Histoire de la mosquée de Cordoue

Intérieur de la mosquée de Cordoue par Gustavé Doré
Intérieur de la mosquée de Cordoue par Gustavé Doré |

© BnF

Ancien temple romain devenu église puis mosquée, la Grande Mosquée de Cordoue est un monument majeur de l’architecture islamique, témoin clé de la présence musulmane en Espagne du 8e au 15e siècle. Bâtiment unique au monde qui accueille, au sein même de la mosquée, une cathédrale chrétienne, elle subit des transformations tout au long de son histoire.

Du temple de Janus à la mosquée de Cordoue

L’emplacement de la mosquée de Cordoue est occupé dès l’Antiquité romaine par un temple dédié au culte de Janus (dieu à double visage représentant le changement, gardien des passages et des transitions).
Il est remplacé au 6e siècle par l’église Saint-Vincent de Saragosse. Les matériaux de ces édifices successifs seront réemployés pour construire la mosquée en 786 sous Abd al-Rahman Ier. La mosquée sera ensuite plusieurs fois agrandie par ses successeurs.

1236 : la mosquée devient cathédrale

En 1236, la mosquée est reprise par le roi chrétien Ferdinand de Castille, et consacrée en église. Elle subit de nouvelles transformations. Celles du 16e siècle sont sans doute les plus importantes. Appelé à construire une cathédrale en plein cœur de la salle de prière à partir de 1523, l’architecte Hernán Ruiz el Viejo insère un espace qui tient de plusieurs styles architecturaux : gothique, Renaissance et baroque.
Tandis que les côtés de la nef sont meublés de stalles en marbre et en acajou, le regard converge vers un imposant retable en bois sculpté.
À la croisée de la nef et du transept est posée une haute coupole de 15 m de diamètre. Les travaux de la cathédrale durent 243 ans.

Une forteresse percée de 19 portes

Les murs extérieurs et les portes de la mosquée de Cordoue
Les murs extérieurs et les portes de la mosquée de Cordoue | © BnF

Depuis les rives du fleuve Guadalquivir, les murs massifs (hauts de 12 m et épais de 4 à 6 m) et les crénelages donnent un aspect de forteresse à la mosquée de Cordoue. La silhouette élancée de la cathédrale, construite au milieu de la salle de prière, domine les rangées de toits à double pente qui couvrent les nefs de sa haute coupole octogonale et ses arcs-boutants. Lorsque l’on fait le tour de l’édifice, on peut voir que les murs sont appareillés de carreaux (les pierres sont posées dans leur largeur) et de boutisses (les pierres sont posées dans leur longueur).
Les 19 portes de la mosquée, dont la plupart sont aujourd’hui murées, présentent des styles des plus variés, car elles ont été décorées à des époques différentes. Construite au 8e siècle, la puerta san Esteban est la plus ancienne et a servi de modèle à toutes les autres datant de la période omeyyade. Comme à l’intérieur de la salle de prière, on retrouve le motif d’arcs outrepassés, de claveaux alternés rouges et blancs et de bas-reliefs en stuc.
Beaucoup de ces portes ont été restaurées en 1913 par l’architecte Ricardo Velázquez Bosco (1843-1923). C’est à ce dernier que l’on doit également la découverte de la cité califale Medinat al-Zahra construite par Abd al-Rahman III à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Cordoue dans le même style que la mosquée.

Le minaret

Le minaret de la mosquée de Cordoue, devenu clocher
Le minaret de la mosquée de Cordoue, devenu clocher | © BnF

Le minaret est la tour qui domine la mosquée. Le muezzin monte à son sommet pour lancer l’appel à la prière cinq fois par jour qui doit être entendu dans toute la ville. À Cordoue, les chefs politiques omeyyades construisent plusieurs minarets successifs, mais toujours selon un plan carré.
La tour actuelle a été construite sous Abd al-Rahman III (891-961) qui voulut en faire un symbole de pouvoir et de gloire. Lors de l’affectation de la mosquée au culte chrétien (1236), le minaret est transformé en clocher. C’est le même phénomène qui se produira pour la giralda (le minaret) de Séville lors de la Reconquista (la reconquête).

La cour des orangers

Alors que la mosquée était autrefois accessible par de nombreuses portes, l’entrée dans la salle de prière s’effectue aujourd’hui par la puerta de la Palmas et la cour des orangers, située au nord. La cour mesure 130 sur 50 m ; elle est entourée de portiques à arcs en plein cintre et outrepassés ; son sol est en partie encaladé (pavé de galets).

Mosquée de Cordoue : la cour des orangers
Mosquée de Cordoue : la cour des orangers | © INHA

À l’origine, cet espace est dédié aux ablutions. Cette étape de toilette rituelle est obligatoire avant la prière à laquelle les musulmans doivent se présenter purifiés. Un bassin de fontaines permet d’effectuer cette opération. On peut observer aujourd’hui au moins deux fontaines mais qui datent des 17e et 18e siècles, construites dans un style baroque. D’autres modifications ont été effectuées pendant cette période, comme la plantation d’orangers. Pour alimenter en eau ces arbres, un réseau hydraulique parcourt toute la cour.
Tandis que dans la cour des orangers de Séville, de petites rigoles relient à l’air libre chaque arbre, ce réseau est souterrain à Cordoue. Les origines de ce réseau remontent au 10e siècle, lorsque le calife al-Mansûr (938-1002) avait ordonné l’extension de la mosquée et la construction d’une citerne d’eau potable (aljibe).

Un mihrab… tourné vers Damas ?

Entrée du mihrab de la mosquée de Cordoue
Entrée du mihrab de la mosquée de Cordoue | © INHA

Dans une mosquée, le mihrab indique la qibla – la direction de La Mecque vers laquelle le fidèle doit se tourner pour prier. Une légende circula longtemps à propos de l’orientation du mihrab de Cordoue, qui aurait été tourné non vers la ville de naissance du prophète Mohammed, mais vers Damas, le berceau de la dynastie omeyyade déchue.
Le mihrab est l’espace le plus sacré de la mosquée ; il symbolise l’ouverture sur le monde divin. Plus qu’une niche, il s’agit à Cordoue d’une véritable petite pièce octogonale de 3, 50 m de superficie recouverte d’une voûte en forme de coquille. On ne peut voir celle-ci car il n’est pas possible d’entrer dans le mihrab. En revanche, on peut admirer le pavement de marbre à la base, surmonté d’arcades aveugles trilobées en stuc.
L’ensemble que nous voyons aujourd’hui encore a été construit pendant l’apogée du califat (10e siècle) ; il remplace un premier mihrab, plus modeste, dont les fines colonnes d’onyx jaspé ont été réutilisées. De par son caractère sacré, le mihrab est la partie la plus richement ornée de toute la mosquée.
De magnifiques mosaïques à fond d’or entourent l’arc outrepassé. Rinceaux, plantes, fleurons et fleurs s’épanouissent dans des trapèzes à dominante or, bleue ou rouge. On pourrait penser que ces formes reprennent, tout en l’enrichissant, le motif des claveaux rouges et blancs présents dans la salle de prière.
L’encadrement rectangulaire de l’arc se nomme en arabe alfiz. Il se compose de décors en stuc mais aussi de mosaïques en bandeaux sur lesquelles on peut lire les versets (sourates) du Coran sur fond or ou bleu nuit. Le mihrab est flanqué à l’est de pièces destinées à conserver le trésor du califat, tandis qu’à l’ouest des passages avaient été aménagés pour un accès direct au palais du calife (l’Alcazar), situé le long du Guadalquivir.
La mosquée-cathédrale de Cordoue est classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1984.