"D'affreux murs de boue"

— par Agatha Christie

Dans Meurtre en Mésopotamie, la romancière Agatha Christie met en scène une infirmière découvrant un chantier de fouilles datant de la Mésopotamie ancienne. Les murs de briques de terre crue ne lui inspirent aucune admiration, au contraire !
Je préfère vous le dire tout net : ne vous attendez pas à la moindre touche de couleur locale dans mon récit. Je ne connais en outre rien à l’archéologie et ne m’en porte pas plus mal. Aller farfouiller dans des ruines et remuer les ossements de gens morts depuis belle lurette, ça me dépasse. Mr Carey passe son temps à me dire que je n’ai pas la fibre archéologique, et je le crois sans peine.
Dès le lendemain de mon arrivée, il me demanda si je n’avais pas envie de visiter le palais dont il… levait les plans – je crois qu’il appelle ça comme ça. Quoique je me demande bien comment on peut songer à établir des plans de quelque chose qui a disparu depuis la nuit des temps ! Enfin ! Je lui répondis que j’en serais ravie et, honnêtement, l’idée m’emballait assez. Près de trois mille ans, il avait, ce palais, à ce qu’il paraît. Je me demandais quelle sorte de palais ils pouvaient bien avoir à cette époque-là et si ça ressemblerait aux photos que j’avais vues du mobilier de la tombe de Toutankhamon. Mais croyez-moi ou pas, il n’y avait rien à voir que de la boue ! D’affreux murs de boue agglomérée de cinquante centimètres de haut, un point c’est tout. Mr Carey me balada au milieu de tout ça en m’assommant d’explications : ici, c’était la cour d’honneur ; là, il y avait des salles de je ne sais quoi et un étage supérieur, et encore des pièces donnant sur la cour d’honneur. Et tout ce que je me disais, c’était : "Mais comment est-ce qu’il peut le savoir ? " mais je suis trop bien élevée pour lui avoir posé la question. En tout cas, pour une déception, ç’a été une déception ! Le chantier de fouilles tout entier ne m’avait l’air de rien d’autre qu’un immense bourbier – pas de marbre, pas d’or, rien de beau… question ruines, la maison de ma tante à Criklewood aurait fait plus d’effet ! Et dire que ces Assyriens, ou je ne sais trop quoi, se baptisaient rois !

Meurtre en Mésopotamie, Agatha Christie, 1936 (1939 pour la traduction française)