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Réflexions sur l’empoisonnement des classes ouvrières

Réflexions sur l’empoisonnement des classes ouvrières
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Les chutes sont un danger évident lié au métier de peintre. Mais l’autre risque, moins connu, réside dans la manipulation de produits chimiques nuisibles pour la santé. Depuis l’Antiquité, les peintres utilisent de la céruse comme composant principal de leurs mélanges. Carbonate basique de plomb, la céruse est un pigment d’un blanc très pur qui contribue au processus de séchage de la peinture. Très répandue, elle a même été utilisée pour le maquillage féminin. Or le plomb est extrêmement toxique pour l’organisme, car il provoque des troubles nerveux et digestifs. Il peut aussi être à l’origine d’infertilité, de cancers et de débilité mentale. Les enfants sont les plus vulnérables aux dangers du saturnisme.
L’utilisation de la céruse augmente avec les débuts d’une production industrielle dans les années 1780 en Hollande et en Angleterre, puis en France en 1809 où s’ouvre une usine à Clichy (près de Paris). Commercialisé sous forme de pain conique très compact, le blanc de céruse était en général concassé par l’apprenti qui inhalait les poussières de plomb. Dès 1823, il devient obligatoire de broyer le blanc de céruse avec de l’huile pour éviter la propagation dans l’air de ces particules très nocives. L’ouvrier le plus exposé au saturnisme est celui que l’on appelle l’enduiseur, parce qu’il tient directement dans sa main la céruse, sans aucune protection.
Dans les années 1850, des professionnels, chefs d’entreprise ou employés, épaulés par les découvertes de chimistes, tentent de remplacer la céruse par le blanc de zinc. Mais il faut attendre une loi votée en 1909, sous la pression du syndicat des peintres de Paris, qui restreint l’utilisation de cette matière dangereuse. En effet, les risques ne s’arrêtent pas seulement à la manipulation par le peintre, puisque le blanc de céruse, appliqué sur les murs et les plafonds, est toujours actif. Les peintures au plomb ont engendré un problème de santé publique qui reste aujourd’hui encore d’actualité dans les maisons et appartements vétustes. Aujourd’hui encore, la rénovation de certains ouvrages oblige à prendre des mesures de confinement du chantier ou de protection des intervenants par des scaphandres lors du décapage du minium de plomb. Ce fut le cas par exemple pour la rénovation de la charpente métallique du Grand Palais ou de la tour Eiffel.
© BnF
  • Date
    1881
  • Auteur(es)
    Henry Gourreau
  • Provenance
    Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-TC52-69
  • Lien permanent
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