise connaît un âge d’or pictural avec des peintres majeurs comme Titien (1588/90-1576), Tintoret (1518-1594) et Veronese (1528-1588), tandis que des musiciens baroques comme Claudio Monteverdi (1567-1643) ou Antonio Vivaldi (1678-1741) font connaître leur œuvre dans toute l’Europe. De puissance économique, Venise est devenue pour longtemps, au moins jusqu’à la fin du 18e siècle, une capitale culturelle influente.

Portrait d’Ottavio Strada, du Tintoret
Portrait d’Ottavio Strada, du Tintoret |

© Rijk Museum

Réception de Napoléon 1er, empereur des Français et roi d’Italie, à son arrivée à Venise le 29 novembre 1807
Réception de Napoléon 1er, empereur des Français et roi d’Italie, à son arrivée à Venise le 29 novembre 1807 |

© BnF