Paris Futur

— par Théophile Gautier

"Il n'y aura plus de nuit : sur chaque place s'élèveront des phares, des minarets d'architecture mauresque, dont le sommet portera des aigrettes de lumière électrique d'un éclat si intense, que le gaz se détachera en noir sur sa flamme. Ces phares jetteront sur la ville une lueur blanche et bleue dix fois plus vive que celle du plus brillant clair de lune oriental. L'on pourra lire à cinq ou six lieues dans la campagne les éditions les plus microscopiques. La seule chose à quoi l'on pourra reconnaître la nuit, c'est qu'on y verra plus clair que dans le jour. Les gaz d'éclairage, aujourd'hui si infects, exhaleront les parfums les plus délicieux, les arômes les plus suaves. Les hommes de ce temps-là dormiront très-peu ; ils n'auront pas besoin d'oublier la vie dans cette mort intermittente qu'on appelle le sommeil : leur existence sera d'abord si bien combinée qu'ils n'éprouveront jamais de fatigues, les résistances de la matière étant vaincues, et l'alimentation dégagée de tout ce qu'elle a de grossier."

Paris Futur, Théophile Gautier