Le Roman de la momie

— par Théophile Gautier

Il lui semblait être dans un temple d’une grandeur immense ; d’énormes colonnes d’une hauteur prodigieuse soutenaient un plafond bleu constellé d’étoiles comme le ciel d’innombrables lignes d’hiéroglyphes montaient et descendaient le long des murailles, entre les panneaux de fresques symboliques bariolés de couleurs lumineuses. Tous les dieux de l’Égypte s’étaient donné rendez-vous dans ce sanctuaire universel, non pas en effigies d’airain, de basalte ou de porphyre, mais sous les formes vivantes.
Au premier rang étaient assis les dieux super célestes, Knefe, Bouto, Phta, Pan-Mendès, Hâthor, Phré, Isis ; ensuite venaient douze dieux célestes, six dieux mâles : Rempha, Pi-Zéous, Ertosi, Pi-Hermès, Imuthès ; et six dieux femelles : la Lune, l’Éther, le Feu, l’Air, l’Eau, la Terre. Derrière eux fourmillaient, foule indistincte et vague, les trois cent soixante-cinq Décans ou démons familiers de chaque jour.
Ensuite apparaissaient les divinités terrestres ; le second Osiris, Haroéri, Typhon, la deuxième Isis, Nephtys, Anubis à la tête de chien, Thoth, Busiris, Bubastis, le grand Sérapis. Au-delà, dans l’ombre, s’ébauchaient les idoles à formes animales : bœufs, crocodiles, ibis, hippopotames. Au milieu du temple, dans son cartonnage ouvert, gisait le grand prêtre Pétamounoph, qui, la face démaillotée, regardait d’un air ironique cette assemblée étrange et monstrueuse. Il était mort, mais il vivait et parlait, comme cela arrive souvent en rêve, et il disait à sa fille : “Interroge-les, et demande-leur s’ils sont des dieux.”