Les hommes du CNIT

Vue du chantier du CNIT avec les trois architectes
Vue du chantier du CNIT avec les trois architectes |

© Fonds Camelot. CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle

Le CNIT est un bâtiment exceptionnellement complexe. Sa conception et sa réalisation ont réuni une équipe de trois architectes et deux ingénieurs en chef. Mais il n’aurait jamais vu le jour sans l’enthousiasme et la ténacité d’Emmanuel Pouvreau (1900-1962), président du Syndicat des constructeurs français de machines-outils.

Un lieu d’expositions commerciales

Emmanuel Pouvreau, industriel et homme d’affaires, souhaite un lieu pour pouvoir organiser régulièrement des expositions commerciales. À cette époque, peu d’options sont possibles : le Grand Palais est sans doute trop petit et surtout ne correspond plus à l’image moderne que le monde de l’entreprise souhaite véhiculer. Le 12 septembre 1958, le CNIT est inauguré par le général de Gaulle, alors Président de la République, et le ministre des Affaires culturelles, André Malraux, fervent admirateur d’architecture moderne. Le succès est total : sous la coque de béton, Malraux estime que “depuis les cathédrales gothiques, on n’a rien fait de semblable”. S’ensuit l’organisation de nombreuses expositions destinées à exalter le génie industriel français comme “Mécanelec” ou le salon des arts ménagers qui connaissait, à chaque édition, une très importante fréquentation.

Qui sont les bâtisseurs du CNIT ?

Les trois architectes et les deux ingénieurs qui conçoivent le CNIT sont eux-mêmes aidés et secondés par de nombreux collaborateurs. En tout ce sont 11 ingénieurs et 18 dessinateurs qui travaillent sur la conception de la voûte, auxquels s’ajoutent 350 ouvriers spécialisés sur le chantier et 40 ouvriers affectés à l’usine à béton de Bezons, située à quelques kilomètres au nord.

Ce sont les entreprises Balency et Schuhl, Boussiron et Coignet qui sont choisies pour participer à l’aventure.

Les trois architectes du CNIT sont issus de la même génération. Après avoir étudié pendant l’entre-deux-guerres l’architecture à l’École des beaux-arts, tous les trois ont reçu le grand prix de Rome. Cette distinction leur ouvre les portes des grandes commandes publiques au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Agréés par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU), ils participent au relèvement des villes et des industries françaises et mènent de très importants chantiers.

Les architectes

Bernard Zehrfuss (1911-1996) est un des grands représentants du courant Hard French pendant les Trente Glorieuses. Il construit beaucoup, vite et à moindre coût en ayant recours au béton et aux méthodes industrialisées. Zehrfuss a livré de nombreux grands ensembles qui devaient résoudre la crise du logement : le Haut-du-Lièvre à Nancy (1959-1963), Clichy-sous-Bois-Montfermeil (1960)… Cette production massive ne l’a jamais empêché de penser à l’architecture dans le détail et la précision. Ses recherches en termes techniques et constructifs l’ont conduit à collaborer avec de nombreux ingénieurs pour l’élaboration de véritables prototypes. En dehors du CNIT, l’une des plus brillantes illustrations de cette démarche est sans doute le siège de l’Unesco, immense vaisseau de béton réalisé en collaboration avec l’architecte Marcel Breuer et l’ingénieur Pier Luigi Nervi.

Jean de Mailly (1911-1975) a reconstruit Sedan, dirigé l’aménagement de zones à urbaniser en priorité (ZUP) et livré plusieurs tours de bureaux dans le secteur de La Défense.

Robert Camelot (1903-1992) entame sa carrière avant la Seconde Guerre mondiale. Comme ses deux confrères, il participe à la reconstruction en France, où il développe davantage ses talents d’urbaniste (Lisieux, Reims).

Les ingénieurs

Les Halles de Fontainebleau
Les Halles de Fontainebleau |

DR

Nicolas Esquillan (1902-1989), à peine diplômé de l’École des arts et métiers de Châlons-en-Champagne, est recruté par les établissements Boussiron. Dès ses débuts, il réalise des performances impressionnantes grâce au béton et remporte de nombreux records pour ses ponts, viaducs et hangars. Livré en 1958, le pont de Tancarville présente les pylônes les plus hauts du monde (123 m). Nicolas Esquillan a travaillé avec les plus grands architectes. Il collabore avec Auguste Perret sur les hangars aéronautiques de Marignane (1949-1952). La couverture de ces édifices est composée d’un seul tenant très léger, comme aux halles de Fontainebleau (1936-1941). Pour accomplir cette performance, Esquillan a calculé des voûtes très minces consolidées entre elles par courbures. C’est ce principe que l’on retrouve au CNIT de La Défense.

Jean Prouvé (1901-1984) est à la fois entrepreneur, designer, architecte, ingénieur. Après avoir suivi une formation de ferronnier, il collabore, dès les années 1920, avec les architectes les plus avant-gardistes : Robert Mallet-Stevens, Le Corbusier, Eugène Beaudoin, Marcel Lods, etc., pour qui il dessine des éléments de structure, profilés, ferronneries, ouvertures, mobiliers légers essentiellement en métal. Ses productions pourraient se caractériser par la plus grande économie en termes de matière et la plus grande fonctionnalité en termes d’usage.

Résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, il devient à la Libération maire de Nancy et ouvre les ateliers de Maxéville qu’il ferme seulement quelques années plus tard pour des problèmes financiers.

En 1956, il réalise pour l’abbé Pierre la Maison des jours meilleurs – dont le montage se fait en quelques heures – qui aurait pu constituer une solution à la crise du logement en France à cette époque. Malgré son grand succès au salon des arts ménagers à Paris, la maison reste à l’état de prototype.

La chaise "Standard" de Jean Prouvé
La chaise "Standard" de Jean Prouvé
La Maison des jours meilleurs de Jean Prouvé
La Maison des jours meilleurs de Jean Prouvé |

© AFP