L’An 2 440

— Louis-Sébastien Mercier

Le narrateur de ce texte s’endort en 1770, mais se réveille dans le Paris de 2 440. Il se rend au théâtre… Cet édifice en demi-cercle où tout le monde est confortablement assis ne rappelle-t-il pas les vues innovantes de Ledoux pour le théâtre de Besançon ?

Nous arrivames sur une belle place, au milieu de laquelle étoit situé un édifice d’une composition majestueuse. Sur le haut de la façade étoient plusieurs figures allégoriques. À droite, Thalie arrachoit au vice un masque dont il étoit couvert, & du bout du doigt montroit sa laideur. À gauche, Melpomène armée d’un poignard, ouvroit le côté d’un tyran & exposoit aux yeux de tous son cœur dévoré de serpens.
Le théâtre formoit un demi-cercle avancé, de sorte que les places des spectateurs étoient commodément distribuées. Tout le monde étoit assis ; & lorsque je me rappellois la fatigue que j’essuyois pour voir jouer une piéce, je trouvois ce peuple plus sage, plus attentif aux aises des citoyens. On n’avoit point l’insolente avidité de faire entrer plus de personnes que la salle n’en pouvoit raisonnablement contenir ; il restoit toujours des places vuides en faveur des étrangers. L’assemblée étoit brillante ; & les femmes étoient galamment vêtues, mais décemment arrangées.

L’An deux mille quatre cent quarante. Rêve s’il en fût jamais de Mercier, Louis-Sébastien. Londres.