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Le retour du labyrinthe

Le retour du labyrinthe
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Dans tous les domaines de la vie scientifique, économique et sociale, selon les époques et les civilisations, les représentations que l’homme se fait de l’univers évoluent. La volonté de simplification, d’organisation, de planification est toujours plus ou moins à l’œuvre, qui cherche à chasser l’obscur, le complexe, le hasard et les tâtonnements.
Cette volonté d’ordre et de transparence est manifeste quand Platon triomphe d’Aristote, quand le monothéisme remplace les autres religions, quand la philosophie des Lumières l’emporte sur l’obscurantisme, quand Haussmann trace dans Paris de larges avenues urbaines, ou quand l’économie de marché cherche les voies les plus courtes de la rentabilité immédiate.
Pourtant, le réel refuse de se laisser enfermer dans la ligne droite. Le labyrinthe aujourd’hui s’impose dans tous les domaines : avec Darwin l’évolution cesse d’être un progrès constant raisonné et prend la forme d’une suite d’accidents et de hasards sélectifs. La théorie des probabilités, la physique des particules, la théorie des fractales, les géométries non euclidiennes... toutes les sciences modernes semblent construites sur le modèle du labyrinthe. Dans le même temps, le labyrinthe envahit l’économie qui se mondialise, les réseaux routiers, les modèles urbains, les réseaux d’information et de communication.
Jacques Attali est particulièrement sensible à cette évolution qu’il analyse dans un article du journal Le Monde du jeudi 9 novembre 1995 :
"Les labyrinthes modernes transforment l’homme en un nomade virtuel, voyageur de l’image et du simulacre… Dans cet univers, les mythes auront beaucoup àdire ; et d’abord évidemment celui du Crétois qui fit du labyrinthe le lieu de dissimulation de la barbarie. Qui sera Minos, le pouvoir qui veut enfouir ses secrets dans le labyrinthe ? Qui sera Thésée, qui veut les dévoiler ? Et Ariane, la rebelle, qui lui donne le fil pour l’amour de la vie ? Et Dédale, le génial inventeur du piège seul capable de le déjouer ? Et le Minotaure, la chimère, le monstre, l’inconscient, l’ennemi enfoui dans chaque homme, qu’il lui faut mettre au jour pour le détruire ? Et Icare, le démiurge, qui, pour s’évader du labyrinthe, utilise les ailes mises au point par son père, le sage Dédale, mais qui montera trop haut et chutera ? Que sera enfin la cire, grandeur et limite de l’intelligence humaine, parce qu’elle lui permet de fixer des ailes à ses épaules et d’échapper au labyrinthe par le haut, au moins aussi longtemps qu’il ne tente pas de s’approcher trop du soleil ? De Dédale à Internet. Très loin. Et très proche. Exactement comme deux points voisins d’un labyrinthe."
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