Le dôme, un chantier mouvementé

Le dôme de Florence
Le dôme de Florence |

© Bibliothèque nationale de France

L’Italie de la fin du 13e siècle est constituée de cités-États rivales, dominées par la noblesse, mais aussi par une bourgeoisie enrichie par le commerce. Dans ce contexte où l’on redécouvre l’Antiquité, et où la pensée humaniste affirme une foi nouvelle dans les capacités de l’homme, construire plus grand et plus haut devient un enjeu de pouvoir et de prestige. Face à Sienne et Pise, toutes proches, qui ont déjà leur cathédrale à dôme, Florence veut édifier la plus impressionnante des cathédrales.

Deux visions opposées

En 1293, une première commission organisée par la municipalité de Florence étudie le projet. Deux visions s’affrontent d’emblée pour la conception de ce monument :

  • Le modèle gothique avec des murs assez minces, soutenus par des contreforts et des arcs-boutants nombreux. Comme dans les cathédrales du nord de l’Europe, les arcs brisés dessinent des voûtes de grande hauteur. Mais ce style qui est aussi celui de Milan, grande rivale de Florence, n’emporte pas l’adhésion car il n’affirme pas la spécificité florentine.
  • Le modèle antique, inspiré du Panthéon de Rome. Les proportions de la coupole sont d’ailleurs très proches de ce dernier : 42, 2 m de diamètre, contre 43, 4 pour le Panthéon. Mais si ce dernier s’impose comme source d’inspiration, personne ne pense alors retrouver et comprendre la technique utilisée par les Romains, notamment celle du mortier à la pouzzolane (roche volcanique). Pour compenser l’absence d’arcs-boutants, on imagine alors des cerclages de bois et de pierre (le métal reste peu utilisé) ceinturant le dôme pour en éviter l’écrasement.
Panthéon de Rome
Panthéon de Rome | © Vinca Hyolle
L’art gothique
L’art gothique |

© Bibliothèque nationale de France

Début de chantier

Les travaux du Dôme débutent en 1294. Le bâtiment doit être imposant, et même immense, avec un dôme gigantesque. Le projet est tellement ambitieux que les architectes se succèdent sans en venir à bout. Tout au long du 14e siècle, le projet du dôme ne cesse de prendre de l’ampleur. La taille de la coupole qui doit le coiffer ne cesse elle aussi de croître, pour aboutir à un diamètre intérieur de 42 m.
Le tambour octogonal qui doit soutenir le dôme est construit au 14e siècle par Arnolfo di Cambio. Percé de huit ouvertures rondes, il vise à surélever encore l’ensemble, et porter le poids énorme de la coupole, sans être soutenu par le moindre arc-boutant.
Mais pendant plus d’un siècle, le trou de la coupole reste béant. Car personne ne sait comment édifier la coupole sans avoir recours à des cintres en bois. Plusieurs solutions sont envisagées. Par exemple, on imagine même de remplir de terre les murs de l’église pour y appuyer les cintres. Des enfants de Florence auraient ensuite enlevé la terre, dans l’espoir d’y trouver les piécettes cachées !

L’entrée de Brunelleschi dans le projet

Filippo Brunelleschi dans Les Vies de Giorgio Vasari
Filippo Brunelleschi dans Les Vies de Giorgio Vasari | @ INHA

Dès 1401, Filippo Brunelleschi, orfèvre de formation, participe au concours pour concevoir et réaliser les panneaux en bronze des portes du baptistère tout proche. Mais c’est son rival Lorenzo Ghiberti qui l’emporte et réalise les 28 panneaux en bronze qui ornent la porte nord. Comme de nombreux savants et bâtisseurs de cette époque, Brunelleschi part à Rome étudier et dessiner les bâtiments de l’Antiquité.
En 1418, la gigantesque cathédrale est presque terminée mais toujours sans coupole. La Municipalité de Florence se résout à lancer un appel d’offres. La plupart des projets reçus utilisent des cintres comme support à la coupole. Seul Brunelleschi apporte une proposition totalement nouvelle, faisant appel à une structure autoportante, appuyée sur les parois du dôme en cours de construction.
Cette technique présente de surcroît un grand avantage financier puisqu’elle est beaucoup plus économe en bois.
Cependant, Brunelleschi, inquiet de se faire voler ses idées, cultive le secret et refuse de dévoiler les détails du dispositif qu’il souhaite mettre en œuvre pour la construction du dôme. Le doute demeure : est-il un génie ou un imposteur ?

Construction du Temple de Jérusalem
Construction du Temple de Jérusalem |

© Bibliothèque nationale de France

En 1420, la commission annonce la présélection de trois candidats, et leur impose une épreuve pour les départager : proposer les techniques permettant d’élever les matériaux de construction à une hauteur de 50 m. Jusque-là, la cage à écureuil déjà en œuvre sur les chantiers médiévaux suffisait. Mais la hauteur du dôme impose de trouver de nouvelles solutions. Brunelleschi invente un palan actionné par des bœufs et utilisant une corde de presque 200 m de long : un système complexe de poulies et d’engrenages permet de faire monter et descendre les charges sans que les bœufs ne changent leur sens de rotation. Il imagine aussi une grue qui déplace les matériaux de façon latérale une fois qu’ils sont montés sur le chantier.

Les engins de Brunelleschi sont tellement novateurs qu’ils fascineront Léonard de Vinci et resteront en usage jusqu’au 19e siècle.

Le chantier en marche

En 1420, Brunelleschi est enfin nommé maître d’œuvre du projet, mais Lorenzo Ghiberti, son rival pour les portes du baptistère, devient le codirecteur. Tout au long du chantier du dôme, la mésentente entre les deux hommes ne cesse de croître. D’autres difficultés interviennent aussi. Des fissures apparues dans les murs doivent être renforcées avec des barres de fer. Malgré cela, le dôme progresse au rythme moyen de 30 cm par mois. Le 25 mars 1436, jour de l’Annonciation, le pape Eugène IV consacre la cathédrale enfin achevée. Depuis 16 ans, durée finalement modeste pour un tel projet, la ville de Florence tout entière vivait dans l’attente et au rythme de ce chantier colossal.

Le dôme de Brunelleschi à Florence
Le dôme de Brunelleschi à Florence |

© Nathalie Ryser

Le dôme de Florence
Le dôme de Florence | © Bernard Ryser