La BnF, plus de six siècles d’histoire
D’abord Bibliothèque royale, puis Bibliothèque de la Nation et Bibliothèque nationale, la Bibliothèque nationale de France (BnF) est l’héritière des collections royales constituées depuis la fin du Moyen Âge. Elle est l’une des plus anciennes institutions culturelles françaises.
La bibliothèque des rois

Portrait équestre de François Ier
François Ier apparaît ici revêtu d’une armure de parade, l’épée à la ceinture et une masse d’armes à la main. Le seul élément non militaire est le béret à plume blanche. La somptuosité de son armure, en acier damasquiné d’argent, et la richesse de harnachement de son cheval magnifient le portrait du roi guerrier.
© Bibliothèque nationale de France
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L'architecture civile : la Bibliothèque
Depuis 1724, la Bibliothèque royale était établie dans l’hôtel de Nevers qui occupait l’aile occidentale du palais Mazarin. Le lieu, conçu pour l’habitation, se prêtait mal aux besoins d’une grande bibliothèque car il y manquait une grande salle de lecture. Consulté en 1785, Boullée propose une solution ingénieuse et simple : "C’est tout uniment de couvrir la cour de l’ancien palais Mazarin qui est immense, d’en disposer la décoration intérieure de manière qu’elle présente un superbe amphithéâtre de livres et de réserver les bâtiments actuels comme dépôts des manuscrits, des estampes, des médailles, de la géographie et autre."
À la différence d’autres grandes commandes publiques, le projet d’agrandissement de la Bibliothèque royale fut presque sur le point d’aboutir. Retardé, puis oublié lors de l’épisode révolutionnaire, il réapparut finalement sous une forme nouvelle au siècle suivant quand Labrouste créa sa grande salle de lecture sur une partie de l’ancienne cour du palais Mazarin.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
En 1368, le roi Charles V installe sa collection de livres dans une salle spécialement aménagée du Louvre : une dizaine d’années plus tard, elle compte 917 volumes manuscrits. C’est le début d’une tradition que les rois de France vont poursuivre.
Le 28 décembre 1537, presque cent ans après l’invention de l’imprimerie, le roi François Ier instaure un nouveau principe : le dépôt légal. Il oblige ainsi les éditeurs du royaume à déposer des exemplaires de chaque livre imprimé, afin d’accroître la bibliothèque royale. C’est un acte décisif qui permettra de constituer au fil du temps un patrimoine exceptionnel. Le principe est ainsi posé de tout collecter et tout conserver.
La bibliothèque connaît son véritable développement à partir de 1666, sous Colbert qui a pour ambition d’en faire un instrument à la gloire de Louis XIV. Il l’installe dans le quartier Vivienne et mène une politique active d’accroissement des collections, multipliant par deux le nombre de manuscrits et par quatre celui des livres imprimés alors conservés.
En quelques décennies, la bibliothèque du roi de France s’impose comme la première en Europe. L’abbé Bignon, nommé bibliothécaire du roi en 1719, va donner à la bibliothèque un éclat sans précédent. À la fin du 18e siècle, près d’une centaine de personnes fréquentent ainsi quotidiennement les salles de lecture de la bibliothèque. Les registres de prêt montrent que les encyclopédistes – dont Voltaire et Rousseau – s’y rendent souvent.
L’accroissement des collections lors de la Révolution française

Prise de la Bastille
La prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, est un épisode central de la Révolution française.
Pour le peuple, cette prison royale est le symbole d’un pouvoir injuste qui peut "embastiller" (emprisonner) sans réelle justification. La Bastille est gardée par une centaine d’hommes. Pourtant les émeutiers parviennent à s’en emparer, preuve de l’effondrement du pouvoir royal.
La nouvelle de la prise de la Bastille se répand en France et en Europe. Dès le 15 juillet, la démolition de la Bastille commence. Trois semaines plus tard, la nuit du 4 août 1789 est une autre date majeure de l’histoire de la Révolution française : elle marque l’abolition des privilèges de la noblesse et du clergé. Le 26 août est proclamée la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, texte fondateur d’une société nouvelle.
© Bibliothèque nationale de France
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La Révolution française marque profondément l’histoire de la bibliothèque. Supprimé en juillet 1790, le dépôt légal sera rétabli trois ans plus tard, de façon facultative, par la loi du 19 juillet 1793 sur le droit d’auteur (et ne sera pleinement restauré qu’en 1810). La bibliothèque du roi, devenue Bibliothèque nationale, accroît pourtant considérablement ses fonds pendant cette période, grâce à l’arrivée de centaines de milliers de documents confisqués ou saisis.
En effet, les biens du clergé, ainsi que les bibliothèques des émigrés, ou encore celles de Louis XVI, de Marie-Antoinette et de Madame Élisabeth viennent ainsi enrichir les collections nationales.
La bibliothèque profite aussi des saisies pratiquées par l’armée napoléonienne en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Italie.
19e siècle : une bibliothèque en chantier

Henri Labrouste par Ingres
Né à Paris le 11 mai 1801, Pierre François Henri Labrouste entre en 1819 à l’École des beaux-arts. Prix de Rome en 1824, il reste en Italie jusqu’en 1830 et se fait déjà remarquer par ses envois à l’Académie sur les temples de Paestum. Dès son retour à Paris il ouvre son atelier à côté de l’École des beaux-arts. Son premier poste est celui d’inspecteur pour son ami Félix Duban, chargé de la construction de l’École des beaux-arts. Il travaille également avec son frère Théodore pour le pont de la Concorde, participe à plusieurs concours, et c’est en 1838 que lui est confié son premier chantier important, la bibliothèque Sainte-Geneviève. Il réalise de 1844 à 1850 un bâtiment qui fait date dans l’histoire des bibliothèques, avec ses deux nefs jumelles aux couvrements supportés par des arcs de fonte, sa longue façade simplement ornée de 810 noms d’hommes illustres, sa symbolique discrète, et surtout sa parfaite adaptation à sa fonction. Dès ce premier chantier on voit l’architecte au travail, on découvre les méthodes qu’il devait mettre plus tard en pratique à la Bibliothèque impériale, surveillant au plus près le travail de chacun, entrepreneurs ou artisans, dessinant pratiquement tout de sa main, jusqu’au moindre détail, ne considérant rien comme négligeable ou secondaire. L’œuvre est trop forte pour faire l’objet d’une reconnaissance unanime, la critique ne l’épargne pas, mais la reconnaissance vient aussi : il est nommé en 1848 membre de plusieurs commissions (monuments historiques, édifices religieux, manufactures nationales), et devient en 1849 vice-président de la Société centrale des architectes. Enfin, en cette seule année 1854, il est chargé à la fois du séminaire de Rennes et de la Bibliothèque impériale.
© Bibliothèque nationale de France
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La salle Labrouste de la Bibliothèque nationale
© Bibliothèque nationale de France
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Dès les débuts du 19e siècle, l’entrée en grand nombre des documents due aux confiscations révolutionnaires rend encore plus aigu le manque de place dont souffrait déjà la bibliothèque.
En 1858, une commission conduite par l’écrivain Prosper Mérimée rédige un rapport sur l’organisation de la Bibliothèque impériale. Ses conclusions sont en partie reprises par Napoléon III qui confie à l’architecte Henri Labrouste la reconstruction d’une partie des bâtiments. Son nom reste notamment attaché à la construction de la salle de lecture des Imprimés (1868), dite "Salle Labrouste" où triomphe l’emploi de la fonte.
Des séries de dons exceptionnels rejoignent les fonds tout au long de la deuxième moitié du siècle : la collection de vases antiques et de monnaies du duc de Luynes en 1862, les collections de Bure (1854) et Hennin (1863), ou encore les manuscrits de Victor Hugo.
20e siècle : une bibliothèque en expansion
Au 20e siècle, la bibliothèque ne cesse de s’agrandir et le nombre de salles de lecture passe de six à onze entre 1930 et 1964. Parallèlement, trois annexes sont construites à Versailles, à Sablé et à Provins en 1981. Mais ces extensions ne suffisent pas à résoudre les problèmes de stockage dus à l’explosion de la production imprimée.
L’arrivée de plus en plus massive des collections, ainsi que celle de nouveaux supports – notamment audiovisuels – pose des problèmes de conservation de plus en plus aigus. Le nombre de places offertes aux lecteurs est devenu insuffisant. Malgré son effort de modernisation et d’informatisation au cours des années 1980, l’établissement a du mal à s’adapter aux nouvelles conditions de la production imprimée et de la demande de lecture.
Dans les années 1980, étouffée par ses collections et incapable de satisfaire un public de plus en plus nombreux, la Bibliothèque nationale doit se transformer de façon radicale. Le 14 juillet 1988, lors de son traditionnel entretien télévisé dans le parc de l’Élysée, le président de la République, François Mitterrand, annonce "la construction et l’aménagement de l’une ou de la plus grande et la plus moderne bibliothèque du monde".
Chantiers et nouvelles constructions
La BnF continue, au 21e siècle, ses grandes missions : elle collecte, classe, conserve, enrichit et partage le patrimoine documentaire national. Ses bâtiments sont répartis sur plusieurs sites à Paris : le site Richelieu (avec une grande salle de lecture, des espaces de recherche, un musée...), le site François-Mitterrand (ouvert au public et aux chercheurs), la Bibliothèque de l'Arsenal et la Bibliothèque-musée de l'Opéra. Il y a une bibliothèque à Avignon, au sein de la Maison Jean-Vilar.
Depuis l’automne 2022, le site Richelieu a terminé 12 ans de travaux ! Les bâtiments historiques ont été restaurés, et les espaces ont été réaménagés pour offrir de nouveaux services. Ce site est un véritable trésor où sont conservés des collections spécialisées : manuscrits, dessins, gravures, photographies, cartes, monnaies, médailles, objets antiques et bijoux.
Et ce n’est pas fini ! Au printemps 2026, des travaux vont démarrer à Amiens. Deux nouveaux bâtiments vont y être construits. L'un pour stocker des milliers de journaux, de livres et de photos de presse : il sera entièrement robotisé, fonctionnant sous atmosphère à oxygène raréfié et sans climatisation active pour préserver les documents ! L'autre accueillera des ateliers pour la restauration et la numérisation des collections. Pour ces nouvelles constructions, la BnF vise la certification Haute Qualité Environnementale Bâtiment Durable (HQE BD).
Même si le site François-Mitterrand est très important, c’est la complémentarité entre tous les sites qui fait la force de la BnF.