Boullée, architecte des Lumières

Le projet de la Métropole est un temple idéal pour un culte nouveau.

"Un édifice au culte de l'Être Suprême ! Voilà certainement un sujet qui comporte des idées sublimes et auquel il est nécessaire que l'architecte imprime un caractère."

L’architecture sacrée de Boullée reflète les bouleversements idéologiques de la fin du 18^e siècle. Ses projets – Métropole, temple, église – traduisent les nouvelles formes de religiosité issues des Lumières : culte de la Nature, de la Raison scientifique et des Grands Hommes.

"Pourquoi ne saisirait-on pas des moyens qui, loin d’exiger des sacrifices, ramèneraient les bonnes mœurs par l’attrait du plaisir ? Le projet de cirque que je présente ici est conçu pour remplir des vues morales et politiques."

Boullée imagine un cirque monumental capable d’accueillir 300 000 personnes, inspiré du Colisée de Rome mais conçu pour les rassemblements patriotiques. Situé à l’Étoile, il devait offrir des accès fluides et un grand amphithéâtre bordé de galeries et d’escaliers. Il voyait en ce lieu un moyen d’élever l’âme du citoyen à travers des festivités.

Le Palais municipal imaginé par Boullée incarne une vision républicaine. De plan carré, il repose sur un socle figurant "la société" et se veut à la fois maison commune et siège des magistrats. Son accessibilité est renforcée par des galeries ouvertes, permettant une circulation fluide des citoyens, comparée à une "fourmilière". L’intérieur hiérarchisé place les magistrats en hauteur et les citoyens au cœur du dispositif, illustrant une organisation rationnelle du pouvoir.

Le Palais national incarne l’utopie politique de Boullée. La façade accueille des allégories des départements et des tables des lois constitutionnelles, surmontées d’un attique figurant les fêtes nationales et d’un groupe sculpté célébrant la Liberté. Inspirée du Panthéon antique, la salle d’assemblée domine un plan symétrique, structuré par un module carré répété et un éclairage zénithal innovant.

Boullée imagine un opéra monumental exprimant la grandeur des arts. La façade, inspirée des temples antiques, est scandée de colonnes et surmontée d’un couronnement sculpté exaltant la musique et la poésie. L’ensemble traduit une vision théâtrale du pouvoir des arts, inscrivant l’édifice dans une monumentalité intemporelle.

L’édifice repose sur un plan rigoureusement symétrique, centré sur une vaste salle de spectacle en hémicycle. Le parterre et les loges offrent une visibilité parfaite, tandis que l’éclairage zénithal sublime l’espace scénique. Boullée joue sur la monumentalité et les jeux de lumière.

Cette coupe géométrale offre une vue intérieure spectaculaire d’un Muséum imaginaire. Jouant sur les proportions monumentales, l’architecture mêle colonnades ioniques, voûtes en berceau et encensoirs, évoquant un temple dédié au savoir.

Boullée imagine un Muséum monumental où le Temple de la Renommée trône en son cœur. Cette vue intérieure met en scène une architecture grandiose, rythmée par des colonnades ioniques et des voûtes en berceau, évoquant un espace sacré dédié au savoir et à l’hommage aux grands hommes.

Boullée imagine une entrée monumentale pour la Bibliothèque royale, rue Colbert. Cette élévation grandiose, marquée par l’influence antique, met en scène des figures d’Atlas soutenant l’édifice, symbolisant le poids du savoir.

Depuis 1724, la Bibliothèque royale était établie dans l’hôtel de Nevers qui occupait l’aile occidentale du palais Mazarin. Le lieu, conçu pour l’habitation, se prêtait mal aux besoins d’une grande bibliothèque car il y manquait une grande salle de lecture. Consulté en 1785, Boullée propose une solution ingénieuse et simple : "C’est tout uniment de couvrir la cour de l’ancien palais Mazarin qui est immense, d’en disposer la décoration intérieure de manière qu’elle présente un superbe amphithéâtre de livres et de réserver les bâtiments actuels comme dépôts des manuscrits, des estampes, des médailles, de la géographie et autre."

À la différence d’autres grandes commandes publiques, le projet d’agrandissement de la Bibliothèque royale fut presque sur le point d’aboutir. Retardé, puis oublié lors de l’épisode révolutionnaire, il réapparut finalement sous une forme nouvelle au siècle suivant quand Labrouste créa sa grande salle de lecture sur une partie de l’ancienne cour du palais Mazarin.

Une porte triomphale massive s’élève sur un socle à refends, renforçant son caractère imposant. Des guerriers de bronze et des figures drapées à l’antique donnent une présence poétique au monument, sans ancrage précis dans le temps ou l’espace. Le ciel tourmenté et la fumée des canons suggèrent un contexte de conflits.

"L'ensemble du fort présente un donjon circulaire flanqué de tours carrées placées dans les diagonales de la grande tour. Les intervalles de ces tours sont remplis par un amoncellement de boulets, en sorte qu'ils en sont encombrés. La porte qui lui sert de fermeture est annoncée par le bouclier d'Achille. C'est ainsi que par ces énormes amas de munitions de guerre j'ai cherché tout à la fois et à caractériser ce monument et à manifester l'art."

En 1782, Boullée conçoit un cénotaphe pour Turenne sous la forme d’une pyramide tronquée, entourée de cyprès et de palmiers. Sobre et massive, la structure en maçonnerie est marquée par des escaliers diagonaux et l'entrée est ménagée dans un large cul-de-four. Ce monument funéraire exalte la mémoire du maréchal de Turenne mort au combat en 1675.

Le cénotaphe, avec sa pyramide ronde, reflète une nouvelle façon de penser l’architecture funéraire. Ce monument, qui ne contient pas de corps, rend hommage aux Grands Hommes en défiant le temps. Sa forme simple et imposante, inspirée des monuments antiques et des formes géométriques, symbolise une mémoire éternelle, comme un monument qui résiste à l’usure des siècles.

Étienne-Louis Boullée cherche à rendre hommage à l'astronome Newton avec cette proposition de monument sphérique.

Le monument funéraire est inspiré par l’architecture égyptienne. En 1785, avec la décision de Louis XVI d’éloigner les cimetières des villes, Boullée propose une nouvelle typologie : des cénotaphes et des tombeaux fondés sur des formes géométriques simples comme des sphères et des pyramides. Ces monuments, sans corps, sont conçus pour défier le passage du temps.