La Bibliothèque (1785) : inspiration pour la salle Labrouste ?

Projet pour la Bibliothèque royale de la rue Richelieu
Étienne-Louis Boullée imagine un projet pour la Bibliothèque royale de la rue Richelieu. Fidèle à son style visionnaire, il conçoit un espace monumental où la lumière sublime l’architecture.
Bibliothèque nationale de France
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La Bibliothèque royale devenue trop petite
Depuis 1724, la Bibliothèque royale était établie dans l’hôtel de Nevers qui occupait l’aile occidentale du palais Mazarin. Le lieu, conçu pour l’habitation, se prêtait mal au besoin d’une grande bibliothèque devenue publique depuis l’ordonnance de 1692 : manquait une grande salle de lecture.
Divers projets étaient à l’étude, qui consistaient à transférer la bibliothèque au Louvre. C’était le vieux rêve de Colbert, de centraliser dans un même lieu les branches variées de l’Académie, les collections d’histoire naturelle et les collections royales de peinture et de sculpture.
Bien que séduisante, cette option était irréalisable pour des raisons qui ont été bien indiquées par Boullée : "Le service de la bibliothèque serait lent à cause de la grande étendue à parcourir, la surveillance serait inquiétante à cause de l’impossibilité d’apercevoir le public dans les galeries qui ont divers sens."
La solution audacieuse proposée par Boullée
Consulté en 1785 par Lenoir, bibliothécaire du Roi, Boullée propose une solution ingénieuse et simple : "C’est tout uniment de couvrir la cour de l’ancien palais Mazarin qui est immense, d’en disposer la décoration intérieure de manière qu’elle présente un superbe amphithéâtre de livres et de réserver les bâtiments actuels comme dépôts des manuscrits, des estampes, des médailles, de la géographie et autre. Ce qui rend ce projet plus recommandable, c’est que l’artiste effectue avec un million et demi au plus ce qui, sur un autre emplacement, coûterait quinze à dix-huit millions."

Restauration de la Bibliothèque nationale
En 1785, Étienne-Louis Boullée imagine une Bibliothèque aux dimensions impressionnantes. Son projet met en avant la lumière et les grands espaces pour créer un lieu dédié au savoir.
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La cour, une fois recouverte d’un berceau en plein cintre, devient une salle de lecture longue d’une centaine de mètres et large d’une trentaine, qui aurait été la plus vaste d’Europe.
L’éclairage zénithal et la suppression des ouvertures latérales permettent un gain notable en surface de rayonnage et la mise à disposition d’un volume colossal de livres – plus de 300 000 volumes – présentés en libre accès dans les contremarches des gradins et derrière les colonnades supérieures : "Que dans ce vaste amphithéâtre, l’on se figure des personnes placées sur divers rangs et distribuées de manière à se passer de main en main les livres ; on conviendra que le service sera aussi prompt que la parole, sans que l’on ait d’ailleurs la crainte des dangers qui peuvent résulter des échelles."
À la différence d’autres grandes commandes publiques comme l’Opéra et la Madeleine, le projet d’agrandissement de la Bibliothèque royale fut presque sur le point d’aboutir. En témoignent le nombre important de dessins exécutés par l’architecte et une maquette exposée rue de Richelieu jusqu’en 1791.
Retardé, puis oublié lors de l’épisode révolutionnaire, il réapparut finalement sous une forme nouvelle au siècle suivant quand Labrouste créa sa grande salle de lecture sur une partie de l’ancienne cour du palais Mazarin.

La salle Labrouste de la Bibliothèque nationale
© Bibliothèque nationale de France
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Dédier la Bibliothèque aux Grands Hommes

La Bibliothèque royale
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"S’il est un sujet, écrit Boullée dans son Essai, qui doive plaire à un architecte, et en même temps échauffer son génie, c’est le projet d’une Bibliothèque publique. À l’occasion de développer les talents se joint le précieux avantage de les consacrer aux hommes qui ont illustré leur siècle."
Au départ, comme le montre la coupe longitudinale de la première variante, Boullée avait imaginé une grande salle de lecture, ornée de statues de savants montées sur des piédestaux. Il modifia ensuite son projet et l’adapta à un thème pictural célèbre : "Profondément frappé de la sublime conception de L’école d’Athènes par Raphaël, j’ai cherché à la réaliser."
Sur le dessin de la perspective intérieure de la seconde variante, l’architecte a représenté les savants qui animent la célèbre composition de Raphaël. Drapés à l’antique, les grands hommes sont placés sous une voûte qui semble représenter l’Univers. Il peut sembler paradoxal que Boullée ait substitué à un public de lecteurs un cercle choisi de savants et de philosophes, comme s’il s’était finalement conformé au vieux projet de Colbert d’unification de la bibliothèque et de l’Académie, mais il a cherché surtout à donner une représentation idéale du savoir. À cet égard, la perspective intérieure du projet de bibliothèque est frappante par sa valeur narrative, c’est une grande scène inspirée par Platon que pénètre le souffle antique du mystère.

L'architecture civile : la Bibliothèque
Depuis 1724, la Bibliothèque royale était établie dans l’hôtel de Nevers qui occupait l’aile occidentale du palais Mazarin. Le lieu, conçu pour l’habitation, se prêtait mal aux besoins d’une grande bibliothèque car il y manquait une grande salle de lecture. Consulté en 1785, Boullée propose une solution ingénieuse et simple : "C’est tout uniment de couvrir la cour de l’ancien palais Mazarin qui est immense, d’en disposer la décoration intérieure de manière qu’elle présente un superbe amphithéâtre de livres et de réserver les bâtiments actuels comme dépôts des manuscrits, des estampes, des médailles, de la géographie et autre."
À la différence d’autres grandes commandes publiques, le projet d’agrandissement de la Bibliothèque royale fut presque sur le point d’aboutir. Retardé, puis oublié lors de l’épisode révolutionnaire, il réapparut finalement sous une forme nouvelle au siècle suivant quand Labrouste créa sa grande salle de lecture sur une partie de l’ancienne cour du palais Mazarin.
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Un tableau

L'architecture civile : l'entrée de la Bibliothèque nationale
Boullée imagine une entrée monumentale pour la Bibliothèque royale, rue Colbert. Cette élévation grandiose, marquée par l’influence antique, met en scène des figures d’Atlas soutenant l’édifice, symbolisant le poids du savoir.
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L’École d’Athènes de Raphaël
L’École d’Athènes est une fresque de Raphaël qui se trouve dans la salle des signatures (les Stanze) du musée du Vatican. Elle symbolise la Connaissance : les pères de la philosophie occidentale sont rassemblés dans cette composition de plus 5 m de large pour presque 8 m de haut.
Platon et Aristote, au centre, sont entourés de Socrate, Héraclite, Diogène, mais aussi de philosophes mathématiciens comme Euclide ou Pythagore, de l’astrologue Zoroastre ou encore de Ptolémée. Le philosophe arabe Averroès, avec son ruban blanc, représente la philosophie et la science orientales.
Platon montre le ciel, et tient Le Timée, l’un de ses derniers dialogues philosophiques, tandis qu’Aristote, L’Éthique dans sa main gauche, montre le sol. Raphaël évoque ainsi deux concepts philosophiques opposés depuis l’Antiquité : la transcendance (dont les principes sont extérieurs) et l’immanence (qui trouve ses principes et ses causes en l’homme lui-même).
Cette fresque s’inscrit dans un projet plus vaste de quatre fresques représentant l’évolution de la pensée en Occident, de la philosophie antique et païenne à la victoire du christianisme et de la théologie à la Renaissance.
Sur la perspective de Boullée, les personnages ne sont pas distribués aux mêmes places que dans L’école d’Athènes, à l’exception de quelques personnages dont trois sont représentés dans les mêmes postures et qui apparaissent au premier plan à droite dans les deux compositions.
Les individus n’ont pas pu être identifiés avec précision dans le tableau de Raphaël. Il s’agit de deux astronomes-géographes, probablement Ptolémée et Zoroastre, un géomètre, Euclide ou Archimède et de manière plus certaine l’architecte Donato Bramante.
Bien visible au premier plan de la perspective de Boullée, le groupe est éclairé par un rayon de soleil qui semble donner la clé du tableau : l’astronomie, la géographie, la géométrie et l’architecture posent les premières fondations conceptuelles, les premiers "principes" à partir desquels d’autres formes de savoir peuvent émerger, c’est-à-dire les arts libéraux et les sciences appliquées qui sont représentés au deuxième plan, vers le centre de la salle.
La signification un peu secrète de cette scène, d’inspiration vraisemblablement maçonnique, peut être mise en rapport avec l’élévation datée de 1788 qui montre un des projets de façade de la bibliothèque. Au centre d’un immense mur aveugle surmonté seulement d’une frise a été ménagé un portail monumental constitué de deux Atlantes qui supportent un gigantesque globe céleste. Le dessin du portail de la bibliothèque suggère la connaissance des mystères : le visiteur est certes censé pénétrer dans un univers de connaissance, mais cet univers est représenté par une pénombre et associé à un "passage" un peu périlleux entre deux colosses-gardiens et une sphère géante.